Saturday, June 25, 2016

Poil du shérif (2ème et dernière partie)

Poil du shérif 
(2ème et dernière partie)
Par RAZAK
     Du point de vu opérationnel, le fait d’être  nommé shérif de comté ou de district, suppose que l’on en a le profil, l’aptitude et la carrure, car les hors-la-loi qui sévissaient dans le Far West  n’étaient pas des enfants de chœur et ne plaisantaient pas avec le joujou mortel attaché au ceinturon. Certains d’entre eux étaient devenus si célèbres, dans un monde plein d’interrogations, qui se cherchait et qui était régi par la seule loi du colt. Laquelle loi factice  avait paralysé celle de la raison et de la coexistence pacifique. La légende se substituait à la vérité historique. Les voies et supports de communications (train, télégraphe, journaux…) étaient à l’état embryonnaire. Les Indiens voyaient la menace  du ’’visage pale’’ s’approcher d’eux comme une pieuvre tentaculaire. Les petites  villes naissantes de l’Ouest américain  et les villes-réceptacles  du Mexique  vivaient à la merci des bandits. Les bons shérifs se faisaient  rares et pour faire face à la pénurie on fit recours à des  régulateurs et des mercenaires.    
Parmi les hors-la-loi qui sont devenus des célébrités du Far West,  il y a, outre William Bonney, que l’on a cité précédemment,  Jesse James et son Frère Frank, les frères Dalton  (dont le bédéiste Moris a dénombré les méfaits dans les albums de Lucky Luck), Robert LeRoy Parker (alias Butch Cassidy), Bill Doolin, Sam Bass, William Brocius, (alias Curly Bill), James Miller, Thomas Coleman Younger, John Wesley Hardin….

