Wednesday, May 31, 2006

Râ des salles obscures



Râ des salles obscures
Le monde du cinéma est en perpétuelle mutation . Même la terminologie utilisée par les différents protagonistes du métier est sujette à des variations ininterrompues. Le progrès technologique en constitue le principal élément inducteur. Tenez, autrefois, pour parler des artifices visuels créés, soit dans la camera, soit par les décorateurs , on disait «trucages», aujourd’hui, à l’ère du multimédia et du Web, on dit «effets spéciaux».Mais en fin de compte, le cinéma dans sa genèse, n’est-il pas qu’un «effet spécial», une tricherie visuelle, puisque notre œil, si facile à tromper, ne peut percevoir le mouvement normal , par persistance rétinienne, qu au delà d’une certaine cadence (24 images par seconde)?L’euphorie des découvertes nous fait oublier la justesse des mots .Les historiens des sciences du cinéma se sont beaucoup appesantis sur l’apport des pionniers du cinéma et des physiologistes qui ont étudié le phénomène de fixation des images dans le cerveau humain, mais le plus souvent, ils omettaient de citer les premiers savants qui ont créé les lois de l’électricité, avec à leur tête Coulomb, Watt, Ampère et Pouillet. Car comment peut-il y’ avoir cinéma sans le courant électrique? Impossible. Pour plus d’honnêteté lexicographique, l’on devrait appeler le cinéma «électri-cinéma». N’importe quel projectionniste de n’importe quelle salle de cinéma du monde vous dirait qu’il faudrait des ampoules spéciales d’une forte puissance électrique pour que la projection du film se fasse normalement. De même, la bande-son ne serait que muette sans la liaison électrique. Les premiers magnétophones (à bande magnétique), tout comme les cédéroms, ont besoin d’une source électrique. Même le DVD (Digital Versatil Disk) qui est entrain de révolutionner les moeurs cinéphiliques en apportant le cinéma jusque chez soi (Système Home cinéma) ne jure que par Deus Electricus, c’est à dire Râ des salles obscures.
Que peut-on dire en conclusion après avoir survolé les principaux points culminants de la nébuleuse «électri-cinématographique» sauf rappeler le rôle moteur joué par cette source d’énergie et qu’on a, par inadvertance, tendance à sous estimer? Et aussi curieux que cela puisse surprendre, le phénomène électrique mis en évidence à l’origine par ses propriétés attractives ou répulsives (électrostatique) a transmis au cinéma (de manière je dirais consanguine) cette dualité, puisqu’on trouve d’un côté des gens sur lesquels, le cinéma exerce un pouvoir attractif (cinéphiles) et de l’autre, ceux qui manifestent leur pulsion répulsive (iconoclastes, cinéphobes). La grande découverte des siècles à venir serait un cinéma fonctionnant sans énergie électrique. Mais l’on imagine mal quel en serait le dispositif.
RAZAK

