L’amateur d’art qui a la chance d’assister à la genèse d’un chef-d’œuvre pictural ou photographique jouit doublement: le prestige du regard admiratif, jeté sur un univers coloré en gestation et l’extase du produit final. Ainsi, il y a des photographes qui, aussi doués qu’imprévisibles, vous offrent cette double sensation gratifiante. Benthami Khammar ESSAFI, l’un des rares photographes d’art auxquels le magazine de la RAM (Royal Air Maroc) a consacré un spécial fort élogieux paru sous le titre: PATRIMOINE, L’EAU COMME SOURCE DE VIE, n’arrête pas de nous étonner avec sa manière si débridée et instinctive de composer avec les objets familiers et les substances fluidiques pour en faire des paradoxes visuels. Ses œuvres photographiques ont quelque chose de transcendantal. L’abstrait s’y insinue doucereusement comme une strophe dans un poème. En 2007, au commencement de l’hiver, j’avais fait le voyage avec lui en Haut-Atlas région Setti Fadma-Ourika et il en avait résulté un travail digne d’intérêt, confirmant la bonne impression que j’avais de lui depuis des lustres. Je me souviens aussi des risques imminents qu’il encourait en traversant les flots de la rivière sur un tronc d’arbre mal posé. Ce voltigeur fou de la photo est aussi un bon cadreur. Comme un topographe expérimenté, il cherchait toujours la bonne orientation. Ainsi, doué d’un regard perçant, il lui avait suffi d’un instinctif clic sur son appareil pour qu’une oeuvre d’une beauté énigmatique naisse. Quand il m’avait montré le tirage final je fus surpris et ébahi. La nuit en me montrant ses photos sur son MAC, le sommeil avait pris fuite. Si je n’avais pas été témoin de ses prises de vue instantanées, j’aurais pensé à un photomontage, comme il est devenu coutumier d’en faire en grands nombres grâce au multimédia. Mais l’artiste n’est pas à sa première œuvre énigmatique. On rappellerait qu’aux années 80 du siècle dernier, il avait photographié la rame d’une felouque. Aucune personne n’avait pu déceler «l’intrus» qui se cachait derrière les vagues. L’angle de prise de vue avait accentué le mystère. Mais comme la presse en avait abondamment parlé, on se mit à imiter le photographe sans vergogne. Tout près du Toubkal les sens de l’artiste semblaient retrouver toute leur vigueur et leur finesse. Son regard devenait aigu et sa main plus agile. Malgré leur turbulence, les filets d’eau lui étaient d’une docilité exquise. La qualité artistique de son travail, le caractère inédit de ses photos surtout les possibilités de lectures offertes au regard du spectateur, font de certaines photos des chef-d’oeuvr
RAZAK