Beaucoup de hors-la-loi  étaient au départ des  personnes braves, honnêtes et  correctes, mais ils ont dû changer de vie, soit pour venger un frère tué injustement,  soit par l’envie revancharde de saboter le nouveau pouvoir yankee, mis en place après la défaite des Sudistes. Les voleurs  les plus manichéens, voulaient ressembler à Robins du bois, ils braquaient  les banques pour aider les démunis.
Parmi les redoutables pistoleros devant qui il fallait hésiter avant de les affronter en duel, Bill Hilkock figurait au premier peloton. Il sortait toujours indemne de l’échange de coups de feu. Il se reconnaissait par sa  moustache touffue et son imposant  physique. Pour briser cette exclusivité  masculine, deux femmes  se distinguèrent  par leur punch et par leurs tirs de pistolet. L’une se  faisait appeler Calamity Jane, l’autre Myra Maybelle Shirley Starr. On l’a surnommait  “The Bandit Queen”. Elle aurait dû avoir un autre surnom: ’’Maybelle la pianiste’’, car elle était une bonne instrumentiste.
Pour faire face aux fauteurs de trouble dont certaine ont les gènes héréditaires du  tueur-né, le shérif de la ville  devait faire preuve d’une vigilance extrême et d’une audace exceptionnelle.
Ainsi, quand on roule sa bosse dans le métier en sortant indemne des différentes fusillades et des duels décisifs, on devient marshal. Son  domaine de juridiction est relativement plus étendu, mais les dangers sont proportionnels à la vastitude du territoire sous sa responsabilité.
Le cinéma américain s’est intéressé à ces tireurs  hors du commun, qu’ils soient au service de la  légalité comme les shérifs  ou des hors-la-loi. Evidemment, le traitement cinématographique et l’esquisse des caractères sont souvent plus exagérés  par rapport à la réalité.  Il y a une grosse différence entre le vrai Billy The Kid et ceux  qui l’incarnent  au cinéma. Il  était beaucoup plus laid que les acteurs  Paul Newman et  Cristofferson. Mais pour Pat Garrett  le casting a trouvé  quelques similitudes physionomiques au sein du vaste panorama de visages d’acteurs.  La moustache en est  une indication nécessaire. Le casting n’a pas  trouvé de difficulté à choisir l’acteur adéquat. Toutefois, si Charles Bickford, James Coburn et John Dehner ont restitué l’apparence de ce shérif qui ne craignait pas la mort ,  c’est au niveau des mœurs  qu’il y a un net distinguo. Sam Peckipah  en fait un libertin  qui trompe sa femme. Quant à Arthur Penn, il en fait un époux exemplaire.  Deux attitudes diamétralement opposées pour le même personnage.
Dans toute la filmographie dédiée au genre, les chérifs, souvent moustachus, avaient les mêmes réflexes: maintenir l’ordre, arrêter  les méchants en les mettant hors d’état de nuire, et en cas de banque dévalisée, il devaient  organiser une expédition de cavaliers pour attraper le plus vite possible les voleurs avant qu’ils  traversent la frontières mexicaine.
Dans cette ’’ciné-moustchomanie’’, il y a  des personnages historiques comme les deux révolutionnaires mexicains Pancho Villa et Zapata qui imposent leur moustache aux acteurs qui veulent s’y identifier à eux. Idem pour la barbe. Peut-on imaginer un Abraham Lincoln sans sa barbe spécifique?
Dans ce mythique Far West,  les poilus étaient dans leur fief naturel qu’il s’agisse des  bipèdes (cow-boys) ou des  quadrupèdes (bisons, castors …). Les trappeurs, les cochers de diligence et les chercheurs d’or n’étaient pas des férus du rasage. Inutile de leur ôter du poil, quand on est réalisateur de cinéma. C’est contre nature. Les cinéastes qui oublient ces détails ratent leurs films de manière stupide. Un trappeur sans barbe, ça fait cliché. C’est dans la BD qu’on en trouve ces spécimens , comme Blek le Roc.  
L’immense variété de moustaches reflète la diversité des caractères  de ceux qui les portaient. Avec ce petit amas de poil sur la lèvre supérieure, plus ou moins ajusté au faciès, par le make-up de service, certains acteurs deviennent inidentifiables, d’autres deviennent plus photogéniques et gagnent en prestance, comme Rock Hudson et Ben Johnson.
En effet, dans ’’ Duel  dans la poussière’’ de George Seaton,  Hudson fait figure de bon chérif. D’ailleurs, dans ce film, il va le prouver en pourchassant à mort son ami d’enfance qui a attaqué un train, mais dans ’’El Perdido’’ film produit par Kirk Douglas, il rate le coche. Quand à Ben Johnson qui est connu par ses prouesses de bon cavalier, la moustache du chérif lui sied impeccablement (’’Hang 'Em High’’En effet, dans ’’ Duel  dans la poussière’’ de George Seaton,  Hudson fait figure de bon chérif. D’ailleurs, dans ce film, il va le prouver en pourchassant à mort son ami d’enfance qui a attaqué un train, mais dans ’’El Perdido’’ film produit par Kirk Douglas, il rate le coche. Quand à Ben Johnson qui est connu par ses prouesses de bon cavalier, la moustache du chérif lui sied impeccablement (’’Hang 'Em High’’ de Ted Post et ’’Le Solitaire de Fort Humboldt’’ de Tom Gries).
