Sunday, May 29, 2016

L'or fané de l’offshore et le cinéma ( 2ème et dernière partie)



L'or fané de l’offshore et le cinéma
2ème  et  dernière  partie   

Décidément, les paradis fiscaux n'ont rien de paradisiaque. En effet, qui peut faire confiance à des anonymes? La confidentialité qui est la base de tout le processus risque à tout moment d'être rompue. Mais malgré cette carence, on se laisse aveuglément entraîner par le courant, comme une poire pas encore mure. La cupidité règle la vitesse d'écoulement et l’égoïsme en régule la fluidité. Au lieu de déposer l'argent dans des banques nationales en payant les impôts sous-jacents pour avoir la conscience tranquille, on prend la voie cabalistique qui est pleine de risques, d'écueils et de mauvaises surprises.
Depuis la nuit des temps, on sait que le cumul de l'argent déstabilise celui qui le possède. Qui a gagné ou hérité un grand pactole et qui a peur de le perdre d'un seul coup, accepte ce pèlerinage financier où il n'est pas obligé d'y participer physiquement comme un pèlerin du pécule. Cette « Route de la soie anti-fiscale » s'enchevêtre et s’étend aux quatre points cardinaux. Les relais et les correspondants, implantés dans diverses contrées, se chargent des connexions. Ils agissent dans la clandestinité pour que les transactions suivent le circuit labyrinthique tracé par de fantomatiques topographes. Ces paradis fiscaux sont convoités non seulement par les gros trafiquants d'armes, de drogue, d’objets d’art et par les colporteurs de pierres précieuses, mais aussi par des footballeurs que le ballon rond a enrichis, des propriétaires de casinos, de brasseries et de grosses boites de nuit, des chirurgiens et puis même par de hauts responsables que l'on croyait corrects et respectueux des lois en vigueur dans leur pays respectif. Cet offshoring monétaire peu orthodoxe ne date pas d'aujourd’hui. Autrefois, il avait bénéficié du mutisme des médias les plus influents, dont certains patrons n'étaient pas totalement ’’clean’’ et hors de connexion. Ils avaient leur part du gâteau.
Du point de vue moral, c'est le blanchiment de l'argent sale et l'évasion fiscale qui ont jeté l'opprobre sur ce mode de transaction. Les pays émetteurs, privés de ces ressources fiscales, en souffrent rudement, puisque, la crise économique étant à son summum, on manque de sous pour construire des hôpitaux, des écoles et des prisons, afin de résorber les vagues montantes de délinquants. A l’échelle mondiale, on estime à 255 milliards de dollars, les pertes annuelles dues à l'évasion fiscale.
Vieillies et avilies, les classes politiques se contentent de regarder législativement. Cependant, demeurés en éveil par rapport à ces gros dormeurs, quelques journalistes débonnaires ont décidé dans un geste de défiance, de faire le travail de ces hypnotiques ronronnant comme des chats engraissés à outrance dans leur moelleux fauteuil de l'hémicycle de députation. Parmi les journalistes qui, en aventuriers courageux, ont enquêté sur cet offshoring dépravé, et cela avant qu’Internet ne soit créé, il y en avait un qui s'appelait Hunter Thompson (1937-2005). En 1960, il avait écrit un roman (The Rum diary) où il avait consigné le fruit de ses investigations. Le roman ne sera publié qu’en 1998. Le héros de ce roman (Paul Kemp) avait pris le risque de se laisser introduire au sein de la pègre de l'immobilier touristique qui voulait faire d'une parcelle portoricaine bordant la mer une corniche pour les nantis américains. Il avait fini par divulguer le stratagème de ces maffieux de l'exotisme.
En hommage à Thompson, on lui a dédié un film qui porte le même titre que le roman. Dans cette adaptation cinématographique, c’est Johnny Depp qui réincarne Paul Kemp. Le film s'achève sur ces éloquentes paroles: ''trouve un vent pour le porter''. Il s'agit du message de vérité que le reporter voulait que le peuple sache.  
Ainsi, si aujourd’hui certains journalistes militants reviennent à la charge, avec fougue et détermination, c'est grâce à cet outil puissant qu'est Internet et qui permet aux as de la cyber-informatique de fuiter les données et databases des officines les plus hermétiques et des citadelles les plus surveillées. Ils y ont trouvé le vent pour porter leur message. Si Thompson était encore en vie, il serait aux avant-postes offensifs dans cette guerre sans merci menée par des diseurs de bonnes vérités. Le journal allemand Süddeutsche Zeitung fut un des premiers coalisés. Contrairement aux trouillardes feuilles de choux qui font pitre figure, sa crédibilité s’en retrouve revigorée. Mais il ne faut pas juger à la hâte, attendons voir pour faire le tri. Il y en a qui sont encore à l’ère Gutenberg. Celle de l’Homo-Digitalus leur fait peur.
Les Panama-Papers que l'ICIJ a jetés sur la place publique ont créé des remous tels que, pour certains hommes publics vivant dans des démocraties en  éveil, le futur est désormais compromis. Si Julian Assange avait remué les eaux stagnantes avec ses fameux WikiLeaks, les récents Leaks de l'ICIJ (Panama-Papers) ont remué d'autres mares putrides et ces feuilles panaméennes portées au gré des vents cybernétiques feront en tomber d'autres avant le temps, puisqu’en fin de compte elles seront arrachées à des arbres rongés par les vermines. La grande contradiction qui va péricliter tout, c'est qu'au moment où les pauvres retraités de la fonction publique paient l'IGR, d'autres, surpayés et disposant d'une marge de manœuvre absolutiste s'en esquivent tout bonnement, en allant déposer, avec la fierté ultranationaliste, leur magot ailleurs. Ce qui inquiète et indispose à la fois, c'est que les personnalités publiques impliquées dans cette cabale de devises fortes, et qui sont censées donner l'exemple aux autres en matière de régularité et d'assiduité fiscale préfèrent les évadés fiscaux aux bons contribuables. Du coup, ils tombent en disgrâce et on doute sur leur bonne foi. Étourdis par ce qu'ils possèdent, ils ne savent pas que les frais de dossier et la commission dépassent de loin les prélèvements fiscaux préconisés par le règlement en vigueur dans leur pays respectif. Ce jeu de divertissement finira dans les larmes, parce qu’il porte en son sein les germes de la perversité. Pour se défendre, ils accusent la CIA de cette fuite de données et du tollé médiatique qu’il a engendré. Mais ils n’expliquent pas comment ils ont pu amasser de telles fortunes, ni pourquoi ils cherchent à les cacher ailleurs. Tout le monde sait que pour réussir il faut tricher. Les honnêtes hommes meurent dans l’austérité. C’est le constat amer de cette absurde chienne de vie.
Pour le cinéma, ce sera un gage de réussite. N’oublions que là où la CIA  met le nez, il y a du suspense et une odeur répugnante à renifler.   
Qui a dit que l'argent n'a pas d'odeur? Celle qu'il a laissée après la divulgation des Panama-Papers est d'une puanteur nauséabonde. Après le Panama, à qui sera le prochain tour, au sein de la nébuleuse des Eldorados de l’oseille où les milliardaires en devises fortes ne font rien comme les autres ?
RAZAK

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