Saturday, April 29, 2006

Le festival des criquets rouges


LE FESTIVAL DES CRIQUETS ROUGES

Bizarre. J’ai reçu une accréditation pour assister au festival culinaire qu’organisent les criquets pèlerins au Maroc. Ce rendez- vous saisonnier est très médiatisé actuellement, à cause de l’impact qu’il a sur l’économie du pays, déjà chancelante par les récentes hausses du prix du pétrole. D’après le programme qu’on m’a envoyé, il y’aura sélection de Miss Sauterelle 2004. Et comme à l’accoutumée, il y’aura des invités de marque, des vedettes qui font la une de toutes les gazettes gastronomiques du Sahel aux îles Canaries (le paradis des Harragas c’est à dire : paradis des boat people ). L’édition de cette année sera dédiée au criquet rouge, cette espèce très vorace est capable d’engloutir toute une récolte en un laps de temps. Un hommage sera organisé avec grand apparat, pour vanter le mérite du sauteriau des Rhamna, qu’on retrouve aussi à l’est du pays, dans une région appelée Bled Chih Ourrih . Laquelle créature ailée, se contentant de peu, parvient à résister aux aléas climatiques dans une région torride et inhospitalière. Rappelons que la plus importante récompense du festival est un épi d’or. Rien à voir avec les étoiles en plastique, les palmes d'aluminium et les statuettes moulues dans du mauvais bronze. Par ailleurs, un séminaire sera aussi organisé dans le cadre de cette manifestation agroalimentaire sous le thème : « Comment transformer un insecticide en une potion vitaminée ». Des spécialistes viendront des quatre coins de la planète pour débattre de la question. On attend incessamment l’arrivée du professeur russe Koulchouf Ouskout et le criquologue américain Nemss à qui l’on doit déjà une précieuse étude sur le changement de couleur des criquets. Selon cet éminent chercheur, la substance chimique utilisée comme insecticide par les bipèdes deviennent inoffensive quand on lui additionne de l ‘eau en grande quantité. Déjà, les ripoux de l’administration, devenus des chimistes occasionnels au service de la « Causa Nostra » , réalisent de belles dilutions dont se douchent allégrement les criquets , au lieu d'en être neutralisés . Avec les pulvérisations, ces dilutions deviennent de l’eau oxygénée et les insectes de toutes les espèces en raffolent parce que ce soluté chimique les aide à nettoyer le corps des bactéries. L'ozone (O3) n'est-il pas un désinfectant bactéricide utilisé dans la potabilisation de l'eau ? Selon ce même chercheur qui a reçu l’an passé le prestigieux Prix CRIQUETIS décerné par l’Académie Maxillaires Aiguës, la couleur rouge serait due à la carotène ingurgitée dans les plantations où l'on exploite les pauvres et au bronzage à l’ozone. Le festival en vaut le détour. N'est-ce pas beau de voir des sauterelles aux ailes irisées , et des criquets bien gargarisés dans leur dandysme outrancier et puis tous ces grillons vêtus de smoking et papillon couleur mauve qui s'égosillent comme des aristocrates à peine réveillés de leur sommeil feutré . Mais malgré les prouesses attractives et les mondanités que ce festival suscite, j’éprouve de l’embarras, car un autre festival, celui-là cinématographique, appelle présentement ma « présence critique » pourvu que l'on ne me prenne pas pour un pistolero en quête de victimes . Cependant je n’ai pas l’esprit limpide car des interrogations le taraudent. Qu’est-ce qui est plus important et urgent : assister à un festival de cinéma ou un festival de criquets rouges ? Le Pearl Harbour acridien n’est- il pas aussi spectaculaire qu’ Alexander d’Oliver Stone ? Vraiment, je ne sais plus à quel saint juste me vouer. Je me souviens d’un film asiatique d’une réalité bouleversante et qui a été présenté à Rabat dans le cadre de la semaine du film chinois. On y voit comment ces insectes gueule-de-scie transforment un champ de céréales en terrain nullius . Si les organisateurs du festival du cinéma avaient intégré ce film intéressant dans leur programmation, j’aurais peut-être le choix facile.
RAZAK
(Novembre 2004)

Thursday, April 27, 2006

UNANIMITE ?!



UNANIMITE ?!