De l’autre côté de la palette, on trouve de fausses moustaches qui faussent l’image cinématographique.  Kevin Costner dans ’’White Earp’’ ressemble à un chérif de devinette. Le make-up lui a collé une mauvaise moustache. Il aurait laissé pousser le poil sur le visage comme faisait  Henry Fonda.
Avec ou sans moustache, Fonda reste égal à lui-même.  Il en est de même pour James Stewart ( voir  ’’Bandolero !’’ réalisé  par Andrew  McLagle  et ’’Attaque au  Cheyenne Club ’’ de Gene Kelly). Cependant, les acteurs qui  comme John Wayne, Gary Cooper et Robert Mitchum ont porté l’étoile du chérif sans être obligé de porter une moustache, doivent leur renommée à leur carrure et leur gueule de cinéma.  
Curieusement, on trouve dans les films westerns presque les mêmes ingrédients: un bureau de chérif ‘(doté d’une cellule d’emprisonnement ), une banque (à dévaliser),  un saloon (parfois doté de chambres de passage) , une quincaillerie (drugstore) où l’on vendait aussi des victuailles,  une paroisse, un maréchal-ferrant, une écurie pour garder les chevaux, mais ce qui compte pour le film, c’est ce qui va se passer dans cet conglomérat de baraques en bois épais. Les villes les plus citées sont Santa Fe, El Paso, Abilene et Dodge City. Un fleuve revient comme un leitmotiv : Rio Grande. Servant de frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, ce fleuve servait aussi d’échappatoire aux hors-la-loi. Ceux qui ne savaient pas nager y laissaient leur dépouille.
Pour aller vers ces villes ou s’en enfuir, il fallait un cheval. Ce compagnon de l’homme de l’Ouest avait  subi les pires chevauchées. Beaucoup de mustangs ont été euthanasiés par ceux qui les montaient, parce que épuisés, ils ne pouvaient pas aller plu loin. A la première tendinite on les abattait.
Les grands acteurs de cinéma dont on  voit rarement la moustache dans les films westerns sont : Gary Cooper,  Randolph Scott, Steve Me Quenn, Richard Widmarck, Dean Martin, Audie Murphy et Robert Taylor. D’autres s’ajoutent un dièse de photogénie en arborant une moustache, comme Jack Palance, Gene Hagman, Robert Ryan, Glenn Ford, William Holden, Ed Lauter et Lee Marvin. 
Tout ce que l’on a évoqué à propos du shérif concerne l’apparence générale et la parure. Quant aux irrégularités  que son comportent frivole pourrait  infliger à la justice, cela dépendait de  ses convictions et de sa conscience. En effet, si dans ce Far West grouillant d’immigrants, de maraudeurs et de voleurs de chevaux, il y avait  des  chérifs qui défendaient véritablement la loi, il y avait leurs contraires qui la transgressaient, en la mettant au service des gros éleveurs de bétails et des concessionnaires de mines. Les juges honnêtes devaient non seulement combattre les bandits de grands chemins, mais aussi ceux qui travaillaient  sous ses ordres. Quand un shérif donnait des signes de fatigue, on le remplaçait par un autre.
«On peut servir la loi,  mais pas la justice», la récurrence n’était pas aussi évidente.  Les bavures policières étaient  dues à ce clivage. Dans tout jugement, le facteur temps est primordial. Malheureusement, dans ce Texas de règlements de comptes, la célérité des sentences  entraînant la pendaison gâchait tout le processus. Quand un présumé coupable est mort injustement, ça devient un assassinat  et  il est trop tard pour réparer le tort. Dans le film ’’L’Etrange incident ’’ de William Wellman, le groupe de volontaires guidé par le suppléant du shérif, ont voté démocratiquement  la peine de mort des trois accuses attrapés. On les a pendus à un arbre. Mais tout juste après l’exécution de la sentence, le shérif en chef les rejoint pour leur annoncer qu’il a pris le vrai coupable. Pour le vol d’un cheval, on a assassiné trios innocentes personnes. C’était comme ça que les choses fonctionnaient. Quant à la vraie justice elle était absente. Elle errait dans les déserts de la terre et des cœurs.
Pour mieux visualiser cette dualité, on peut se référer à deux répliques significatives tirées toutes deux du film ’’L’Homme au colt d’or’’, celle du juge  Halloway et celle du nouveau marshal Blaisedell incarné par Henry Fonda :
- Halloway: « Quiconque s’érige en justicier, sans rendre compte de ses actes à d’autres plus qualifiés que lui  est un ignoble assassin ! »
- Blaisedell (s‘adressant au comité représentant les citoyens de Warlock): « Je rétablis l’ordre. Je détruis les fauteurs de trouble. D’abord vous êtes contents parce qu’il n’y a pratiquement plus de bagarre  et ensuite une chose étrange se passe, vous commencez à trouver que je suis trop puissant. Vous commencez à me craindre, pas moi, mais ce que je représente. Quand ça arrivera, ça signifiera que nous avons reçu  mutuellement satisfaction et qu’il sera temps que je parte ».


