Saturday, June 25, 2016

Poil du shérif (2ème et dernière partie)

Poil du shérif 
(2ème et dernière partie)
Par RAZAK
     Du point de vu opérationnel, le fait d’être  nommé shérif de comté ou de district, suppose que l’on en a le profil, l’aptitude et la carrure, car les hors-la-loi qui sévissaient dans le Far West  n’étaient pas des enfants de chœur et ne plaisantaient pas avec le joujou mortel attaché au ceinturon. Certains d’entre eux étaient devenus si célèbres, dans un monde plein d’interrogations, qui se cherchait et qui était régi par la seule loi du colt. Laquelle loi factice  avait paralysé celle de la raison et de la coexistence pacifique. La légende se substituait à la vérité historique. Les voies et supports de communications (train, télégraphe, journaux…) étaient à l’état embryonnaire. Les Indiens voyaient la menace  du ’’visage pale’’ s’approcher d’eux comme une pieuvre tentaculaire. Les petites  villes naissantes de l’Ouest américain  et les villes-réceptacles  du Mexique  vivaient à la merci des bandits. Les bons shérifs se faisaient  rares et pour faire face à la pénurie on fit recours à des  régulateurs et des mercenaires.    
Parmi les hors-la-loi qui sont devenus des célébrités du Far West,  il y a, outre William Bonney, que l’on a cité précédemment,  Jesse James et son Frère Frank, les frères Dalton  (dont le bédéiste Moris a dénombré les méfaits dans les albums de Lucky Luck), Robert LeRoy Parker (alias Butch Cassidy), Bill Doolin, Sam Bass, William Brocius, (alias Curly Bill), James Miller, Thomas Coleman Younger, John Wesley Hardin….