« Sans la justice sociétale, les injustes deviennent des fauves lâchés dans la jungle urbaine. Sans la crédibilité, les éditeurs de journaux deviennent des vendeurs de papier ».
(Aphorisme inédit, RAZAK)
En matière de festival de cinéma, il faut se méfier des unanimités journalistiques autour des nouveaux-nés. Cet été au Maroc a vu l’éclosion d’une kyrielle notamment dans les villes côtières. Mais leur évaluation par la presse a souvent manqué d’objectivité .C’est plein de complaisance, trop voyeur et artificiel. Le journalisme critique semble en état de dormance jusqu’à nouvel réveil .Mais le propos stéréotypé est souvent l’émanation d’un intellect stéréotypé. De nos jours, pour lancer un festival de cinéma qui soit une réussite à tous les niveaux, il faudrait avoir de la probité angélique pour ne pas dire de la prophétie. Prenez n’importe quel festival mature comme ceux de Cannes, Venise, Berlin, Clermont-ferrand (court métrage) ou Espinho (CINANIMA) et examinez leur itinéraire en comptant les obstacles qu’ils ont dû surmonter et les réajustements opérés, d’édition en édition, avant de devenir des agoras de cosmopolitisme. Vous en déduirez des enseignements édifiants. L’auteur de cette modeste chronique a eu la chance de participer aux années 90 du siècle qui vient de nous quitter à un certain nombre de festivals européens dont notamment CINANIMA (Portugal) qui a comme créneau le cinéma d’animation .Il m’a été donné de constater de visu des écarts qualitatifs appréciables tant au niveau de la programmation qu’au niveau des conditions d’accueil .L’affabilité était le signe de civilité le plus saillant .Aussi , les médias audiovisuels ne sont pas comme les nôtres nombrilistes et gangrenés par le clientélisme. Ils donnent la parole même aux réfractaires, mus le plus souvent par un désir perfectionniste et non par une volonté de déconstruire ce qui est construit .Cela permet aux organisateurs de réparer les déficiences organisationnelles et peaufiner leur programmation. Quand une association à but lucratif ou non brille par son élitisme et son sectarisme cela se répercute sur les manifestations qu’elle organise. L’unanimité louangeuse vis à-vis d’un festival à peine enfanté et baptisé relève de l’ubuesque .Quelque part on a le sentiment qu’on a soudoyé les « véridiques » pour les aligner aux beni-oui-oui (goulou l’âme zine). Cette unanimité forcenée nuit à l’historicité de la chose. Elle inquiète plus qu’elle ne réconforte .Elle a pour gêne ADN la complaisance et elle incite à dormir sur ses lauriers, consacrer la stagnation et l’auto glorification .Heureusement, il y’a dans ce pays où le champs artistique n’est pas encore balisé (statut de l’artiste en léthargie) et où les techniciens ne sont pas appréciés à leur juste valeur, des journaux qui, se contentant de peu, savent se monter rigoriste et jaugeur. On les estime pour cette vigilance salutaire. Ils ne sont pas nombreux, mais une poignée d’abeilles comme dit le dicton est mieux qu’une nuée de mouches. Autrement, on aura dans la presse quotidienne un déluge d’articles complaisants où les ignares seraient présentés comme des génies et les unijambistes comme des héros. Ils seraient même plus nombreux que les créatures ailées du Pearl Harbour acridien dont l’Afrique du Nord est le champ de bataille. Il n’y’ a qu’à lire ce qui s’écrit comme mièvreries commanditées. Sans prétendre devenir un « festivalogue » ou un « Morchid Takafi » (orienteur culturel ) qui aime donner des leçons aux autres en oubliant de se les donner à soi même, j’ai remarqué qu’à l’instar des êtres humains, la vie d’un festival passe par trois stades : la naissance , la maturité et la déchéance . La période la plus difficile est celle de l ‘affirmation de soi. On parle alors de rythme de croisière quand le festival creuse son sillon, impose son label médiatique et fidélise une certaine clientèle. Le lexique définit le festival de cinéma comme « une manifestation périodique et temporaire consacrée à le projection de films » .Le côté mondain est indispensable. Mais il ne faut pas que cela devienne un congrès de dentistes comme dirait Godard. Les invités de marque, quand ils sont bien accueillis, ajoutent du prestige à la manifestation .Un festival de cinéma peut être national ou international, compétitif (prix) ou non compétitif .L’international est difficile à maîtriser car il exige des compétences très confirmées notamment en communication. Aussi, la thématisation ne doit pas se faire au détriment des nouveautés. Si le festival de Cannes a survécu aux aléas, c’est parce qu’on a opté pour l’inédit. Les rétrospectives lui servent d’ameublement .L’élément financier reste la clef de voûte comme dans n’importe quelle entreprise. Mais la transparence dans le gestion est une nécessité absolue .L’opinion publique doit savoir qui a fait quoi .Les chiffres de recettes du sponsoring doivent être communiquées à la presse, sinon les petits doutes finiront par devenir une entrave. La zizanie abrège l’existence des festivals. Il y ‘ a actuellement de par le monde une multitude de festivals qui ont vu leur longévité écourtée de manière prématurée à cause du manque de transparence ou de détournements de fonds. En effet, on dénombre plus de 1400 festivals de cinéma dans le monde. Mais lesquels méritent amplement leur nom ?
J’ai pris l’habitude de clore mon courrier par quelque chose de ludique afin de décompresser l’humeur. Je propose cette fois-ci une création qui a été déjà publiée dans un magazine parisien. Elle illustre de manière humoristique ce dont on a débattu avec un ton sérieux. J’espère qu’au delà du jeu de mots, on y trouve de quoi étancher sa curiosité.