   RAZAK

Thursday, June 23, 2016

Poil du shérif (1ère partie)



Poil du shérif
1ère partie
  
Dans le lointain Far West américain, où pour survivre il fallait être un as de la gâchette, la moustache avait une connotation toute particulière. C’était un signe de virilité et de dureté de caractère. Dans les films westerns qui tentaient de ressusciter ce monde révolu de cow-boys et d’indiens, on en trouvait toute une galerie variant entre le réel et le postiche.
 Déjà dans le tout premier film  du genre ’’ The Great Train robbery’’  d’Edwin  Porter on voyait des moustachus. Ce qui était conforme à la réalité, car dans le Texas d’antan, les cow-boys ne se rasaient pas quotidiennement. Le travail astreignant du ranch et le transit du bétail, d’une extrémité à l’autre, les préoccupaient tellement au point d’oublier leur hygiène. Mais ils ne  laissaient pas la barbe leur couvrir le visage (ça  fait vieux).
Dans les vastes prairies semi-arides qui se prolongeaient dans l’infernal Nevada et le rude Arizona, zones austères peuplées de coyotes et de serpents à sonnette, ils dormaient par terre et  à la belle étoile, en faisant de la selle du cheval un canapé. Après la paie hebdomadaire, ils allaient  chez le barbier du hameau le plus proche dont le plus cupide, joignant l’utile à l’agréable, avait une baignoire (un gros tonneau scié en deux) pour décrasser les crasseux.
Au saloon, on se méfiait des types débraillés et des visages  mal rasés. Dès qu’on en voyait un, on se tenait  sur ses gardes, en approchant le plus possible, la main du holster de l’arme à feu. Au moindre geste on tirait.
Clint Eastwood, un acteur américain de grand gabarit, a  incarné dans moult films westerns ces énergumènes hirsutes,  qui pénétraient dans le saloon sans saluer personne et qui y laissaient souvent des cadavres derrière eux. Ils se baladaient de bourgade en bourgade, comme des apatrides, pourchassés par des shérifs et des chasseurs de primes.
Le shérif avait une importance capitale dans ces contrées sauvages où les hors-la-loi pullulaient et défrayaient la chronique, comme le turbulent Walliam Bonney, surnommé Billy The Kid, parce qu’on raconte à son sujet qu’à peine adolescent, il avait tué un homme avant de s’enfuir au sud au nouveau Mexique.  
Au Far West, il n’y avait pas de sieste. Ce fut un monde à part ou l’on disait: ’’ les gens naissent égaux, mais c’est le colt qui les rend inégaux’’. Le plus rapide descendait  le moins agile. Quand on demandait à un cow-boy quel était  son vrai ami, il répondait : ’’le cheval et le pistolet’’. La loi de talion était de rigueur et en vigueur.
Toute l’Amérique d’aujourd’hui se vante de ce passé turbulent où on s’entretuait pour de petites futilités. Les enfants de crèche aiment s’habiller en cow-boy ou en indien. La tradition en  fait des antagonistes que la haine et le mépris opposent viscéralement. Au parc  Walt Disney  et au Musée National  des Indiens d’Amérindien (New York),  les visiteurs peuvent  voir  à quoi ressemblaient une tente indienne, un mocassin de guerrier et une Squaw.   