Wednesday, May 17, 2006

Pérégrinations cinéphiliques à Bruxelles


Pérégrinations cinéphiliques à Bruxelles
A Bruxelles, les festivals de cinéma ne connaissent pas de répit .Ils se succèdent à un rythme honorable .Cette « permanence » festivalière prouve que la cinéphilie se porte relativement bien au pays de Brel .Psychose ou pas Psychose « anthraxiogène » on va voir les dernières nouveautés .Certes, l’on note un certain fléchissement proche de la récession au box-office, mais le phénomène n’est pas typiquement belge .Toute l’Europe est affectée. Cependant, il importe de signaler que les superproductions venues de pays de l’oncle SAM ont toujours la primeur. Un film comme Titanic a fait, à sa sortie, bonne presse et bonne recette. Quoi de plus normal ? Qui pouvait échapper à la « Titanicomania » envahissante qui a touché aussi bien les teen-agers que les plus âgés ? Aujourd’hui, Titanic c’est de l’histoire ancienne. La télévision belge (toutes antennes et langues confondues) joue un rôle dynamique dans le développement de la culture cinéphilique.Elle consacre d’intéressantes émissions au septime art .On ne se limite pas aux présentations plates et aux lectures machinales de synopsis comme ce qui se fait chez nous, avec agacement évident, mais on fait appel à des critiques crédibles et à des chroniqueurs culturels qui viennent donner leur point de vue, fut-il provocateur ou anti-conventionnel. La presse fait son devoir correctement. Elle informe le public et publie le critiques de films .Les instances officielles belges , contrairement à nos briseurs d’élan barricadés derrière une bureaucratie stérile, soutiennent les idées nouvelles et encouragent les initiatives de festivals, pourvu que la thématique réponde aux attentes .Que l’on soit wallon ou flamant, il y’a de l’aide pour tout le monde .
Toutes les salles de cinéma de Bruxellois sont équipées de matériels adéquats et il n’y a pas le moindre dérangement à suivre les péripéties d’un film .Le public bruxellois est « civiquement » et « cinéphiliquement » éduqué , attitude bellissime que nous aimons voir un jour entrée dans les mœurs du public marocain. Les salles qui se trouvent dans le vieux Bruxelles bénéficient de l’intérêt médiatique .Elles connaissent de l’affluence. D’autres, implantés dans des zones limitrophes , sont passablement fréquentées. Mais elles cèdent leur espace aux manifestations pluridisciplinaires susceptibles d’attirer , voire de fidéliser , une certaine clientèle. Ainsi , on a pu dénombrer à Bruxelles plus de 20 salles répondant au standard de visionnage public. Le nombre de places diffère d’une salle à l’autre .Une chose est sûre : le confort est garanti, bien que le prix du ticket soit relativement élevé pour les gens payés au « minimex » (SMIG belge équivalent à environ 27000FB soit 6750DH ) .On peut en citer à titre d’indication :Actors Studio, Arenberg-Galerie , Aventure , Cinéma-Apros, Ciné-Familles, Espace Senghor, Kinepolis, Le Stockel, Movy-club , Musée du Cinéma , Nova, STYX, UGC De Brouckère , UGC Toison d’or , Vandôme… Si toutefois vous visitez Bruxelles, laissez vous aller dans une de ces salles , histoire de vous imprégner de la réalité mondaine bruxelloise, vous remarquerez de vos propres yeux que le plus souvent, l’utile est joint à l’agréable .Les principaux festivals de Belgique se trouvent entre Namur et Bruxelles .Mais il y’en a qui ont choisi des petits patelins de province . Les plus médiatisés se trouvent en métropole . Celui de Namur leur vole en quelque sorte la vedette .Dûment organisés, ils se relaient pour le grand plaisir des cinéphilies.
Ainsi, on peut dire, sans risque de se tromper que le cinéma dans tous ses états trouve une estrade de démonstration en Belgique à travers cette multitude de festivals dont certains ont une renommée internationale , d’autres sont consacrés à la vulgarisation des sciences .
RAZAK, Bruxelles le 4 novembre 2001
(Paru dans la presse écrite le 1 décembre 2001)