UN FESTIVALIER AVERTI EN FESTIVAUT DEUX

Pour plus de crédibilité et de rayonnement, les organisateurs de festivals doivent redoubler de vigilance et de perspicacité, afin de présenter des choses « festivalables » .Il faut en outre se prémunir contre la « festivalite » aiguë, qui ajoute à l’art plus de snobisme quelle n’en retranche .La « festivalidité » d’une programmation dépend de sa « festivaleur » médiatique et de son « festi-impact » socioculturel. Or, ce n’est pas en « festivolant» les idées des autres que l’on gagnera des points au « festivalomètre » universel dont l’étalon devrait, en principe, se trouver chez les « festiveilleurs » de l’UNESCO, puisque l’art est à la fois un bien culturel et un outil éducatif. Un organisateur de festivals qui ne sait pas « festivaloriser » les talents et les compétences, en les présentant sur les meilleurs plateaux possibles, est un « festévaluateur » raté. Le mieux serait de rester aux aguets, sinon on n’a qu à faire ses « festivalises » .C’est la « festivérité », croyez-moi on pas. Enfin, si le succès est parfois synonyme de « festivouloir », le ratage, le bide et le flop sont souvent dus à l’improvisation et aux magouilles. Seule, la critique objective et incorruptible pourrait en déceler le fil invisible. La « festiactualité » est un atout et le « festiamateurisme » un handicap. Alors chers organisateurs de « festiactivités » estivales ou hivernales, évitez d’être des « festivauriens ».Un festivalier averti en « festivaut » deux.
« Festivalement » votre.

RAZAK
(Paru le 20 septembre 2004)