Du point de vue ethnologique, les Indiens n’étaient aussi sauvages qu’on le pensait. Ils étaient différents,  mais pas sauvages. Ils défendaient leurs terres où vivaient leurs ancêtres. Ils avaient leurs rites et leurs coutumes. Ils étaient braves et des ’’hommes de parole’’ plus sincères que les Blancs. Par ailleurs, il est temps de rectifier certains préjugés: ce ne sont pas les cow-boys qui ont exterminé les Indiens, mais la cavalerie Yankee. Dotés de fusils à répétition (winchester) et de canons, les Tuniques Bleues ont décimé les premiers habitants de l’Amérique. Dans les réserves       , on ne trouvait que les femmes et les vieillards. Certes, il y avait quelques échauffourées avec des maraudeurs sans loi ni foi,  mais c’étaient des cas isolés. C’était l’armée qui menait la guerre contre les Indiens. Certains cow-boys, ayant marre de la conduite du bétail, voulaient changer leur vie en commerçant avec les Indiens. Ils leur  fournissaient  des armes et des munitions en échange de fourrures soyeuses. Il y avait eu des mariages mixtes avec des Indiennes. Ce qui avait donné des Métis. 
  La vie dans l’Ouest américain comme dans le  Sud-ouest était pleine  de dangers et de désagréments. Certains croyaient y trouver l’Eldorado, mais ce n’était qu’une chimère. On vivait sous une menace permanente. De nombreux shérifs y avaient laissé leur peau. Les plus chanceux comme Patrick Garrett, plus connu sous le nom de Pat Garrett et Wyatt Earp, avaient eu une longévité mouvementée.  Tireurs adroits, ces deux shérifs de fer servaient d’exemple pour les aspirants. Leur  moustache faisait trembler les lourdauds de la gâchette. L’Histoire du Far West indique que  c’est  Garrett  qui a tué Billy The Kid, dans une traque infernale dans la brousse mexicaine.
Personnellement, j’ai vu au moins quatre  films où  ce redoutable chérif traque  sans merci  les bandits (vrais ou supposés) et les cinéastes ne sont pas des moindres: Arthur Penn (’’Le Gaucher’’ avec Paul Newman dans le rôle de Billy),  Sam Peckinpah (’’Pat Garrett et Billy The Kid’’), Alfred E Green (3000 $ mort ou vif). Si dans les deux premières fictions,  Pat Garrett utilise son arme, comme bon lui semble, dans le troisième film, il s’en abstient. Il se contente d’une chevauchée dans le désert. Mais ce n’est  pas Bonney qu’il pourchasse,  mais un ’’gentil braqueur’’  de banque incarné par Joel McCae. D’ailleurs, ce ’’Four Faces West’’ (titre originel) est vraiment étonnant. C’est un des rares films westerns (sans doute l’unique) où l’on ne tire pas un seul coup de feu. Cela pourrait paraître incongrûment paradoxal pour un film de chasse poursuite.
Pat Garrett,  Wyatt Earp  et Doc Holliday (qui était dentiste avant de porter la plaque de chérif)  sont des personnages de légende. Cela ne voudrait pas dire qu’ils n’avaient pas commis de fautes dans l’exercice de leur travail. Ils sont entrés dans l’Histoire, parce qu’ils s’étaient  attaqués à des pistoleros plus  légendaires qu’eux.
Quand le cinéma a pris son envol, on est revenu à leurs singuliers exploits. Ils sont devenus les favoris des  scénaristes du western. Leurs  antagonistes, dont la tête est mise à prix,  jouissent  des mêmes faveurs. Normal ! Pour qu’il y ait shérif, il faut qu’il y ait hors-la-loi. Mais il y a des scénaristes  qui se  sont fait gourer sur certains détails fondamentaux, en induisant en erreur les réalisateurs qui ont donné vie à leur script,  comme ce fut le cas pour le film d’Arthur Penn, où partant du titre et soutenu par les images,  on voit que Billy  est gaucher. C’est une erreur impardonnable. On aurait demandé avis aux historiens du Far West, pour éviter cette gourde cinématographique. William Bonney (alias Billy The Kid) était droitier et non un gaucher. Une photo historique prise à l’envers a trompé tout le monde. Certes, le jeu d’acteur (Paul Newman) est  épatant, mais ce détail  physiologique a nui à la crédibilité du film.
RAZAK    
(Dans la deuxième et dernière partie, on verra si tous les shérifs étaient du bon côté de la justice ou  étaient carrément ’’out’’).

