Quand le PMU français s’enrhume les parieurs du Maroc éternuent. Cette interdépendante
causalité ne date pas d’aujourd’hui, elle remonte à la période
de la colonisation. Les Colons du début du siècle écoulé, parmi lesquels il y
avait des maraudeurs et des recherchés de justice, étaient venus au Maroc avec
leurs manies et tics de société. Les jeux du hasard en faisaient partie. On
commença par la loterie qui, paradoxalement naquit ’’nationale’’ sans passer
par le cantonal pour coller à la réalité
géographique, puisque dans la campagne on ne trouvait pas de bons
numérotés qui donnent droit à une copieuse tirelire, quand la chance est du côté du porteur . C’était un phénomène
purement urbain. Dans les deux zones du Maroc colonisé, espagnole et française,
on trouvait des colporteurs de tout poil qui comme le petit gamin mexicain
du film ’’Le trésor de la Sierra Madre’’ vendent des tickets de loterie. Les Colons
sont partis mais leurs tics sociétaux sont restés ancrés dans la gestualité et
la mentalité des autochtones.
Peu à peu et au fil des ans, la loterie cède la place au loto.
Tout se qui se crée dans les anciennes métropoles française et ibérique trouve une application non
seulement au Maroc, mais aussi dans les
autres ex-colonies de l’Afrique du nord. Les années 2000 vont voir apparaître d’autres jeux dans l’unique but est de
soutirer l’argent des crédules. Après le kéno et le quatro,
d’autres jeux de grattage sont apparus. Les accros s’en emparent, avec
l’espoir de gagner le jackpot, mais
contre toute attente, ce dernier semble inatteignable. On rejoue pour la énième
fois, toujours pas chance. Tout ça est un peu dingue, car comment peut-on
parler de chance avec des chiffres
truqués ? D’où l’exode massif des ’’jeux de papier’’ aux courses de
chevaux. Les ’’cocheurs-gratteurs’’ rejoignent
la fourmilière des turfistes qui se bousculent dans les cafés mal aérés
et les bars malfamés du royaume.
Contrairement aux autres
jeux du hasard que le digital d’escroquerie a frelatés, le PMU reste le plus spectaculaire, mais il
n’est pas à l’abri des manigances et des
manipulations secrètes. Un cheval classé dernier par la presse hippique et qui se retrouve en tête du peloton
d’arrivée suscite des interrogations. A-t-on dopé ce canasson ou a-t-on
communiqué à la presse de fausses données
sur ce crack inaperçu ?
D’après ce qu’on raconte, le PMUM transmué par nécessité affairiste en «société
royale d’encouragement du cheval» et le
PMU français sont liés par une convention
préconisant le versement d’un certain pourcentage des sommes accumulées
dans les jeux. Le maximum de la cagnotte
est atteint dans La course-support c’est-à-dire le quinté, autrefois hebdomadaire avant de devenir
quotidien, comme en France, pays
d’Europe où les courses s’effectuent sur son territoire. On manque
d’informations sur ce deal et sur les cotas convenus entre les deux parties. On ignore aussi où va
l’argent gagné par cette société
marocaine à califourchon entre le privé et le public. Ce que l’on sait c’est que le nombre de
parieurs marocains augmente d’année en année et que, fait nouveau, des
Marocaines commencent à y adhérer. Elles
aussi connaissent Bassire (Bazire) et Raffa (Raffin). Mais au lieu de dire
sulky elles disent ’’tomobile’’ (voiture) et ’’lagrillage’’ à la place de
stalle. Voiture à deux roues ?! Cela relève de la fantasmagorie.
Les Jockeys du Galop ignorent
comment les Marocains articulent leur nom. C’est l’occasion propice de
leur faire savoir: Bouniya (Bonilla), Tallize (Thulliez), Pisli (Peslier), Jarnite
(Jarnet), Soumia (Soumillon), Basqui (Pasquier), Guillo (Guyon), Chimino
(Cheminaud). Le seul nom qu’ils prononcent correctement est Farina. C’est
facile à retenir puisqu’il correspond à l’amidon dont on fait le pain.
