Monday, April 24, 2006

DU CINEMA NEW AGE

DU CINEMA NEW AGE
Nous vivons l’ère du clonage . Même le cinéma que d’aucuns , récalcitrants , considéraient jusqu’à tout récemment comme une entité génétiquement et phénotypiquement « inclonable » commence à subir le scalpel des généticiens de l’image et des infographes. Plus besoins de doublures et de figurants physiologiquement coïncidants. Le computer se charge d’affaire. En multipliant les simulations et les hybridations d’êtres virtuellement identiques à l’homme, la question : « Qu’est-ce que le réel ? » est à l’ordre du jour .
Curieusement, la fièvre de la clonomania culmine en cette fin de millénaire, comme si l’on voulait entrer dans le nouveau siècle avec des auto-clones de secours en guise d’ombres. Tenez en Nouvelle Russie on nous parle d’aventuriers du clonage qui veulent reproduire Lénine, le père du bolchevisme alors que des cinéastes américains sur-informatisés comme Georges Lucas et John Whitney pensent qu’il est possible de ressusciter (s‘ils ne l’ont déjà fait ) Clark Gable et Rita Hayworth , deux figures mythiques du cinéma américain. Au cas où ces deux expériences réussiraient, notre planète serait celle des revenants de deux sortes : les uns organiques obtenus par une diabolique hybridation, les autres virtuels par numérisation. D’ailleurs depuis Jurassic Park (S. Spielberg ) film entré dans les annales du cinéma virtuel , jamais des trucages de cinéma n’auraient été aussi intrigants et les dinosaures plus vrais que le réel. De même, parmi le cinéphiles et les ciné-téléphiles qui ont vu Terminator-II de l’entreprenant James Cameron savent de quels spécimens d’humanoïdes il s’agit. Pour ce qui concerne le second genre de clones, les trucages par numérisation avec leur spectaculaire et ahurissante apogée risquent de porter l’art de la manipulation à des degrés telle que la réalité serait compromise. L’art et la représentation : deux notions qui , durant des siècles ont focalisé l’attention des philosophes (Hegel, Bachelard , Spinoza …) seraient remises en question de manière radicale. Moulage en silicone , mousse de caoutchouc, animation hydraulique, robotique, tous ces ingrédients digérés par l’ordinateur sont recrachés sous forme d’images iconiques maniables à souhait du fait de leur numérisation . Autrefois les cubistes disaient toucher la matière et non la voir , aujourd’hui ne dit-on pas ne croire qu à ce qu’on voit ? Entre toucher et voir il y a la vitesse de perception mentale .C’est pour cela que les « visualistes » l’emportent sur les « tactiliens » . Mais au delà de cette prolifération d’images, qu’adviendrait-il de notre imagination . Le téléspectateur comme le cinéphile tout comme l’amateur de jeux vidéos , qui font ravage actuellement dans toutes les salles de jeux de la plante , semblent vivre et penser par procuration .
« Quelle liberté les images modernes laissent- elles à leurs spectateurs ? » s’interroge Christian Godin auteur d’un brillant essai sur l’imaginaire et vide . « Le cinéma , la télévision et l’informatique (images de synthèse) ont fait surgir un troisième monde intermédiaire entre l’univers matériel et l’univers des idées, entre le sensible et l’intelligible, explique- il . Ces artifices qui arrêtent l’imaginaire au lieu de le stimuler doivent interpeller autant le philosophe que l’anthropologiste et le physiologiste . Certes, le marché des images est régi par la cruelle loi du box-office . Mais à force de se montrer intelligible ne risque t-on pas de devenir débile tout simplement . Godin nous met en garde contre cet asservissement de la liberté : « A vouloir tout monter on n’évoque plus rien ». Et pour conclure, il revient aux permisses : « L’imaginaire est liberté souveraine, mais l’arbitraire l’annihile » .

RAZAK

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