Saturday, July 16, 2016

Le Maroc et le commerce de déchets toxiques



Les Mesfioui (habitants de Safi) sont sortis par centaines dans la rue pour crier leur ras-le-bol. «Safi n’est pas une poubelle», ainsi, lit-on sur  le tee-shirt d’une fillette portant un morceau de tissu en guise de masque à gaz. Cette image symbolique a  circulé à travers les réseaux sociaux. Décryptage: c’est de la génération montante que dépend l’avenir écologique du pays. Comme à l’accoutumée, les politiciens affilés aux partis sont les derniers à réagir. L’un de ces partis se dit écologique, sans toutefois le prouver. Ses ’’vaillants’’ militants jouent aux abonnés absents, alors que la lointaine Greenpeace entre en ligne pour rappeler aux responsables marocains certains engagements que le pays a signés en matière de préservation de l’écosystème. Le ministère de la santé publique où un verbeux ministre se voit sur tous les fronts étonne par son silence complice.        
Depuis le 24 juin, jour où le cargo provenant d’Italie a accosté au port industriel Jorf Lasfar, avec sa cargaison nauséabonde, la grogne grandissait de jour en jour, au sein d’une population qui se croit lésée, dévalorisée et trahie dans son  rêve de prospérité. Chômage, pauvreté, désœuvrement et oisiveté juvénile, brefs tous les ingrédients d’une situation explosive. Ces déchets industriels ont réveillé l’ogre qui sommeillait. Les internautes éveillés ont expliqué aux profanes les conséquences prévisibles de cette invasion de déchets toxiques, dont on s’échine plus haut à nier la dangerosité, alors qu’ils constituent une véritable bombe écologique à retardement. Les maudits rejets italiens en sont la mèche et l’étincelle. L’implication d’une société israélienne de transport maritime ( Zim Integrated Shipping) dans l’acheminement  des containers a ajouté une braise ardente à cette brûlante affaire, où l’usage du faux et l’abus de pouvoir s’interpénètrent insidieusement et de manière maffieuse. La cimenterie qui accueille ces déchets appartient à des intouchables au sens despotique du terme. C’est pour cela que la soi-disant police environnementale a fait profil bas. Elle n’a même pas pu retenir le cargo au port pour faciliter l’enquête. Ainsi, pour éviter une tension sociale dont le Maroc n’a pas besoin en ce moment, on donna enfin l’aval au gouvernement pour trouver une issue à cette scabreuse affaire.
Au début, les officiels disaient  que cette cargaison est utile et ne présente aucun danger, mais telles des girouettes, ils se rétractent en confirmant qu’il y a anguille sous roche. On a eu l’outrecuidance d’affirmer publiquement et sans rougir de honte, ce que les experts en la matière récusent énergiquement. Dire que ces déchets ne sont dangereux et tralala... C’est  un mensonge d’État. Si c’est tellement propre, pourquoi les Italiens paieront de l’argent  pour s’en débarrasser. Stockés ou brûlés, ces déchets sont très nuisibles. Dans le premier cas, on pollue la nappe phréatique par infiltration interstitielle et dans le second, on empoisonne l’air qu’on respire, car les fumées qui se dégagent  des cheminées sont  chargées de métaux lourds (plomb, cadmium, titane…) et de dioxines qui provoquent  le cancer et un tas d’anomalies tant bio-physiologiques qu’hormonales. Les  filtres susceptibles de réduire de la nocivité de ces fumées coûtent très cher. Il n’y a pas une cimenterie au Maroc qui en soit équipée. 
Cet acte irréfléchi orchestré au plus haut niveau et cautionné par un ministère laxiste a été perçu par les habitants de cette région comme une insulte, un acte  provocateur. De Safi, la contestation pourrait gagner d’autres villes comme El Jadida et Settat, étant donné qu’elles sont exposées aux mêmes émanations chimiques des incinérateurs. Les cimenteries ont tapissé la carte du pays. Même Casablanca n’est pas à l’abri. La zone limitrophe Bouskoura où se trouve une grande cimenterie est déjà sous l’emprise des rejets industriels. Les riverains se plaignent d’un tas de maladies.     
Au niveau politique, le parti islamique qui dirige théoriquement le pays  est dans de mauvais draps. Rappelons qu’en 1915, ce gouvernement  de barbus a abrogé (via un décret mal instruit) un texte de loi qui interdisait de telles transactions frauduleuses. Ce qui est arrivé aujourd’hui est la conséquence directe de cette abrogation mal pensée. On aurait dû s’aligner aux Européens qui ont une vision claire et bien définie. On ne badine pas avec  l’environnement à l’écosystème. Ils sont sacrés. Malheureusement, c’est au nom du sacré que tout est massacré au pays du fqih Benkirane.
Un vrai coup de traître et une gaffe politique impardonnable. Seuls les fous et les écervelés peuvent accepter un tel deal. Une poignée d’Euros contre des milliers de tonnes de déchets hautement toxiques, nuisibles à l’environnement et à la santé des humains
Ces politiciens à la con prennent les Marocains pour des cobayes, juste bons aux mauvaises expérimentations et au sacrifice, comme si les souris déjà existantes en surnombre s’étaient envolées vers une autre planète.
Ce qui est à la fois contradictoire et comique dans cette scandaleuse affaire, c’est qu’elle éclate dans la phase préparatoire  du COP22 dont la tenue est prévue au Maroc en  novembre prochain . Ça ressemble à du sabotage d’anticipation. Mais derrière tout acte criminel, il y a une tête diabolique qui manigance tout. Il faut la trouver parmi les dizaines de têtes dociles qui la suivent aveuglement. Insidieuse, maléfique et revancharde, elle voudrait faire des rejets industriels un colis piégé, quitte à bousculer la politique interne  du pays (Qu’est ce qui empêche de dissimuler des armes dans les colis ?).
Le choix de la région à été  méticuleusement manigancé. Si on avait choisi Rabat, la capitale du pays, cette transaction aurait été perçue comme une conspiration. Tanger c’est plus proche de l’Europe. Cela pourrait entraîner de lourdes sanctions. Mais l’ouest marocain est plus sûr et l’appât est considérable: Abda c’est la première poissonnerie du pays, la Chaouia en est  le grenier et Doukkala son verger. S’attaquer à ces espaces vitaux, c’est chercher à déstabiliser le pays. Les Portugais de jadis ont essayé le même stratagème, mais historiquement, leur présence n’a pas fait long feu.
Maintenant que le masque est tombé, va-t-on juger les trafiquants et les officiels qui leur ont tracé le chemin?  Une question qui risque de rester en  en suspend, car il n’y a  pas assez de transparence et d’indépendance pour que la justice aille jusqu’au bout. Cependant, les habitants de la région ont pris conscience des dangers. Un deuxième cargo les mettrait en furie et gare aux frivoles du ministère de l’environnement qui jonglent avec le feu. Quand un affamé de justice se révolte, il voit rouge.          
Décidément, ce scandale nous rappelle par bien de similitudes l’offshoring frauduleux que les Panama Papers ont mis a nu (lire notre chroniquer Lien URL http://razakcinema.blogspot.com/2016/05/lor-fane-de-loffshore-et-le-cinema-2eme.html ) . Il n’y a pas que la devise forte à prendre le raccourci des paradis fiscaux,  il y a des déchets industriels et domestiques qui cherchent les ’’paradis toxiques’’.
 RAZAK

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