Saturday, June 18, 2016

Cinecittà entre le péplum et l’enclume





Qu’est-elle devenue Cinecittà, la fameuse cité italienne de tournage cinématographique où furent tournés ''Ben Hur'', ‘’Quo Vadis’’  et  ’’La Guerre de Troie’’ ?
Incendiée en 2009, on l’a réhabilitée pour sauver les apparences, car l’essentiel de sa courte vie est derrière elle. La Cinecittà reliftée diffère de celle qu'une fuite électrique ou une main criminelle aurait  brûlée. Avant le sinistre, elle commençait à donner des signes d’agonie. Elle n'avait pas pu résister à l’inflation. Le déficit était  énorme. Cette inflation n'avait  pas été provoquée par la chute brutale de la lire italienne, mais par le déclin cinéphilique sans précédent que connut cette péninsule ayant la forme d’une botte de mousquetaire.
Pourquoi faire des films s'il n'y a personne dans les salles pour les regarder? Cette logique a gelé  le sang dans les veines de Cinecittà.
Quand en 2011 elle a rouvert à nouveau ses portes, la  nostalgie s'est emparée des rêveurs parmi les rares ciné-investisseurs qui restent accrochés aux lumières du passé. Mais ces professionnels du cinoche ne savent pas que la donne a complètement et radicalement changé. Les péplums qui avaient fait sa gloire, c'est désormais, de  l'histoire ancienne. Par ailleurs, on en était  à la saturation. Les ''Cléopâtre'',  ''Hercule'' et ''Ulysse'' avaient été copieusement  cinématographiés. Il n'y a plus d'autres Odyssées et l'Iliade a été mille fois feuilletées par les adaptateurs les plus ambitieux.
A moins de jouer aux amnésiques pour reprendre tous les  remakes, mais dans ce cas, on risque de tomber dans la répétition et la redondance,  ce qui nuirait inévitablement à toute  éventuelle reprise positive du box-office.
Quand les péplums ont expiré, le western italien, (genre ’’Ringo creuse ta tombe’’ ) voulait prendre la relève, mais il n’ y parvenait que partiellement et sporadiquement,  parce que fantaisiste et gauchement comique, il ne plaisait pas aux Américains, qui disposaient des plus grands distributeurs de la planète. Même chez eux, le western est tombé en désuétude par rapport aux années 50 où il fut apprécié par la multitude. Le dernier western crépusculaire remonte à plus de trois décennies. Par ailleurs, les gros producteurs  américains qui veulent investir dans le genre préfèrent le ''Canyon Walley'' et le Mexique, pays voisin dont l'histoire et la géographie sont proches de ce qui est décrit dans les scripts. Alors pourquoi aller plus loin  quand les parages du Colorado et du Mississipi offrent des opportunités insoupçonnées et présentent des atouts considérables ?         
Actuellement, Cinecittà est devenue l’ombre d’elle même. Elle ne fait que vivoter. Le loisir remplace les tournages. Une manière de se recueillir sur un cinéma décédé avant le temps. Le tragique avait  été imprimé dans ses gènes dès le premier vagissement. Elle avait une naissance perturbée. Créée par Mussolini en 1936, pour rivaliser Hollywood les intellectuels anti-fascistes de l’après-guerre ne voulaient pas d'un héritage embarrassant, légué par un farouche allié d'Hitler.  Vaincue dans ce challenge, la pauvre Cinecittà n'avait eu comme alternative que de livrer son sort à la magnanimité des  amateurs de cinéma restés fidèles au grand écran et à la générosité de quelques producteurs de films se souciant peu de la rentabilité de leur mise. Cela ne pouvait pas durer longtemps, d'où l'inévitable débandade. Cinecittà a été condamnée à l'oubli. Les travailleurs de cette usine de fabrication des images ont été jetés au chômage. Autre inconvénient,  l'hermétisme de la langue lui avait verrouillé les issues, alors que l’essor de la langue anglaise en déverrouillait   d’autres de plus juteuses.