Le PMU au Maroc et ses différentes incidences
constituent un facteur de sociologie
urbaine, qui a besoin d’être analysé avec circonspection et latence par les
spécialistes.
’’On doit occuper les
gens’’, c’était le premier réflexe des premiers décideurs. Aujourd’hui, avec la
crise économique, la donne a complètement changé. L’aspect moral est devenu
secondaire. Il a été vaincu par la
nécessité existentielle de tous les jours.
On cherche une bouée de sauvetage, pour échapper à la misère, en se
fiant aux quadrupèdes qui galopent, qui sautent ou qui trottent. Ce sont les
retraités qui sont les plus assidus. Vivant à la dérive, ils cherchent un
appui. Il y en a qui gagnent providentiellement, mais beaucoup d’entre eux y
perdent une bonne part de leur pension mensuelle. La
société susvisée, gagne un ragent fou. Elle se contente de distribuer des
programmes photocopiés à 2 centimes l’unité.
Rappelons qu’on est dans un pays où la religion bannit les jeux du
hasard. Mais comme pour les boissons alcooliques, il y a bousculade malgré
l’interdit. Laissons ce sujet barbant aux psychosociologues les plus aguerris
et continuons le décapage du phénomène Equidia, qui n’est pas difficile à
observer, que ce soit en France pays d’où elle émet ses programmes ou dans les
pays où l’on parle, en plus de la langue vernaculaire, le français. Il y
en a
toute une panoplie de bannières. Le succès d’Equidia le doit non
seulement aux retransmissions instantanées des courses, mais aussi à la langue
de communication, c’est-à-dire le français. Une Equidia en anglais signifierait faillite.
Un petit rappel : au niveau hippique, le Maroc a ses traditions
ancestrales. La fantasia en est un des plus spectaculaires. Autrefois, on en
organisait presque dans toutes les villes et les ruraux des grandes plaines
venaient amuser les citadins avec leurs prouesses. Ces fêtes ont disparu et il
ne reste que quelques survivances disparates plus folkloriques que hippiques. Mais
s’agissant des courses rémunérées, les Marocains font peu de confiance à leurs
compatriotes. Les hippodromes du pays sont déserts et les pelouses, passant du
vert au jaune, prouvent que qu’il n’ y
a de recettes même pas pour assurer
l’arrosage régulier des plantes. Le ’’Nesrani’’ (l’Européen) est à leurs yeux
plus correct. Ce jugement hâtif est une preuve
supplémentaire de l’étourderie ambiante. Ils ne connaissent rien des dessous de
table et de la mafia des courses européennes qui tirent les ficelles dans les
coulisses. Ainsi, poussant le verbiage à son paroxysme cynique, certains turfistes
berbérophones aiment répéter cette sentencieuse et revancharde phrase hissée au
rang de proverbe : «Ida Öurribate Khouribat» (traduction approximative:
arabiser c’est mener à la ruine). Ils n’osent pas parler de la conquête par les Chleuhs de toutes
les boutiques de proximité, ni comment en bons religieux ils se accaparés des
bars laissés par les Nesrani.
Pourquoi au Maroc le phénomène Equidia ne cesse-il de magnétiser
les esprits de jeux, malgré son statut de chaîne étrangère captée par satellite ?
Son émule la qatariote BeIN s’occupe des footeux. La filiale d’Aljazeera, ne
réagit même pas au piratage de ses programmes dont se livrent les gérants de
cafés marocains.
