Poil du shérif
1ère partie
Dans le lointain Far West américain, où pour
survivre il fallait être un as de la gâchette, la moustache avait une
connotation toute particulière. C’était un signe de virilité et de dureté de
caractère. Dans les films westerns qui tentaient de ressusciter ce monde révolu
de cow-boys et d’indiens, on en trouvait toute une galerie variant entre le
réel et le postiche.
Déjà
dans le tout premier film du genre ’’ The
Great Train robbery’’ d’Edwin Porter on voyait des moustachus. Ce qui était
conforme à la réalité, car dans le Texas d’antan, les cow-boys ne se rasaient
pas quotidiennement. Le travail astreignant du ranch et le transit du bétail, d’une
extrémité à l’autre, les préoccupaient tellement au point d’oublier leur hygiène.
Mais ils ne laissaient pas la barbe leur
couvrir le visage (ça fait vieux).
Dans les vastes prairies semi-arides qui se
prolongeaient dans l’infernal Nevada et le rude Arizona, zones austères peuplées
de coyotes et de serpents à sonnette, ils dormaient par terre et à la belle étoile, en faisant de la selle du
cheval un canapé. Après la paie hebdomadaire, ils allaient chez le barbier du hameau le plus proche dont
le plus cupide, joignant l’utile à l’agréable, avait une baignoire (un gros tonneau
scié en deux) pour décrasser les crasseux.
Au saloon, on se méfiait des types débraillés
et des visages mal rasés. Dès qu’on en
voyait un, on se tenait sur ses gardes,
en approchant le plus possible, la main du holster de l’arme à feu. Au moindre
geste on tirait.
Clint Eastwood, un acteur américain de grand
gabarit, a incarné dans moult films
westerns ces énergumènes hirsutes, qui pénétraient
dans le saloon sans saluer personne et qui y laissaient souvent des cadavres derrière
eux. Ils se baladaient de bourgade en bourgade, comme des apatrides,
pourchassés par des shérifs et des chasseurs de primes.
Le shérif avait une importance capitale dans
ces contrées sauvages où les hors-la-loi pullulaient et défrayaient la
chronique, comme le turbulent Walliam Bonney, surnommé Billy The Kid, parce qu’on
raconte à son sujet qu’à peine adolescent, il avait tué un homme avant de
s’enfuir au sud au nouveau Mexique.
Au Far West, il n’y avait pas de sieste. Ce
fut un monde à part ou l’on disait: ’’ les gens naissent égaux, mais c’est le
colt qui les rend inégaux’’. Le plus rapide descendait le moins agile. Quand on demandait à un
cow-boy quel était son vrai ami, il
répondait : ’’le cheval et le pistolet’’. La loi de talion était de rigueur et en
vigueur.
Toute l’Amérique d’aujourd’hui se vante de ce
passé turbulent où on s’entretuait pour de petites futilités. Les enfants de
crèche aiment s’habiller en cow-boy ou en indien. La tradition en fait des antagonistes que la haine et le
mépris opposent viscéralement. Au parc Walt Disney et au Musée National des Indiens d’Amérindien (New York), les visiteurs peuvent voir à
quoi ressemblaient une tente indienne, un mocassin de guerrier et une
Squaw.
Du point de vue ethnologique, les Indiens
n’étaient aussi sauvages qu’on le pensait. Ils étaient différents, mais pas sauvages. Ils défendaient leurs
terres où vivaient leurs ancêtres. Ils avaient leurs rites et leurs coutumes. Ils
étaient braves et des ’’hommes de parole’’ plus sincères que les Blancs. Par
ailleurs, il est temps de rectifier certains préjugés: ce ne sont pas les cow-boys
qui ont exterminé les Indiens, mais la cavalerie Yankee. Dotés de fusils à
répétition (winchester) et de canons, les Tuniques Bleues ont décimé les
premiers habitants de l’Amérique. Dans les réserves , on ne trouvait que les femmes et les vieillards. Certes, il y
avait quelques échauffourées avec des maraudeurs sans loi ni foi, mais c’étaient des cas isolés. C’était
l’armée qui menait la guerre contre les Indiens. Certains cow-boys, ayant marre
de la conduite du bétail, voulaient changer leur vie en commerçant avec les Indiens.
Ils leur fournissaient des armes et des munitions en échange de fourrures
soyeuses. Il y avait eu des mariages mixtes avec des Indiennes. Ce qui avait
donné des Métis.
La vie dans l’Ouest américain comme dans
le Sud-ouest était pleine de dangers et de désagréments. Certains
croyaient y trouver l’Eldorado, mais ce n’était qu’une chimère. On vivait sous
une menace permanente. De nombreux shérifs y avaient laissé leur peau. Les plus
chanceux comme Patrick Garrett, plus connu sous le nom de Pat Garrett et Wyatt
Earp, avaient eu une longévité mouvementée. Tireurs adroits, ces deux shérifs de fer servaient
d’exemple pour les aspirants. Leur moustache faisait trembler les lourdauds de la
gâchette. L’Histoire du Far West indique que c’est Garrett
qui a tué Billy The Kid, dans une traque
infernale dans la brousse mexicaine.
Personnellement, j’ai vu au moins quatre films où ce redoutable chérif traque sans merci
les bandits (vrais ou supposés) et les cinéastes ne sont pas des
moindres: Arthur Penn (’’Le Gaucher’’ avec Paul Newman dans le rôle de Billy), Sam Peckinpah (’’Pat Garrett et Billy The Kid’’),
Alfred E Green (3000 $ mort ou vif). Si dans les deux premières fictions, Pat Garrett utilise son arme, comme bon lui
semble, dans le troisième film, il s’en abstient. Il se
contente d’une chevauchée dans le désert. Mais ce n’est pas Bonney qu’il pourchasse, mais un ’’gentil braqueur’’ de banque incarné par Joel McCae. D’ailleurs, ce
’’Four Faces West’’ (titre originel) est vraiment étonnant. C’est un des rares
films westerns (sans doute l’unique) où l’on ne tire pas un seul coup de feu.
Cela pourrait paraître incongrûment paradoxal pour un film de chasse poursuite.
Pat Garrett,
Wyatt Earp et Doc Holliday (qui
était dentiste avant de porter la plaque de chérif) sont des personnages de légende. Cela ne
voudrait pas dire qu’ils n’avaient pas commis de fautes dans l’exercice de leur
travail. Ils sont entrés dans l’Histoire, parce qu’ils s’étaient attaqués à des pistoleros plus légendaires qu’eux.
Quand le cinéma a pris son envol, on est revenu
à leurs singuliers exploits. Ils sont devenus les favoris des scénaristes du western. Leurs antagonistes, dont la tête est mise à prix, jouissent des mêmes faveurs. Normal ! Pour qu’il y
ait shérif, il faut qu’il y ait hors-la-loi. Mais il y a des scénaristes qui se
sont fait gourer sur certains détails fondamentaux, en induisant en
erreur les réalisateurs qui ont donné vie à leur script, comme ce fut le cas pour le film d’Arthur Penn,
où partant du titre et soutenu par les images,
on voit que Billy est gaucher.
C’est une erreur impardonnable. On aurait demandé avis aux historiens du Far
West, pour éviter cette gourde cinématographique. William Bonney (alias Billy
The Kid) était droitier et non un gaucher. Une photo historique prise à
l’envers a trompé tout le monde. Certes, le jeu d’acteur (Paul Newman) est épatant, mais ce détail physiologique a nui à la crédibilité du film.
RAZAK
(Dans la deuxième et dernière partie, on
verra si tous les shérifs étaient du bon côté de la justice ou étaient carrément ’’out’’).
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