Les mauvais fils de pub


Les mauvais fils de pub
La théorie classique du marketing considère la publicité comme un moyen de communication qui vise le public. Le vendeur s’adresse à ce dernier via un support approprié pour tenter d’en faire un client régulier et sûr. Certains lexicologues du siècle dernier définissaient la publicité comme étant « le fait , l’art d’exercer une action psychologique sur le public à des fins commerciales ». Or depuis l’apparition de la publicité trompeuse, cet art a perdu de son attrait . Les arnaqueurs de tout poil entrent en scène et ils ne comptent pas déposer leurs armes de sitôt tant que leur énième victime n’est pas tombée dans leurs piéges. La télévision est devenue leur fief préféré. Il s’agit de spots publicitaires réalisés par des professionnels qui sont payés pour vous induire en erreur, de sorte que votre choix s’en trouve influencé. Heureusement au Maroc le public n’est pas publivore et il n’a pas les moyens d’acheter tout ce qu’on lui présente. D’où l’utilité limitée de la publicité. La preuve c’est que malgré le renfort publicitaire, certains produits commerciaux n’ont pas résisté aux lois naturelles du marché. Certaines sociétés ont fini par déposer leur bilan à force d’user et d’abuser de ce procédé. D’autres, profitant de la gratuité du service s’efforcent de s’y maintenir. Ainsi par exemple quand la deuxième chaîne publique vante via son himself support ( on n’est servi gratuitement que par soi-même) la « qualité » de son prospectus appelé « Sur la 2 » on n’a pas vu les ventes grimper et le lectorat se multiplier indéfiniment . Pourtant à chaque sortie de son numéro mensuel on répète le même matraquage publicitaire. Financé actuellement par le contribuable ce programme devrait en principe être distribué gratuitement. Les publicistes doivent méditer cet échec retentissant. C’est une preuve irréfutable que la publicité ne sert à rien quand le produit est défaillant et ne présente pas la qualité requise. Il se trouve qu’une publicité trop redondante crée l’effet inverse c’est à dire le dégoût . 2m donne une regrettable image publicitaire de ses rouages. Nous ne disposons pas au Maroc d’organismes indépendants chargés de contrôler l’audio-visuel pour vérifier certains types d’annonces publicitaires charriées via support TV . Dans certains pays soucieux du bien être général et conscients des différents préjudices causés par ceux qui les diffusent on a créé des entités de contrôle comme par exemple le BVP (Bureau de Vérification de la Publicité) qui est chargé de vérifier si les annonces de toutes natures sont conformes aux réglementations en vigueur. Si cette entité était créée au Maroc elle demanderait des comptes au staff directorial de « Sur la 2 » à propos de cette auto-publicité sans résultats tangibles .
Pourquoi La RTBF me vient toujours à l’esprit à chaque fois que l’on me parle du voyage effectué en Belgique ? C’est parce que durant les quelques semaines que j’y ai vécues j’ai remarqué qu’il n’y’ avait pas de publicité. J’ai appris par la suite que cette chaîne belge, à l’instar de la BBC (Grande Bretagne) et le NHK (Japon), il n ‘ y’a pas de publicité commerciale. Ah ! Quelle quiétude. Chez nous la publicité encourage la médiocrité. Force est de constater que toute la nullité des soi-disant sit-com ramadaniens est l’œuvre de pourvoyeurs de publicité trompeuse. Le cas contraire nous étonnerait. Supprimer la publicité paraît une solution salutaire pour renouer avec le succès. Mais est-ce pensable à l’heure où tout le monde court derrière le fric ?

RAZAK
(Paru le 29 décembre 2001)
Note de l’auteur : Après cinq ans , cette entité de contrôle de la publicité n’est toujours pas à l’ordre du jour. Le HACA (Haute Autorité sur la Communication Audiovisuelle ) a vu le jour dans les conditions que l’on sait et une tentative timide de libéralisation a été précautionneusement inscrite sur les tableaux prévisionnels , mais la publicité trompeuse à de beaux jours devant elle . 2m ne se contente pas du papier glacé (publication « Sur la 2 ») mais elle ajoute une radio à son arsenal. Cette dernière, portant le même nom, passe son temps à faire de la publicité pour les films et séries américains et puis les matchs du Real et du Barca.