Hommage belge à Pholan Devi




HOMMAGE BELGE A PHOOLAN DEVI
DU 24 OCTOBRE AU 6 NOVEMBRE 2001 S’EST TENU A BRUXELLES LE FESTIVAL DU CINEMA DES LIBERTES. PARMI LES FILMS PRESENTES SOUS LE THEME : « FEMMES A L’ECRAN » BANDIT QUEEN DE SHEKAR KAPUR ALIMENTE TOUJOURS LE DEBAT DE BIEN ORIGINALES FACONS. CHRONIQUE DE VISION REDIGEE IN SITU.
Ceinte de son inséparable bandeau rouge , chevauchant la cartouchière garnie de balles et le fusil sur l’épaule, Phoolan Devi ressemble à un guérillero mexicain des années 1920 .Cheveux en l’air , le regard menaçant et le teint basané , il ne lui manque que le sombrero pour une Zapata à l’indienne .Elle a dû subir de bien atroces tourments pour en arriver là. Née en 1957 dans un petit village de l’Uttar Pradesh, elle a eu une enfance mouvementée, marquée de bout en bout, par la violence. Phoolan Devi est la deuxième fille d’une famille de déshérités qui appartient à la basse caste des Mallahs .Vivant comme des bohémiens, ils ne voient dans la naissance d’une fille que problèmes et bouche à nourrir .Chez ces gens là, seuls les garçons jouissaient des rites de célébration à leur naissance. En 1974 , son père la vend à un homme beaucoup plus âgé qu’elle . Il l’exploite inhumainement .Ne pouvant plus supporter le calvaire, elle s’enfuit. Comme elle défiait son cousin , celui-ci la fait arrêter. Elle est violée par les geôliers de la prison .Une bande de brigands (Dacoits ) l’enlèvent de ce lieu d’incarcération et l’adoptent .Et comme la guerre des castes fait rage , elle tombe dans les mains des adversaires Thakurs qui la paradent nue dans les villages .Ainsi, de sévices en sévices , la femme en devient une autre .
« Elle s’est laissée submerger d’une révolte et d’une soif de vengeance insatiable », disait d’elle une ethnologue émue par le sort tragique de cette femme singulière devenue par la force des choses, une figure charismatique de l’Inde .Elle décide de ne plus faire la victime muette qui encaisse les coups. Elle extériorise sa haine .Aux armes citoyennes indiennes. De toutes les humiliations subies, la plus abominable pour elle, fut le viol collectif .Elle n’oublierait jamais ce calvaire d’une cruauté indicible .C’est pour cela qu’elle avait juré de se venger de tous ceux qui ont participé à cette sauvagerie .Pour se faire justice, elle durcit les biceps el le cœur dans le brigandage .Elle forme son propre gang et mène des attaques bien ciblées. Le film de Shekar Kapur en relate des bribes. Mais il reste superficiel quant à la manière de narrer la vie rocambolesque de Devi . Rappelons qu’une polémique a été déclenchée dès la sortie du film en 1995. Phoolan Devi, s’estimant lésée, dut ester en justice contre le réalisateur .Une intellectuelle Susanna Arundharti Roy prit le défense de Phoolan Devi. Elle déclara devant la Cour de Justice que « nul n’a le droit de présenter au cinéma une scène de viol sans l’accord de la protagoniste concernée » .Elle dénonça l’exploitation des malheurs de cette femme dans un but purement commercial .Mais malgré ce différent et malgré la légèreté de certaines scènes du film, ainsi que ses nombreuses exagérations scénaristiques , la légende Phoolan Devi dite la « Reine des Bandits » doit son ancrage médiatique plus au film de Kapur qu’ aux nombreux ouvrages qui lui ont été consacrés. Bien que le livre que Irene Frain a rédigé à partir des confidence de la prisonnière ait eu beaucoup de retentissement .Mais la puissance de l’image est incontournable et indiscutable .L’autre virage de la vie de Phoolan Devi, est sa spectaculaire sédition de 1983 .Elle se rend aux autorités judiciaires après avoir semé la terreur dans la région. Elle passe onze ans en prison. Elle y perd ses ovaires, donc son aptitude innée à procréer .Certains voyaient en elle une martyre vivante .Un symbole de résistance contre l’abus du féminin par le masculin .Dès sa sortie de prison en 1994, elle est déjà célèbre et la presse ne parle que d’elle. La politique la tente .Elle voulait changer le monde après avoir été acculée à le subir. Ainsi sous les couleurs du parti Yadav (parti socialiste) elle présenta sa candidature .Elle brigue un premier mandat de député .Elle perd son siège en 1998, mais elle le retrouve l’année suivante. Au parlement, l’essentiel de ses interventions était consacré à la défense des opprimés et des laissés pour compte. Devi serait même allée jusqu’à proposer sa candidature au prix Nobel .La respectabilité acquise , elle s’apprêtait à mener d’autres combats sur d’autres fronts lorsque , au seuil de sa résidence officielle de New Delhi , des tireurs inconnus vidèrent sur elle la charge de leur revolver .Cela se passait le 25 juillet 2001.Dans son hommage, le président K.R Narayanan a dit de cet amazone rebelle qui s’est battue jusqu'au bout pour sa dignité : « Sa vie était une histoire de rébellion et de défi réussi , devant l’oppression et l’exploitation » . Apres sa mort, les contes fleuriront .Et comme on est au royaume des légendes et des fables, Phoolan Devi serait un jour ressuscitée par l’écrit, le son et le mime telle une divinité guerrière des temps immémoriaux .Quand à Shekar Kapur, une suite du film Bandit Queen apparaît comme une nécessité pour percer le mystère de ce lâche assassinat et monter l’autre facette de Phoolan Devi concernant sa vie parlementaire, ses réalisations sociales, son combat de femme réhabilitée. Pourvue que l’objectivité scénaristique soit alliée à l’art de narrer.