Beaucoup de hors-la-loi  étaient au départ des  personnes braves, honnêtes et  correctes, mais ils ont dû changer de vie, soit pour venger un frère tué injustement,  soit par l’envie revancharde de saboter le nouveau pouvoir yankee, mis en place après la défaite des Sudistes. Les voleurs  les plus manichéens, voulaient ressembler à Robins du bois, ils braquaient  les banques pour aider les démunis.
Parmi les redoutables pistoleros devant qui il fallait hésiter avant de les affronter en duel, Bill Hilkock figurait au premier peloton. Il sortait toujours indemne de l’échange de coups de feu. Il se reconnaissait par sa  moustache touffue et son imposant  physique. Pour briser cette exclusivité  masculine, deux femmes  se distinguèrent  par leur punch et par leurs tirs de pistolet. L’une se  faisait appeler Calamity Jane, l’autre Myra Maybelle Shirley Starr. On l’a surnommait  “The Bandit Queen”. Elle aurait dû avoir un autre surnom: ’’Maybelle la pianiste’’, car elle était une bonne instrumentiste.
Pour faire face aux fauteurs de trouble dont certaine ont les gènes héréditaires du  tueur-né, le shérif de la ville  devait faire preuve d’une vigilance extrême et d’une audace exceptionnelle.
Ainsi, quand on roule sa bosse dans le métier en sortant indemne des différentes fusillades et des duels décisifs, on devient marshal. Son  domaine de juridiction est relativement plus étendu, mais les dangers sont proportionnels à la vastitude du territoire sous sa responsabilité.
Le cinéma américain s’est intéressé à ces tireurs  hors du commun, qu’ils soient au service de la  légalité comme les shérifs  ou des hors-la-loi. Evidemment, le traitement cinématographique et l’esquisse des caractères sont souvent plus exagérés  par rapport à la réalité.  Il y a une grosse différence entre le vrai Billy The Kid et ceux  qui l’incarnent  au cinéma. Il  était beaucoup plus laid que les acteurs  Paul Newman et  Cristofferson. Mais pour Pat Garrett  le casting a trouvé  quelques similitudes physionomiques au sein du vaste panorama de visages d’acteurs.  La moustache en est  une indication nécessaire. Le casting n’a pas  trouvé de difficulté à choisir l’acteur adéquat. Toutefois, si Charles Bickford, James Coburn et John Dehner ont restitué l’apparence de ce shérif qui ne craignait pas la mort ,  c’est au niveau des mœurs  qu’il y a un net distinguo. Sam Peckipah  en fait un libertin  qui trompe sa femme. Quant à Arthur Penn, il en fait un époux exemplaire.  Deux attitudes diamétralement opposées pour le même personnage.
Dans toute la filmographie dédiée au genre, les chérifs, souvent moustachus, avaient les mêmes réflexes: maintenir l’ordre, arrêter  les méchants en les mettant hors d’état de nuire, et en cas de banque dévalisée, il devaient  organiser une expédition de cavaliers pour attraper le plus vite possible les voleurs avant qu’ils  traversent la frontières mexicaine.
Dans cette ’’ciné-moustchomanie’’, il y a  des personnages historiques comme les deux révolutionnaires mexicains Pancho Villa et Zapata qui imposent leur moustache aux acteurs qui veulent s’y identifier à eux. Idem pour la barbe. Peut-on imaginer un Abraham Lincoln sans sa barbe spécifique?
Dans ce mythique Far West,  les poilus étaient dans leur fief naturel qu’il s’agisse des  bipèdes (cow-boys) ou des  quadrupèdes (bisons, castors …). Les trappeurs, les cochers de diligence et les chercheurs d’or n’étaient pas des férus du rasage. Inutile de leur ôter du poil, quand on est réalisateur de cinéma. C’est contre nature. Les cinéastes qui oublient ces détails ratent leurs films de manière stupide. Un trappeur sans barbe, ça fait cliché. C’est dans la BD qu’on en trouve ces spécimens , comme Blek le Roc.  
L’immense variété de moustaches reflète la diversité des caractères  de ceux qui les portaient. Avec ce petit amas de poil sur la lèvre supérieure, plus ou moins ajusté au faciès, par le make-up de service, certains acteurs deviennent inidentifiables, d’autres deviennent plus photogéniques et gagnent en prestance, comme Rock Hudson et Ben Johnson.
En effet, dans ’’ Duel  dans la poussière’’ de George Seaton,  Hudson fait figure de bon chérif. D’ailleurs, dans ce film, il va le prouver en pourchassant à mort son ami d’enfance qui a attaqué un train, mais dans ’’El Perdido’’ film produit par Kirk Douglas, il rate le coche. Quand à Ben Johnson qui est connu par ses prouesses de bon cavalier, la moustache du chérif lui sied impeccablement (’’Hang 'Em High’’En effet, dans ’’ Duel  dans la poussière’’ de George Seaton,  Hudson fait figure de bon chérif. D’ailleurs, dans ce film, il va le prouver en pourchassant à mort son ami d’enfance qui a attaqué un train, mais dans ’’El Perdido’’ film produit par Kirk Douglas, il rate le coche. Quand à Ben Johnson qui est connu par ses prouesses de bon cavalier, la moustache du chérif lui sied impeccablement (’’Hang 'Em High’’ de Ted Post et ’’Le Solitaire de Fort Humboldt’’ de Tom Gries).
