Thursday, June 23, 2016

Poil du shérif (1ère partie)



Poil du shérif
1ère partie
  
Dans le lointain Far West américain, où pour survivre il fallait être un as de la gâchette, la moustache avait une connotation toute particulière. C’était un signe de virilité et de dureté de caractère. Dans les films westerns qui tentaient de ressusciter ce monde révolu de cow-boys et d’indiens, on en trouvait toute une galerie variant entre le réel et le postiche.
 Déjà dans le tout premier film  du genre ’’ The Great Train robbery’’  d’Edwin  Porter on voyait des moustachus. Ce qui était conforme à la réalité, car dans le Texas d’antan, les cow-boys ne se rasaient pas quotidiennement. Le travail astreignant du ranch et le transit du bétail, d’une extrémité à l’autre, les préoccupaient tellement au point d’oublier leur hygiène. Mais ils ne  laissaient pas la barbe leur couvrir le visage (ça  fait vieux).
Dans les vastes prairies semi-arides qui se prolongeaient dans l’infernal Nevada et le rude Arizona, zones austères peuplées de coyotes et de serpents à sonnette, ils dormaient par terre et  à la belle étoile, en faisant de la selle du cheval un canapé. Après la paie hebdomadaire, ils allaient  chez le barbier du hameau le plus proche dont le plus cupide, joignant l’utile à l’agréable, avait une baignoire (un gros tonneau scié en deux) pour décrasser les crasseux.
Au saloon, on se méfiait des types débraillés et des visages  mal rasés. Dès qu’on en voyait un, on se tenait  sur ses gardes, en approchant le plus possible, la main du holster de l’arme à feu. Au moindre geste on tirait.
Clint Eastwood, un acteur américain de grand gabarit, a  incarné dans moult films westerns ces énergumènes hirsutes,  qui pénétraient dans le saloon sans saluer personne et qui y laissaient souvent des cadavres derrière eux. Ils se baladaient de bourgade en bourgade, comme des apatrides, pourchassés par des shérifs et des chasseurs de primes.
Le shérif avait une importance capitale dans ces contrées sauvages où les hors-la-loi pullulaient et défrayaient la chronique, comme le turbulent Walliam Bonney, surnommé Billy The Kid, parce qu’on raconte à son sujet qu’à peine adolescent, il avait tué un homme avant de s’enfuir au sud au nouveau Mexique.  
Au Far West, il n’y avait pas de sieste. Ce fut un monde à part ou l’on disait: ’’ les gens naissent égaux, mais c’est le colt qui les rend inégaux’’. Le plus rapide descendait  le moins agile. Quand on demandait à un cow-boy quel était  son vrai ami, il répondait : ’’le cheval et le pistolet’’. La loi de talion était de rigueur et en vigueur.
Toute l’Amérique d’aujourd’hui se vante de ce passé turbulent où on s’entretuait pour de petites futilités. Les enfants de crèche aiment s’habiller en cow-boy ou en indien. La tradition en  fait des antagonistes que la haine et le mépris opposent viscéralement. Au parc  Walt Disney  et au Musée National  des Indiens d’Amérindien (New York),  les visiteurs peuvent  voir  à quoi ressemblaient une tente indienne, un mocassin de guerrier et une Squaw.   
Du point de vue ethnologique, les Indiens n’étaient aussi sauvages qu’on le pensait. Ils étaient différents,  mais pas sauvages. Ils défendaient leurs terres où vivaient leurs ancêtres. Ils avaient leurs rites et leurs coutumes. Ils étaient braves et des ’’hommes de parole’’ plus sincères que les Blancs. Par ailleurs, il est temps de rectifier certains préjugés: ce ne sont pas les cow-boys qui ont exterminé les Indiens, mais la cavalerie Yankee. Dotés de fusils à répétition (winchester) et de canons, les Tuniques Bleues ont décimé les premiers habitants de l’Amérique. Dans les réserves       , on ne trouvait que les femmes et les vieillards. Certes, il y avait quelques échauffourées avec des maraudeurs sans loi ni foi,  mais c’étaient des cas isolés. C’était l’armée qui menait la guerre contre les Indiens. Certains cow-boys, ayant marre de la conduite du bétail, voulaient changer leur vie en commerçant avec les Indiens. Ils leur  fournissaient  des armes et des munitions en échange de fourrures soyeuses. Il y avait eu des mariages mixtes avec des Indiennes. Ce qui avait donné des Métis. 
  La vie dans l’Ouest américain comme dans le  Sud-ouest était pleine  de dangers et de désagréments. Certains croyaient y trouver l’Eldorado, mais ce n’était qu’une chimère. On vivait sous une menace permanente. De nombreux shérifs y avaient laissé leur peau. Les plus chanceux comme Patrick Garrett, plus connu sous le nom de Pat Garrett et Wyatt Earp, avaient eu une longévité mouvementée.  Tireurs adroits, ces deux shérifs de fer servaient d’exemple pour les aspirants. Leur  moustache faisait trembler les lourdauds de la gâchette. L’Histoire du Far West indique que  c’est  Garrett  qui a tué Billy The Kid, dans une traque infernale dans la brousse mexicaine.
Personnellement, j’ai vu au moins quatre  films où  ce redoutable chérif traque  sans merci  les bandits (vrais ou supposés) et les cinéastes ne sont pas des moindres: Arthur Penn (’’Le Gaucher’’ avec Paul Newman dans le rôle de Billy),  Sam Peckinpah (’’Pat Garrett et Billy The Kid’’), Alfred E Green (3000 $ mort ou vif). Si dans les deux premières fictions,  Pat Garrett utilise son arme, comme bon lui semble, dans le troisième film, il s’en abstient. Il se contente d’une chevauchée dans le désert. Mais ce n’est  pas Bonney qu’il pourchasse,  mais un ’’gentil braqueur’’  de banque incarné par Joel McCae. D’ailleurs, ce ’’Four Faces West’’ (titre originel) est vraiment étonnant. C’est un des rares films westerns (sans doute l’unique) où l’on ne tire pas un seul coup de feu. Cela pourrait paraître incongrûment paradoxal pour un film de chasse poursuite.
Pat Garrett,  Wyatt Earp  et Doc Holliday (qui était dentiste avant de porter la plaque de chérif)  sont des personnages de légende. Cela ne voudrait pas dire qu’ils n’avaient pas commis de fautes dans l’exercice de leur travail. Ils sont entrés dans l’Histoire, parce qu’ils s’étaient  attaqués à des pistoleros plus  légendaires qu’eux.
Quand le cinéma a pris son envol, on est revenu à leurs singuliers exploits. Ils sont devenus les favoris des  scénaristes du western. Leurs  antagonistes, dont la tête est mise à prix,  jouissent  des mêmes faveurs. Normal ! Pour qu’il y ait shérif, il faut qu’il y ait hors-la-loi. Mais il y a des scénaristes  qui se  sont fait gourer sur certains détails fondamentaux, en induisant en erreur les réalisateurs qui ont donné vie à leur script,  comme ce fut le cas pour le film d’Arthur Penn, où partant du titre et soutenu par les images,  on voit que Billy  est gaucher. C’est une erreur impardonnable. On aurait demandé avis aux historiens du Far West, pour éviter cette gourde cinématographique. William Bonney (alias Billy The Kid) était droitier et non un gaucher. Une photo historique prise à l’envers a trompé tout le monde. Certes, le jeu d’acteur (Paul Newman) est  épatant, mais ce détail  physiologique a nui à la crédibilité du film.
RAZAK    
(Dans la deuxième et dernière partie, on verra si tous les shérifs étaient du bon côté de la justice ou  étaient carrément ’’out’’).

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