HORS-CHAMP
Le hors-champ tel qu’il est défini par Jacques Aumont est : « l’ensemble des éléments (personnages, décors, etc.) qui, n’étant pas inclus dans le champ, lui sont néanmoins rattachés imaginairement, pour le spectateur, par un moyen quelconque». Le champ est la partie visible et audible du film. Le cadrage en délimite le contour physique. Tout ce qui n’est pas matérialisé par l’image est considéré hors-champ.Le hors-champ défile en filigrane par rapport au défilement général, mais il fait partie de la structure narrative du film. Ainsi, le hors-champ dans l’exemple de la chute d’une pastèque, c’est qu’en évitant de filmer le sol au moment du contact, le spectateur en devine instinctivement la conséquence. Il y’a une sorte de persistance mnémonique favorisée, pour l’exemple précité, par le phénomène newtonien de la pesanteur. En apesanteur, on change complètement de repère et de sémantique.Le hors-champ (on dit aussi espace off) n’est pas seulement inhérent aux entités tridimensionnelles. Il existe aussi un hors-champ qui est de nature électromagnétique comme le son acoustique. On dit alors son hors-champ. Sa structure est plus complexe. Un son dont la source n’est pas visible sur l’écran argenté (son out ) constitue un son hors-champ. Seule la "synchrèse", (un terme inventé par l’essayiste Michel Chion) permettant de relier le contenu de l’image au son que l'on entend, pourrait en atténuer la complexité et élucider leur causalité intrinsèque. Le but étant de rattacher dans un exercice for délicat, l’image visuelle et limage sonore. Certains sons filmés sont indéchiffrables. Ce sont des sons qui n’ont pas de références acoustiques pour notre ouïe, c'est à dire manquant d'antécédents sono-mnémoniques . D’autres comme le vrombissement d’une voiture roulant à toute vitesse et son freinage brutal, sont reconnaissables même en son «out ». Les sons extra-diégétiques nourrissent le son hors-champ. Ils ne font pas partie de l’action. Le son diégétique est le plus familier. Il est simple à identifier puisqu’il sert à commenter l’action du film.Nous disions que la structure du son hors-champ est complexe parce que le son dans le cinéma peut passer du son « in » (son dont la source apparaît dans l'image) au son off en prenant la voie du « hors champ », c’est à dire la voix extra-diégétique (l’exemple le plus typique est celui du guitariste qui joue sur son instrument. Dans un premier temps le spectateur voit dans le plan l’instrumentiste et écoute le son dégagé par la guitare, soudain le personnage sort du champ mais on continue d’entendre le son de la guitare.)L’espace filmique englobant le champ et le hors-champ, que ce soit au niveau du son ou de l’image, apparaît alors comme un substrat stratifié et enchevêtré, un conglomérat difficile à manier. C’est pour cela que les grands cinéastes se reconnaissent par la maîtrise de ces éléments. Voulant éviter la platitude, ils mijotent longuement leurs scènes avant de prononcer le mot Action. La fluidité du récit cinégraphique et sa richesse dépendent de la subtilité de ces ingrédients qui ne devraient pas être insérés dans le film pour rien.A l’époque du cinéma muet, tous les sons étaient en quelque sorte, des sons hors-champ, puisque la technique de synchronisation sonore n’était pas encore inventée. Ainsi, la musique du pianiste qui accompagne la projection produit un son d’une sémantique à double emploi. Tantôt, elle suit le récit (notes musicales tristes pour illustrer la sentimentalité d’un protagoniste chagriné) tantôt, elle reste déphasée par rapport au déroulement de l’action. Le son n’étant pas filmé et on ne peut parler dans de telles circonstances que de musique d’ambiance improvisée selon l’humeur du pianiste. Les bruitages qui augmentent le suspense ne sont pas venus immédiatement après l’avènement du sonore mais après que l’on a pesé la plus value sur la balance cinématographique. Les majors de Bollywood ont donné à ouïr des sons à qualifier de métaphoriques. Quand un personnage quelconque révèle une vérité longtemps dissimulée à son interlocuteur, on entend le son du tonnerre. Les indiens aiment le langage métaphorique. Ils ont inventé certains bruitages comiques.
RAZAK
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