Wednesday, April 26, 2006


           FAHRENHEIT 9/11



Le dernier opus de Michael Moore ’’Fahrenheit 9/11’’ réussira-il à changer la donne lors des prochaines élections US? Il est difficile de spéculer sur quelque chose d’aléatoire. L’Amérique des Bush n’est pas l’Espagne de Fedricio Garcia Lorca.Le lobbying est très actif dans ce fabuleux pays, qui est un des plus complexes de la planète. Si par miracle l’alternance a lieu, la ligne tracée par les ’’faucons’’ restera inchangée.
Autre question plus actuelle, qui concerne les Arabes de plus près: le retour des Démocrates au pouvoir peut-il aider l’Irak et la Palestine à retrouver leur indépendance? Rien n’est sûr, car les déclarations du challenger laissent penser à une continuité dans la rupture. C’est-à-dire que la problématique moyen-orientale restera entière.Donc le pessimisme reste de rigueur, même si le monde veut un changement urgent qui apaise et non un transfert de pouvoir aliénant et lénifiant.
Alors quelle est la marge de manœuvre de Micheal Moore, quelle incidence ’’Fahrenheit 9/11’’ peut-il avoir sur le cours des choses? La tactique a pour but d’empêcher le ré-intronisation de Bush. Le titre du film est une métaphore où les fameux numéros 9 et 11 renvoient plus au 11 septembre qu’aux valeurs thermiques. Rappelons que le degré Fahrenheit est une unité de mesure des températures, utilisée par les Anglo-Saxons et que 32 Fahrenheit correspondent au zéro Celsius. 9 et 11 Fahrenheit sont dans la zone froide.Or le réalisateur s’affiche comme un incendiaire, c’est-à-dire que pour que cette alternance se produise, il s’investit dans l’opposition en mettant le feu à la poudrière et ce à quelques mois du scrutin présidentiel. Ce fighting peut élever la température de la compétition et de l’adversité à des degrés extrêmes, mais pas au point de griller le thermomètre et exploser le mercure.
Moore a pu exprimer son raslebol en lançant une bombe ’’électoralogène’’. Il ne le fait pas en sympathisant pro-démocrate, mais en observateur désabusé par ce qui se passe devant ses yeux. Il a réussi à faire d’un documentaire une œuvre qui ne passe pas inaperçue (Palme d’Or au festival de Cannes-2004, bon score au box-office…).
Le brûlot est un réquisitoire contre la politique de Georges Bush, notamment au Moyen-Orient. Mais ceux qui connaissent le pays de l’Oncle Sam savent qu’il ya autant de variables que de constantes, que l’on soit en présence de Républicains ou de Démocrates.Les Palestiniens le savent très bien, mais comptetenu de la vie dramatique qu’ils mènent, ils n’ont rien à perdre. Rappelez-vous que même au temps où les Démocrates dirigeaient le pays, les Palestiniens avaient toujours souffert du veto américain.
Le mur de la honte vient d’être gratifié par un énième veto républicain, approuvant son érection, alors que la communauté internationale s’indigne. Certes, le film peut contraindre les idéologues de la ’’White House’’ de prendre conscience des conséquences de leur politique, mais espérer un changement radical, par les temps revanchards qui courent, cela paraîtrait improbable, même avec des pacifistes convaincus au sommet de l’Etat.
Michael Moore utilise, comme à l’accoutumée, la dérision, comme arme de persuasion. Il ya quelque chose de messianique dans cette attitude combative. L’ardeur du propos cinégraphique dépasse la limite du fair-play narratif.
Tout commence fin 2000 avec les élections présidentielles aux Etats Unis. Georges W. Bush gagne en Floride après le vote de la Cour Suprême alors qu’Algore comptabilisait plus de voix. On ne sut toujours pas par quel coup de dé, la balance à basculé du côté républicain. Faisons remarquer d’emblée, que les adjectifs qualificatifs ’’républicain’’ et ’’démocrate’’ sont galvaudés à outrance dans le contexte que nous analysons, car les spécificités relatives à chacun des deux clans, sont idéologiquement similaires. Ce n’est pas comme en Espagne où  Sénior Zapatero va dans la direction opposée de son prédécesseur, parce que le peuple espagnol l’a voulu.