De l’autre côté de la palette, on trouve de fausses moustaches qui faussent l’image cinématographique.  Kevin Costner dans ’’White Earp’’ ressemble à un chérif de devinette. Le make-up lui a collé une mauvaise moustache. Il aurait laissé pousser le poil sur le visage comme faisait  Henry Fonda.
Avec ou sans moustache, Fonda reste égal à lui-même.  Il en est de même pour James Stewart ( voir  ’’Bandolero !’’ réalisé  par Andrew  McLagle  et ’’Attaque au  Cheyenne Club ’’ de Gene Kelly). Cependant, les acteurs qui  comme John Wayne, Gary Cooper et Robert Mitchum ont porté l’étoile du chérif sans être obligé de porter une moustache, doivent leur renommée à leur carrure et leur gueule de cinéma.  
Curieusement, on trouve dans les films westerns presque les mêmes ingrédients: un bureau de chérif ‘(doté d’une cellule d’emprisonnement ), une banque (à dévaliser),  un saloon (parfois doté de chambres de passage) , une quincaillerie (drugstore) où l’on vendait aussi des victuailles,  une paroisse, un maréchal-ferrant, une écurie pour garder les chevaux, mais ce qui compte pour le film, c’est ce qui va se passer dans cet conglomérat de baraques en bois épais. Les villes les plus citées sont Santa Fe, El Paso, Abilene et Dodge City. Un fleuve revient comme un leitmotiv : Rio Grande. Servant de frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, ce fleuve servait aussi d’échappatoire aux hors-la-loi. Ceux qui ne savaient pas nager y laissaient leur dépouille.
Pour aller vers ces villes ou s’en enfuir, il fallait un cheval. Ce compagnon de l’homme de l’Ouest avait  subi les pires chevauchées. Beaucoup de mustangs ont été euthanasiés par ceux qui les montaient, parce que épuisés, ils ne pouvaient pas aller plu loin. A la première tendinite on les abattait.
Les grands acteurs de cinéma dont on  voit rarement la moustache dans les films westerns sont : Gary Cooper,  Randolph Scott, Steve Me Quenn, Richard Widmarck, Dean Martin, Audie Murphy et Robert Taylor. D’autres s’ajoutent un dièse de photogénie en arborant une moustache, comme Jack Palance, Gene Hagman, Robert Ryan, Glenn Ford, William Holden, Ed Lauter et Lee Marvin. 
Tout ce que l’on a évoqué à propos du shérif concerne l’apparence générale et la parure. Quant aux irrégularités  que son comportent frivole pourrait  infliger à la justice, cela dépendait de  ses convictions et de sa conscience. En effet, si dans ce Far West grouillant d’immigrants, de maraudeurs et de voleurs de chevaux, il y avait  des  chérifs qui défendaient véritablement la loi, il y avait leurs contraires qui la transgressaient, en la mettant au service des gros éleveurs de bétails et des concessionnaires de mines. Les juges honnêtes devaient non seulement combattre les bandits de grands chemins, mais aussi ceux qui travaillaient  sous ses ordres. Quand un shérif donnait des signes de fatigue, on le remplaçait par un autre.
«On peut servir la loi,  mais pas la justice», la récurrence n’était pas aussi évidente.  Les bavures policières étaient  dues à ce clivage. Dans tout jugement, le facteur temps est primordial. Malheureusement, dans ce Texas de règlements de comptes, la célérité des sentences  entraînant la pendaison gâchait tout le processus. Quand un présumé coupable est mort injustement, ça devient un assassinat  et  il est trop tard pour réparer le tort. Dans le film ’’L’Etrange incident ’’ de William Wellman, le groupe de volontaires guidé par le suppléant du shérif, ont voté démocratiquement  la peine de mort des trois accuses attrapés. On les a pendus à un arbre. Mais tout juste après l’exécution de la sentence, le shérif en chef les rejoint pour leur annoncer qu’il a pris le vrai coupable. Pour le vol d’un cheval, on a assassiné trios innocentes personnes. C’était comme ça que les choses fonctionnaient. Quant à la vraie justice elle était absente. Elle errait dans les déserts de la terre et des cœurs.
Pour mieux visualiser cette dualité, on peut se référer à deux répliques significatives tirées toutes deux du film ’’L’Homme au colt d’or’’, celle du juge  Halloway et celle du nouveau marshal Blaisedell incarné par Henry Fonda :
- Halloway: « Quiconque s’érige en justicier, sans rendre compte de ses actes à d’autres plus qualifiés que lui  est un ignoble assassin ! »
- Blaisedell (s‘adressant au comité représentant les citoyens de Warlock): « Je rétablis l’ordre. Je détruis les fauteurs de trouble. D’abord vous êtes contents parce qu’il n’y a pratiquement plus de bagarre  et ensuite une chose étrange se passe, vous commencez à trouver que je suis trop puissant. Vous commencez à me craindre, pas moi, mais ce que je représente. Quand ça arrivera, ça signifiera que nous avons reçu  mutuellement satisfaction et qu’il sera temps que je parte ».


   RAZAK

No comments: