Wednesday, December 12, 2012

LES FAFM DU FIFM (Suite et fin)




L’hermétisme sécuritaire imposé par les Français du FIFM (avec la bénédiction des locaux) a pour but de veiller à la sécurité physique des “stars” invitées, mais il y a un quiproquo: les soins en  surplus et l’overdose peuvent laisser des séquelles psychiques chez la  personne concernée, qui avant de fouler du pied le sol marocain croyait qu’on l’aimait. En pleine guerre froide, Mitterrand et Willy Brandt marchaient à pieds, sans gardes-du-corps et sans escorte, eux qui étaient des politiciens ayant des émules et des adversaires coriaces qui leur en voulaient. 
Que dire des starlettes de cinéma qui ont depuis jadis quitté les plateaux de tournage? Sûrement, au crépuscule de la vie et par narcissime, l'on continue à se faire des illusions. Est-ce que Deneuve et Delon d’aujourd’hui ont les mêmes degrés de popularité que ceux de jadis. À une certaine époque, où Delon faisait tandem avec Belmondo, les teen-agers se mettaient en transe à la vue du "plus beau acteur français". Aujourd’hui, les ans ont fait leur effet. On est plus sage , certes, mais on vit le cinéma au passé composé. Les stars d'aujourd'hui se nomment: Brad Pitt, DiCaprio, Keanu Reeves, Nicole Kidman, Matt Damon, Ben Affleck, Tom Hanks, Tom Cruise, Johnny Depp. Ces acteurs sont toujours en activité et ne répondent aux sollicitations que sous des conditions bien précises, parce qu’ils n’ont pas de temps à perdre dans des mondanités stressantes et exhibitionnistes. 
Certes, il arrive que des fans, fous de leur idole, commettent ce que j'appelle des petites “fautes d’amour”, mais pas au point de nuire à leur intégrité physique. Ce serait absurde. Ainsi pour éviter les petits dérapages de comportement, on a appliqué la totale (entendre par ce terme: coller aux fesses des starlettes, au point de leur voler leur intimité). Cette surveillance trop rapprochée et la sévérité de la démarche sécuritaire donnent à la personne escortée l'impression  qu’elle est visée par des malfaiteurs et qu'à la moindre occasion d'inattention, elle  serait liquidée. 
Trop c'est trop. Avec ce style de surveillance mal pensé, on donne une mauvaise image du pays. Pourquoi Shah Rukh Khan dans ses deux visites-éclairs n'est pas resté longtemps au Maroc, alors qu'on France il a passé plusieurs jours? Est-ce la peur de ceux qui  l’aiment follement?
Vous voulez pousser l'hermétisme à son paroxysme, rien de plus simple et pratique: organisez les séances de projection dans la salle de l'hôtel qui porte un nom abbasside et  où ces surhumains sont casés sans avoir la possibilité de communiquer entre eux. Cela les aiderait à se faire connaissance, parce que l’on a remarqué de visu que les uns ignorent ce que font les autres.
Il est temps de revoir la vision, le philosophie du festival, les normes d'hospitalité et les assises sur lesquelles on a bâti la fondation en apportant les équilibrages et les réajustements nécessaires. Les Français du FIFM se resservent la part du lion, les meilleures places et les grands palaces, les gros salaires, alors que les Marocains et les Arabes de manière générale sont relégués au second plan. On a fait venir de nombreux réalisateurs célèbres et d’autres moins célèbres, mais aucun d'eux n'a donné la chanse et l'opportunité à un acteur ou une actrice marocaine pour figurer aux génériques de leurs films. Les clivages Nord-Sud semblent ancrés dans la durée. Cette situation paradoxale me fait penser à un poète que j’aime beaucoup: William Black:
«Chaque nuit et chaque matin, certains naissent pour le chagrin. Chaque matin et chaque nuit, certains naissent pour le délice exquis. Certains pour le délice exquis. Certains pour la nuit infinie». En écrivant ces vers pleins d’éloquence et de vérité, ce grand poète visionnaire  voulait mesurer les distances, les écarts et les disparités entre un fils de peuple n’ayant que sa dignité à faire valoir et ceux qui naissent avec une cuillère en or dans la bouche , comme on dit communément des fils de bourgeois et des notabilités ayant, en plus du pouvoir, la richesse matérielle qui les rend deux fois plus puissants, par rapport aux autres.
Ceux qui naissent pour la nuit infinie ne vivent pas, mais vivotent. Une mort lente les accompagne le long du trajet. Leur mauvais destin les largue dans l’interminable déprime. Méprisés par ceux qui naissent pour les délices, ils ne peuvent pas changer leur vie, même en reniant leurs principes, ou en montrant un peu de docilité non-coutumière dans leur conduite et du respect envers ceux qui détiennent les rennes du pouvoir, parce que le jeux sont ainsi faits. Il faut qu’il y ait des pauvres pour que les riches savourent le plaisir de la distinction. Il faut qu’il y ait des reclus fichés et cités dans les listes noires et puis des marginaux périphériques  pour que ceux qui se trouvent au centre ressentent la différence. Bien sûr, tout cela est factice et vicieux, car la société idéale est celle qui donne à chacun sa chance, sans exclusion, sans préjugés réducteurs ni favoritisme et que le meilleur gagne.
Qu’ils soient écrivains ou artistes de génie, le chemin des « nés pour la nuit infinie » est jonché de cailloutis anguleux, de clous rouillés et d’épines. Seule alternative: changer de contrée et de pays, pourvu que les conjonctions zodiacales favorisent la migration, sinon, c’est la nuit épaisse qui submerge tout. On n’a qu’à souffrir en silence et regarder les autres jouir et profiter des richesses du pays. 
Nous vivons dans une société intolérante et revancharde. Il n’y a qu’à voir les tribunaux du pays et les banalités pour lesquelles on se dispute. Un mot mal déplacé et voilà le crâne fracassé. On ne discute pas, on agit avec violence,  alors que le festival poursuivait ses activités deux journalistes qui ont fait la prison racontaient leur calvaire carcéral. Il y a de quoi faire des  polars hollywoodiens.
Et comme on a peur de l’intelligent, l’administration préfère les cancres. On a le malheur de les voir s’accaparer tout: la télévision, les poste-clefs des offices et des grosses banques, les festivals et les espaces mondains. Ils ne lisent pas, ils ne répondent pas aux doléances et requêtes des citoyens et quand par hasard ils sortent de leur cocon de soie et de cristal et que vous avez l’opportunité de leur parler en aparté, ils se métamorphosent et se  montrent d’une affabilité qui suscite l’étonnement. Tout çà c’est de la malice. Les rouages de gestion exigent un peu de diversion, de théâtre et de simulation. Les honnêtes gens appellent ça: hypocrisie, mais  le pire c’est que cette vicieuse tare a trouvé  tous les ingrédients pour perdurer à l’infini.
RAZAK

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