Bref, la présence américaine en Irak aurait toujours des motifs avoués ou non avoués, pour son indispensabilité.Le joug risque de perdurer à l’infini. L’histoire du film commence par ce vote controversé. Moore a concocté un mélange détonnant fait d’images d’archives, intercalées de témoignages saisissants et anecdotiques. Tout est mis en branle, pour montrer le côté contestable de la politique de Georges W. Bush.
Du point de vue cinéphilique, le film a créé un précédant à Cannes.En effet, jamais cette ville n’a offert, via son prestigieux festival, sa plus haute distinction à un film documentaire. Les «fictionnistes» crient au scandale, tandis que leurs émules saluent le courage de ce cinéaste et font de lui un porte-étendard. N’oublions pas qu’en Amérique de ’’l’après-11-septembre’’, des lois liberticides ont été votées, pour contraindre l’opinion publique au silence forcé.Le film est sorti à une époque d’interrogations. Ces débats effrénés ont contribué au succès du film.Plus on en parle, même mauvaisement, plus on donne l’envie au public d’aller voir le film. Paradoxal !
La fièvre "docu-Moore" embrase l’Europe.Le film a rapporté à son réalisateur des sommes conséquentes que ce soit en Angleterre, en France ou au Benelux.Aux Etats Unis, le film a rapporté plus de 80,1 m en 17 jours d’exploitation et ce malgré les restrictions imposées par les grands distributeurs notamment la filiale Miramax.Bientôt, il dépassera la barre des 100 millions de dollars. Le film embrase la toile. Les downloads (téléchargements) sont, tenez-vous bien, autorisés par l’auteur. Le film est diffusé sur Internet via moult interfaces d’accès, mais Michel Moore s’en réjouit au lieu de crier au vol. Il a donné à lire dans le SundyHerard des choses étonnantes: "Je ne suis pas d’accord avec les lois sur les droits d’auteur" déclare-t-il "et cela ne me gène pas que des personnes téléchargent mon film" et d’ajouter "Plus il y a de personnes qui voient le film mieux c’est, et c'est pourquoi je suis content que cela se produise ".
Moore est un des rares cinéastes à se déclarer publiquement, pour cette forme de diffusion freeware. Il paraît qu'il ne cherche pas à faire du fric, mais passer un message à qui de droit.Mais le bon samaritain pourrait-il rester aussi magnanime, quand un producteur argenté, ne jurant que par sa sainteté le dollar, lui confierait une fiction hollywoodienne? Qui vivra verra.
Quoiqu'on dise ou médise ’’Fahrenheit 9/11’’reste un documentaire osé. En pamphlétaire impertinent, Michel Moore a déclaré "J’ai fait ce film parce que je veux que le monde change ". Sa médisance est née de la comptabilité des actes manqués de l’administration Bush et le tic fabulateur des ’’faucons’’ mis à son service.Résumons: Si après l’occupation de l’Irak, on a trouvé des preuves tangibles au mensonge d’Etat relatif aux armes de destruction massive, le pamphlet de Moore aurait été un travail de sape et de dénigrement.Ses bobines n’auraient aucun intérêt.Mais comme rien n'a été prouvé à ce jour, Moore monte au créneau.D’où la crédibilité de son travail.
La contagion a affecté le monde de la musique. La célèbre chanteuses Linda Ronstadt a vanté le mérite de ce réalisateur. Elle a présenté Moore comme un grand patriote américain qui répand la vérité. Elle lui dédia une chanson ’’Desperado’’. Mais elle fut contrainte de quitter le lieu où elle se produisit devant 4500 personnes.
 Enfin, les cinéphiles marocains qui s’impatientent de voir ce documentaire n'ont qu’à se convertir en internautes momentanément.Un simple clic les ferait introduire dans l’univers de ce que l’on pourrait appeler Emile Zola du 7eart. Son brûlot n’a-t-il pas eu le même retentissement que le "J’accuse" dreyfusard, de l’auteur de ’’L’Assommoir’’ ?
RAZAK
 