Ce complexe de tournage a eu a eu une vie en dents de scie avec des hauts exaltants et des bas inquiétants. Ainsi,  comme par malédiction, un grand dépôt de ferrailles occupe actuellement son voisinage immédiat. Cette fourrière de la casse où les sons d’enclume étouffent les sons épiques  des  péplums commence au peu qui reste de sa vocation primordiale. On raconte même qu'on a failli en faire un complexe hôtelier, pour fermer à jamais son journal de tournage. Cette mutation contre nature aurait été une honteuse incongruité pour un pays qui a enfanté des génies de cinéma tels Fellini, Vittorio De Sica et Sergio Leone.
        C’est en fait un des premiers désagréments que la capitale italienne a réservés à mon furtif passage, du mois de janvier 2016. Je voulais assister à d'éventuels tournages, je trouvais  un sarcophage, enjolivé par les apparats de circonstance. Certes, les hectares fonciers ont été épargnés, et les pavillons remis au goût du jour, avec plus ou moins de sobriété, mais ce qui a disparu c'est le cœur du cinéma, c'est-à-dire l'art de faire les grandes  fresques cinématographiques comme jadis, avec le concours des bons metteurs en scène et des meilleurs décorateurs-accessoiristes. Hormis quelques sériés télévisées où le simulacre historique  prend le dessus sur les  faits réels, les locataires ne se bousculent pas devant le portail. Le cinéma de masse qu’elle alimentait avec de nets bénéfices, a été  jeté aux calendes grecques. 
Certes, elle refait surface, mais il lui est  difficile de surmonter la pente, notamment  à une époque conquise totalement par le digital et où le numérique dans tous ses états s'est accaparé tous les substrats imagés, urbains et ruraux. La cinéphilie de salle subit toujours la même érosion dévastatrice. Comme alternative salutaire, il ne lui reste que la voie muséale où les visiteurs se laisseraient émouvoir furtivement par sa courte histoire. Ainsi, comme le Colosseo, elle raviverait la mémoire collective.
Qui s’assemble se ressemble,  Cinecittà et le Colisée  ont toujours fait bon voisinage, malgré leur relatif éloignement sur la carte de la ville dont la légende dit  qu’elle est éternelle. L’une est parodie de l’autre. En  effet, comme vestige  d’une époque avide de conquêtes et de sang, l’ex-arène de gladiateurs bâtie par Vespasien et achevée par son fils Titus avec le butin des conquêtes, a été plusieurs fois ressuscitée par Cinecittà. Les bobines de la cinémathèque en témoignent. Son histoire se confond avec les drames humains qu’elle abritait. C’était un véritable mouroir. Son sol s’est longtemps imbibé du sang des duellistes. On s’y entretuait devant les  regards amusés des anciens Romains, avec à leur tête l’insolent empereur Jules César et son entourage immédiat qui cachait à peine son tempérament sadique. On se délectait de la mort d’autrui. Ce  torero à la romaine faisait jouir outre mesure les sujets de l’ex-empire. Seuls, les plus forts ayant l’agilité surhumaine et la chance d’échapper aux griffes d’un lion féroce ou au trident pointu d’un adversaire en furie en sortaient indemnes, affranchis de l’esclavage et éventuellement couverts de lauriers du vainqueur.
Cinecittà va inéluctablement dans le sillage archéologique du Colisée, avec la primauté du touristique sur le cinématographique. Peut-être, le futur «Musée Cinecittà» trouverait dans sa  nouvelle orientation  une autre raison d’être.
RAZAK