L’apparition en France de la chaîne Equidia a tout bouleversé. Au début elle cherchait à
vivre des courses, en pariant sur l’audimat. Elle fait du simulcatsing un
critère de compétitivité. Aujourd’hui elle est parvenue non seulement à tirer
son épingle du jeu, mais aussi elle est
devenue un partenaire incontournable dont le succès fait des envieux. ’’Canal
+’’ voulait casser le monopole, mais
elle n’y parvient pas. Une «course-quinté» insérée dans un programme
généraliste n’était pas la bonne option pour doper l’audimat de la chaîne. Par
contre un enchaînement non-stop qui va pratiquement de la matinée à la tombée
de la nuit, c’est plus captivant pour les fous du turf. Sans oublier les
documentaires el les émissions du ’’talk turf’’ qui meublent les
espace-temps creux.
Aujourd’hui, cette chaîne du cheval s’érige en un véritable meneur
de jeu, avançant à pas surs et bien calculés. Elle a fini par s’adjuger une
bonne part du marché avec en sus le rôle de «sauveur malgré lui» (pensez à la comédie de Molière). On ne peut pas
imaginer le PMU sans Equidia. Si un jour cette dernière tombait en panne le PMU
ferait Tilt comme faisaient les flippers Gottlieb d’antan. Les ’’pmuettes’’
maghrébines et créoles qui en dépendent
subiraient le même coup. Autre preuve de sa suprématie, elle influe sur la clientèle des cafés et des
bars. Le couple Equidia–PMU assure des bénéfices échappant à toutes
concurrences. A Mohammedia ville côtière où se trouve une raffinerie de pétrole,
le propriétaire d’une brasserie se trouvant tout prêt du port a fait des pieds et des mains pour qu’on lui restitue l’autorisation
du turf. Privé du guichet PMU, il a
remarqué que deux tiers de la clientèle ont disparus. Ils sont allés se
bousculer dans un autre bar jouxtant le jardin municipal et la gare ferroviaire.
Un bar hors-la-loi où tous les excès sont permis, puisque la flicaille
corrompue le couvre.
A Paris et à Marseille,
j’ai remarqué le même phénomène. Les Bars-tabac-PMU ne désemplissent pas.
Ce sont les Maghrébins qui y séjournent en permanence. Uni pour le meilleur et
pour le pire, le couple précité est omniprésent. Equidia et PMU France ont fait
pacte de vivre ensemble jusqu’à la fin des jeux, même si les rapports comiques
où l’on vous donne comme gain un mentant égal à votre mise risquent de nuire à
leur longévité. La seule différence par rapport aux insalubres grottes du turf marocain, c’est
qu’on perd élégamment son argent dans des conditions peu contraignantes. Il n’y
a pas d’engueulades et de bousculades. On a installé des machines automatiques
de validation pour éviter les encombrements. Mais en multipliant à l’infini les
enjeux (multi, 2 sur 4…) le PMU français s’engage dans une nouvelle direction
pleine de risques pour sa survie. On va vers la saturation. Or, il ne faut pas
oublier que les paris et les gains obéissent à la même dialectique que celle qui
régit l’offre et la demande, dans les
affaires économiques. Quand la cagnotte
à partager entre les gagnants devient
dérisoire, le jeu ne vaut pas la chandelle. Miser de grosses sommes pour gagner
des miettes, c’est ce qu’il y a d’absurde à concevoir. Mais il semblerait que
le souci primordial des organisateurs de jeux
c’est le maintien dans le circuit et au diable la cagnotte. Ils trouvent
en Equidia un auxiliaire tout dévoué à la cause et dont les intérêts et puis le sort sont étroitement liés. L’un ne peut
vivre sans l’autre.
L’hippodrome est vide, mais
les caméras ne focalisent que sur les
chevaux qui courent.
«Pourquoi le stade est vide ? Pourquoi les propriétaires de
chevaux engagent-ils leur écurie dans un spectacle sans public ?», une
chaîne commerciale ne se pose pas des questions de ce genre. Même la presse
écrite laisse paraître les mêmes signes laxistes et défaitistes. En sauvant les
apparences et les meubles du PMU, Equidia parvient à sauver les siens, car pour
danser il faut être deux. Mais attention
aux faux pas. Une chute mortelle peut briser la cadence et arrêter le
bal, une fois pour toutes .
RAZAK
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