SCIENCE-FICTION-FACT



SCIENCE-FICTION-FACT



Robert Wise le co-réalisateur de ’’West Side Story’’(comédiemusicale pour laquelle il eut en 1961deux oscars, dont celui de la meilleure mise en scène) aimait employer le mot «science-fact» au lieu de «science-fiction» surtout lorsqu’il évoque son film ’’Le Mystère Andromède’’ (1971).Le mot «science-fiction» est connu par tous les cinéphiles du monde, parce qu’ils ont les yeux gavés par beaucoup de films du genre. Le terme «science-fact» a une connotation wisienne: «Le film est imprégné de faits d’éléments scientifiques qui existent ou dont la réalité est imminente» explique-t-il. La démarche de Robet Wise est on ne peut plus claire: «se ressourcer dans la science sans en être conditionné».
En bref, on peut dire sans risque d’être contrarié qu’il met en fiction des faits scientifiques, car après tout, un film de narration scientifique de quelque genre qu’il soit, reste une fiction. Autrement dit, ce serait un film documentaire et dans ce cas l’objectivité et la rigueur scientifique s’imposent d’elles mêmes. Le film de «science-fact» qu’il défendait n’avait rien à voir avec le cinéma scientifique dont le cinéma médical est un sous-genre.(Je signale en passant qu’à Rabat des années 80 un centre culturel européen consacrait un programme hebdomadaire au cinéma médical. Aussitôt, il devint un petit ciné-club scientifique où professeurs universitaires, docteurs et élèves en médecine viennent discuter des films projetés. L’auteur de ces paragraphes y participait par curiosité scientifique et cinéphilique, mais regrette sa disparition prématurée).
Revenons à Wise et à son «science-fact» pour dire que le genre aurait été mieux désigné si on avait inséré le mot fiction entre «science» et «fact» pour former le bloc sémantique «science-fiction-fact».Laissons à part ce jeu de sémiologie et examinons la thèse de RobetWise. Ce qui intrigue dans son raisonnement c’est cette allusion au (je cite) «retour hypothétique d’une fusée lancée dans l’espace et qui serait susceptible de ramener sur terre une bactérie qui anéantirait l’espèce humaine».
En y réfléchissant avec un peu de latence et de pesanteur, on trouve que l’idée ne manque ni de pertinence, ni de signes annonciateurs.En fin de compte, reconnaissons volontiers, que nul ne peut dire aujourd’hui, avec la multiplication de navettes spéciales et de sondes voyageuses, de plus en plus rapides et de plus en plus gourmandes du cosmos, que cette invasion bactérienne venue d’un autre monde serait impossible à admettre. Vu d’une part la petitesse de l’homme, par rapport à l’infinitude de l’univers et d’autre part, le fait que l’on n’a (malgré les progrès de l’astronomie de la cosmologie) qu’une connaissance imparfaite des galaxies qui nous environnent, toutes ces faiblesses humaines autorisent à croire en la probabilité de tels évènements tragiques. Le moindre indice de dysfonctionnement stellaire nous met en état de désarroi. Rappelez-vous la petite farce radiophonique qui a failli chavirer l’Amérique du behaviorisme, des lumières et de la haute technologie, dans la psychose. Il s’agit de ’’La Guerre des Mondes’’ qu’un jeune comédien inconnu appelé Orson Welles a diffusée le 30 octobre 1938 sur les ondes de la radio. Il aimait les canulars et  c’était pour cela  que le jeu de narration était tellement vraisemblable qu’on avait cru sérieusement à l’apocalypse. Ce diable d’homme fomentateur devint par la suite un des maîtres du septième art notamment après ’’Citizen Kane’’. Sa facétieuse prestation a été retenue par tous les historiens de cinéma, comme étant une des plus originales. Un canular qui secoua violemment la crédulité des Nord-Américains. Outre le spectre  zodiacal de l’horoscope, le sidéral et l’activité astrale semblent avoir une incidence sur le comportement humain. Cette désinvolture humaine prouve que l’assurance, le fair-play et surtout la gestion raisonnable de la peur collective, c’est ce qui fait défaut chez les humains, dès qu’un phénomène cosmique étrange apparaît dans la lithosphère. La chute des météorites en est un des plus inquiétants.
Le cinéma s’est déjà saisi du phénomène. Wise tout comme Welles aimaient le suspense engendré par le fantastique. Si cette réalité hypothétique devient factuelle (le mot fact en anglais signifie fait) ce serait une prémonition désagréable.
En poseurs d’énigmes, ces deux hommes voulaient nous dire qu’il ya menace en la demeure. Notre terre n’est pas suffisamment protégée. Au début, on prenait leurs idées pour du délire d’hommes dérangés, mais le temps leur a donné raison.Espérons qu’il n’en serait pas ainsi pour l’hypothétique invasion bactérienne mise en exergue par Robert Wise, car notre quiétude et notre survie en dépendraient.