Monday, June 13, 2016

Ophélie et le beau cadavre



La qualité dans l’art a pour synonyme beauté. Elle devient  exquise quand tout baigne dans l’harmonie et la perfection. Cependant, comme une vérité fuyante, il n’est pas aisé d’en apprivoiser ce qui fuit et il faut parfois un peu d’espièglerie pour en déceler l’insaisissable contour et repérer sa virtuelle trace. La beauté est volatile. Elle a son parfum spécifique. Quand le sentier est dépourvu d’embûches et d’épines, ses enivrants effluves la devancent, comme les guides cérémonieux qui précèdent le cortège des nymphes. Là où elle fait escale, elle laisse une trace, rehaussée de sa bellissime et vaporeuse signature.
Quant à la laideur, elle est lourdaude et mollassonne. Elle empeste les pistes que nonchalamment elle arpente, comme une dévergondée, non désirée par tous. Tout  derrière elle est nauséabond et putride.
La jalousie est une laideur, la traîtrise est une horreur. Shakespeare a bâti son œuvre sur les décombres de ces deux lacunes qui entravent les relations et enveniment l’existence humaine.
’’Plus doué que moi, tu meurs’’, les cancres qui ont un cœur décimal, répètent sans cesse ce décadent ultimatum. Mais la beauté de l’intelligence finit toujours par sauver celui qui se soumet à son suave culte.    
Où se trouve donc la beauté dans Hamlet que moult cinéastes ont remis au goût du jour après la déferlante théâtrale? Dans le suicide de l’innocente Ophélie. La mort pourrait-elle être belle ? Là réside le paradoxe shakespearien. Ses illustres personnages féminins, autour desquels les passions s’enchevêtrent fiévreusement, meurent dans l’absolu désarroi, en laissant de beaux cadavres. Or un beau cadavre peut-il signifier une belle mort ?
Desdémone (Othello)  et Juliette sont des Ophélie que les clivages familiaux ou ethniques, aggravés par la mauvaise rumeur, mènent à la mort prématurément. Décédées  avant le temps, elles  laissent de très beaux cadavres sans toutefois avoir une belle mort. Desdémone fut assassinée injustement par son propre mari (Othello le Maure), quant à Juliette elle se sacrifia à son amoureux en  buvant du poison. Ces jeunes femmes exceptionnelles, belles et généreuses par essence, forment l’ossature des tragédies de ce brillantissime auteur. On ne saurait imaginer une dramaturgie Shakespearienne sans leur fugace et magique apparition.
Shakespeare avait le don inné de jongler avec les paradoxes sentimentaux et pour le choix des familles où se joue l'intrigue il voyait haut. Si Hugo avait déifié des petites gens comme Cosette et des sans famille comme Gavroche, le poète-dramaturge  britannique s’intéressait à la vie des rois  et des aristocrates. Cependant, son œuvre est tapissée  d’oxymores existentialistes. Il en fait son gisement esthétique. Ainsi, telle une pépite d’or, la beauté ressurgit au détour d’une réplique ou d’une phrase sentencieuse : «To be or not to be. That’s the question» (être ou ne pas être,  telle est la question). Sartre en a la sienne : «l’enfer, c’est les autres»
En bon joaillier de mots, Shakespeare ciselait ses pépites langagières en retravaillant la rhétorique et perfectionnant l’intonation sonore. C’est pour cela que ces drames s’achèvent dans l’harmonie et s’exaltent savoureusement dans la pertinence. Ces belles femmes qui retrouvent la tombe à la fleur de l’âge nous rappellent, par delà  la juxtaposition métaphorique, une chose fondamentale : la beauté est extrêmement fragile et éphémère. Elle est  constamment menacée. Le leitmotiv shakespearien retentit dans le tréfonds de notre être. Il laisse des traces indélébiles dans les esprits. C’est toujours l’être le plus frêle qui suscite les passions les plus fortes et les plus folles. La preuve, on a consacré plus d’œuvres iconiques à ces femmes fragiles qu’aux autres personnages masculins, malgré l’allure chevaleresque de certains d’entre eux. Il existe une immense galerie de portraits d’Ophélie et de Desdémone et puis les peintres inspirés emphatiquement par  ces personnages de fiction ne sont pas des moindres (Delacroix, Arthur Hugues, John Millais ….). Il y a même un  poète innovateur (Arthur Rimbaud)  qui a écrit un très beau texte poétique sur Ophélie et qui a été transmué par la suite en opéra avec la sublimissime Maria Callas. Enfin, une des plus belles chansons de Johnny Hallyday que beaucoup de gens apprécient reste Ophélie. Il l’a chantée avec le London Philharmonic. Son lyrique est un des plus pathétiques. Bien choisis, les vers sont d’une frémissante beauté:

« Ophélie tressant des guirlandes
Vient présenter comme une offrande
Des fleurs, des branches

Pour caresser ses boutons d'or
Pour respirer son jeune corps
Le saule se penche »

RAZAK