Friday, June 23, 2023

Séquences dialogales (Razak)

 

 Tirées du roman : ’’ Ok, on ira voir ta sœur !’’.

Livre de Razak paru en France en 2018.

En vente sur Amazon, Fnac et d’autres cyber-librairies.

Lieux de fiction : Paris, Marseille et la  Route Bleue reliant Paris à la Côte d’Azur.



"– Il n’y aura pas de retour. Si tu pars, ce sera un «aller sans retour». Tu entends un «aller sans retour», ça veut dire la séparation à vie. Tu restes à côté de ta sœur, puisque ton mari n’a plus de valeur.

– C’est ce que je veux entendre de ta bouche. Moi aussi, j’en ai ras-le-bol de cette vie d’esclave. Je ne suis plus ton épouse, je suis devenue ton infirmière. Je suis fatiguée. Je passe mon temps à stériliser tes vêtements, les serviettes et les couvertures. Je travaille bénévolement avec le risque imminent d’attraper ce maudit virus. Tu te plains du feu intérieur qui t’embrase les nerfs et tu m’incrimines, comme si j’étais l’incendiaire.

– C’est la machine à laver qui s’occupe du linge.

– Mais il y a des mains humaines qui l’actionnent. Celles de ta généreuse femme et non pas d’un robot ou d’un clone téléguidé.

– On doit se séparer. Ça y est, c’est décidé. Le destin l’a voulu. Demain, tu fais ta valise. Je ne veux plus te revoir chez moi.

– Et que vont dire les voisins ? « Le mari tombe malade sa femme le quitte ».

– Je m’en fiche de ce que diront ces foutus voisins. Et puis, tu me dis ça tout bonnement, comme si tu m’aimais encore.

– Ces soins quotidiens, ces corvées, ces interminables va-et-vient entre la cuisine et la boite à pharmacie, ne sont-ils pas la preuve d’une affection sincère, l’expression d’un attachement ?

– Attachement ?! Si c’est vrai, pourquoi tu cherches à te détacher de moi, au moment où j’ai besoin de ta proximité ?

– Ce sont des illusions. Tu te fais du souci pour rien. Est-ce que tu sais pourquoi j’interdis à la femme de ménage de toucher tes vêtements ? Tu ne dis rien. Parce que je veux préserver notre intimité. Je prends tout en charge, tant que j’éprouve le sentiment du devoir conjugal. Je n’ai rien dit à Henriette, pour éviter les commérages, qu’en général, les servantes ressassent pour se défouler et se moquer de leur maitresse.

– Normal, ça fait partie des obligations dictées par l’acte de mariage. « Unis pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que la mort vous sépare », tu te rappelles du serment ?

– Le staphylo t’a rendu cynique. Tu oublies tes bonnes manières. Même dans ton sommeil, le stress fait grincer tes dents. On entend tes bruits dentaires de loin. On dirait quelqu’un qui aiguise une lame de fer ou qui traine un morceau de tôle sur un sol cimenté. Ecoute mon gaillard, essaie de tiédir ton langage. Il commence à me déplaire. Je ne suis pas ta servante ou ton valet de chambre. Je suis ta conjointe et en tant que telle, j’ai des égards et des droits à être traitée avec respect et déférence. Tu es toujours d’humeur massacrante. Tu veux que j’arrache les dents qui me restent, pour te prouver mon attachement. Je ne suis pas folle, pour commettre cet acte masochiste et irréfléchi.

– Madame sort son arsenal guerrier.

– Tu peux pas garder ton calme, comme font les humbles. Tu n’es pas un tuberculeux. Tu manges, tu marches et tu respires comme le commun des mortels. Les boutons, tout le monde en a, même les stars de ciné les plus adulées. Et puis qui nous dit que tu n’as qu’une allergie passagère. Je ne vois pas de pus. Tu n’as pas fait les analyses du sang, pour connaitre ta vraie maladie. Avec le sang, on ne badine pas. C’est la boite noire de notre organisme. Tout y est enregistré, nos excès et nos carences.

– L’allergie s’accapare le corps entier. Le St doré, est plutôt sélectif. Il choisit minutieusement sa zone. Là où l’on se met à gratter comme un singe, le virus nous dit « coucou, je me cache là ». Il le dit triomphalement et avec défi, puisqu’il n’a pas trouvé d’antibiotiques efficaces pour le neutraliser. "