Tuesday, April 25, 2006

Frida Kahlo ou l'art de collectionner les cicatrices


FRIDA OU L’ART DE COLLECTIONNER LES CICATRICES

Elle voulut être médecin, elle devient artiste peintre. Le sort en a décidé ainsi. Frida Kahlo l’artiste dont les tableaux sont parmi les plus prisés par les collectionneurs d’aujourd’hui a eu une vie tumultueuse pleine de tourments, de douleur et de vicissitudes .Le calvaire de Van Gogh et de Modigliani ne représente rien devant la souffrance modulaire que ce petit bout de femme a dû supporter suite au tragique accident qu’elle a eu à l’âge de 18 ans. Pourtant, sa résistance physique et sa détermination à toutes épreuves ont fait d’elle un personnage singulier. On feuillète les monographies qui lui sont consacrées avec compassion et admiration. A la voir à l’œuvre avec son enthousiasme débordant l’on dirait qu’elle n’avait jamais reçu le moindre coup de bistouri.Pourtant son corps semblait collectionner les points de suture. Elle n’a pas pu préserver sa chair avide de tendresse des morsures des déchirures et du poison de la vie. La fatalité l’a élue pour mener une vie de saltimbanque. André Breton le pape du surréalisme la définissait comme un « ruban autour d’une bombe ». Une métaphore qui en dit long sur le côté « satin » et le côté « airain » de ce personnage féminin hors du commun. Elle était courageuse, dynamique et tenace. Elle affrontait le destin avec une combativité d’une rare résignation. Au pays de la Tequila et du piment rouge l’espoir faisait vivre.Tout était possible même l’impossible, à condition de savoir se faufiler entre les épines. Le Mexique est le paradis du cactus. Frida a pu non seulement transcender sa condition physique mais donner un sens à sa vie. Elle voulut réellement être l’égale de l’homme dans la passion et dans le combat des idées.
Plusieurs ouvrages ont été publiés sur elle en langues anglaise, espagnole et française. Les Etats-Unis viennent d’imprimer un timbre commémoratif à son effigie.La consécration que l’Academy Awards a réservée au film « Frida » de Julie Taymor prouve que le sacrifice de cette artiste peintre a fini par être récompensé de plus belle manière.Le film vient enfin de sortir dans les salles de la capitale marocaine soit 9 mois après sa sortie mondiale. Je l’ai vu la semaine dernière. Sa vison en valait la peine.
Commençons par saluer le performance de Salma Hayek qui nous a permis de suivre les péripéties de ce drame picturo-romantique avec intérêt .Tout le film repose sur l’énergie de cette actrice mexicaine que les maquilleurs ont « fridalisée » avec finesse et sobriété. Le film débute par une séquence originale digne d’être signée par Luis Binuel : le déménagement d’un grand grabat mexicain auquel on a fixé un miroir . Une femme ayant des sourcils en arcade y’ est immobilisée. Un très gros plan sur le visage. Soudain , le récit s’amorce pour prendre sa ligne de narration. La suite du film nous expliquera qu’il s’agit d’un « lit-atelier-chevalier » ambulant et que la femme transportée est une artiste qui va inaugurer son exposition. Derrière cette pièce d’ébénisterie surréaliste il y’a une volonté farouche de surmonter les obstacles. On n’a qu à suivre les protagonistes qui sont évidemment plus beaux que les vrais. Ce n’est pas le premier film à s’inspirer de la vie des artistes peintres célèbres ou inconnus. Picasso en a eu droit à une kyrielle variant entre le film documentaire et le film de fiction.Le dernier en date est Surviving Picasso de James Ivory. Van Gogh , Modigliani et Hokusai n’ont pas été oubliés par les cinéastes. Certes, 120 minutes ne suffisent pas pour explorer l’univers onirique et libidinal de Frida Kahlo et surtout pour commenter son itinéraire politique et esthétique qui prirent une autre direction en croisant ceux du peintre muraliste Diego Riviera, du philosophe russe Léon Trotski et du père du surréalisme André Breton.Le film est d’une beauté plastique exquise. Les amateurs d’art plastique y trouvent de quoi étancher leur soif .L’image est impeccable .Les couleurs sont vives et éclatantes à l’image du Mexique .On peut dire sans risque de se tromper que « Frida » révèle Julie Taymor. Son précédent film « Tutus » est passé inaperçu. Elle a réussi à faire exploser le talent de la plantureuse latino-américaine Salma Hayek, qui , en voyant le film en avant-première, s’exclama : « Je n’avais jamais pu montrer ce dont j’étais capable ». Résultat final de cette fructueuse collaboration : six nominations aux oscars 2003 dont celui de la meilleure actrice et deux pour le meilleur maquillage et la meilleure musique. Un exploit pour une production à petit budget (12 millions de dollars seulement). Qui vous a dit que la réussite dépend exclusivement de l’argent.
RAZAK
(Parue dans la presse le 24 janvier 2004 )