Saturday, December 07, 2013

Un tout petit dit sur les courts-métrages




Il serait facétieux et insidieusement déroutent, de considérer un morceau de bobine, composé de quelques séquences disparates et incohérentes, comme un court-métrage. Un petit air de musique ne fait pas une symphonie. Le court-métrage est pour les films de longue durée, ce que la petite nouvelle littéraire est pour les grandes fresques romanesques. L’auteur doit se limiter à l’essentiel et au plus éloquemment disert. Il y a plus d’exigence et il faut qu’il y ait du proverbial et de l’axiomatique dans le condensé d’images ainsi présenté. Le court-métrage évoque plus qu’il relate ; et les images qui le composent, doivent être précieusement concentrées et habilement recherchées. Les nouvellistes et les cinéastes du «court» doivent avoir les mêmes réflexes : épuration, économie textuelle et conceptuelle. En tant que ténor de la spécialité, se passant de tout commentaire, Guy de Maupassant avait donné à lire de petits joyaux pleins de suspense et de rebondissements. Parallèlement, et à l’échelle mondiale, le court-métrage a ses ténors et ses sommités. Mais de l’autre côté de la palette, on trouve les plagiaires et les copistes qui savent mal copier. Ils nuisent au genre et le rendent fâcheusement fade. Bref, il n’est pas facile d’imaginer une histoire saisissante entre protagonistes et antagonistes et d’en filmer la quintessence en un laps de temps.
Dans les longs métrages, on peut tolérer quelques petites extravagances scénaristiques, s’écartant du socle de base, pourvu qu’elles ne s’étalent pas comme une mauvaise dilution, pour frelater la substance vitale du film. Dans certains longs-métrages et par étourderie outrancière, on a l’air de voir plusieurs films incorporés en un seul, à cause justement de cette exubérance d’images superflues et excédentaires, qu’un peu d’intelligence dans le montage de postproduction, aurait évitée salutairement. 
En matière de cinéma, dans les petites longueurs, les langueurs et les redondances sont inadmissibles et inacceptables. On attend des spécialistes du «court» qu’ils fassent preuve de pertinence cinématographique et qu’ils donnent libre cours à leur imagination, si on en a un brin. L’idée du film est essentielle. Plus il y a du génie, plus il y a de chance de gagner le pari. Le plus souvent, le scénario du court-métrage se résume à son synopsis. Chaque plan doit être pensé et repensé plusieurs fois, avant d’être filmé. On n’en a pas une multitude, fort heureusement. Par conséquent, un travail d’orfèvrerie et de fine ébénisterie est exigé de ces «menuisiers du cellophane», que ceux du pixel commencent à concurrencer sérieusement, avec leurs digitaux appareils de prise de vue et de mixage.
Malheureusement, l’on remarque qu’avec la prolifération anarchique desdites «rencontres» de cinéma  et des festivaloïdes fourre-tout, la mauvaise qualité prédomine et avec le «silence critique» des plumes les plus éclairées de la critique cinématographique, les navets supplantent la pépinière. Les goinfres pique-assiettes, qui profitent rituellement de leurs tenues, encouragent ces estrades mensongères, faites de complaisance et de hors propos, en approuvant les difformités audiovisuelles qui en sortent, comme des monstruosités Frankensteiniennes, issues d’un laboratoire de clonage artificiel, déontologiquement mal en point.
Nous vivons une époque où la beauté est phagocytée par la laideur et les sponsors étatiques ou privés, malavisés en fin de compte en sont, hélas, l’outil perfide de multiplication, de prolifération et d’expansion. Le prétentieux et le biscornu sont derrière le cuisant bide. Au Maroc, les officiels du cinoche ont fait fausse manœuvre, en croyant bêtement que le court-métrage mène au «long». Ils en font un préliminaire pour cinéastes débutants. Or, en réalité, le court-métrage, dans son acception organique, n’a rien à voir avec la marche d’un escalier ou la barre horizontale d’une échelle, qu’il faudrait gravir pour devenir réalisateur. C’est un style à part entière et un choix qui a ses spécifications et ses exigences, comme le film documentaire en a les siennes.
RAZAK
(Ecrivain  et critique de cinéma)

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