RAZAK , Bruxelles : le 1 novembre 2001.
(Paru dans la presse écrite le 10 novembre 2001)
NOTE DE LAUTEUR : La suite de Bandit Queen n’a pas eu lieu . Le mystère de cet assassinat reste entier. Après La Reine des Bandits, Shekar Kapur a réalisé Elizabeth (1999) et Frères du Désert (2003).Il a aussi produit Le Gourou et Les Femmes (2003). Il est un des réalisateurs indiens les plus occidentalisés
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Le Festival du Cinéma des Libertés 2001 sous le signe d’Eve


Le Festival du Cinéma des Libertés 2001 sous le signe d’Eve
Cinéma Vandome à Bruxelles , intérieur nuit . La salle n’est pas pleine à craquer , mais le film en vaut le détour . Bandit Queen , le film que Shekar Kapur a consacré à la « reine » indienne des bandits n’est pas le seul film spécial de la programmation du Festival du Cinéma des Libertés . D’autres créations cinématographiques à caractère social , culturel ou ethnique sont a menu .En effet , depuis le jour de son inauguration (jeudi 24 octobre 2001 ) ce festival déjà vieux de 15 ans propose des rencontres de cinéma ponctuées de débats . Ainsi, c’est sous le signe d’Eve que l’édition 2001 se déroule. Malgré les circonstances dramatiques internationales dans lesquelles se tient le FCL, les inconditionnels du festival ont répondu à l’appel. Initié par l’association ASBL, cette manifestation est décrite par l’éditorialiste du catalogue comme un « cocktail particulièrement varié de films et d’animations ».Le clou du festival reste sans conteste le film de Kapur Bandit Queen, un long métrage de fiction de 119 minutes qui retrace la vie rocambolesque de Phoolan Devi. Cette femme indienne qui eut une enfance malheureuse et qui est devenue parlementaire pour se consacrer à la défense des opprimés. Assassinée lâchement, Devi reste une figure emblématique de l’Inde. (Lire notre prochaine chronique sur le film.)
RAZAK, Bruxelles, le 29 octobre 2001
(Paru dans la presse écrite avec le programme complet du festival , le 3 novembre 2001)

Fascinant Tornatore


FASCINANT TORNATORE !
Lui il est sicilien de pure souche , mais ses enfants devenus adultes et éloignés du bercail , ont presque cessé de l’être .Lui a la nostalgie du pays et du temps qui passe , eux ont la fureur de vivre. L’ensemble se retrouve sur un petit morceau de papier en couleurs : une photo. Le père entouré de sa progéniture. Cette photo va faire un périple.
Matteo Scuro (Marcello Mastroianni) l’homme au chapeau noir et au manteau lourd et à la moustache broussailleuse est un vieux retraité d’une mairie. Sa tache consistait à enregistrer les naissances et occasionnellement à dépouiller les bulletins de vote. Des milliers de noms de siciliens ont défilé sous ses yeux. La vue s’est amenuisée. Les verres optiques ont grossi .Cinq d’entre eux sont son trésor. Il les affectionne outre mesure parce qu’ils forment sa descendance et il est fier d’en être le géniteur .Trois hommes et deux femmes : Canio est députée à Rome , Tosca est mannequin , Norma est employée dans les télécommunications , Guglielmo joue dans une orchestre philharmonique , mais Alvaro reste un mystère. Derrière la scintillante façade se cache une réalité morne. L’épuisement est au bout du chemin. Une tombe de sa défunte femme. Un homme au bord des larmes. Le Drama s’insère entre Eros et Pathos .
« Je vous prie demandez-moi qui sont ces personnes qui m’entourent dans cette photo » Cette phrase articulée par un solitaire de 74 ans , avide de retrouvailles familiales et de paroles intimes, devant des personnes inconnues que la hasard des voyages a rassemblées, est devenue presque un code grâce au talent et à la maestria de Giuseppe Tornatore
« Ils vont tous bien » (Stanno tutti bene) est presque une comédie italienne aigre douce. Tornatore s’y révèle un chroniqueur émérite.
« Demandez-moi où je vais » vers le succès mister Tornatore . Ce cinéaste âgé d’à peine 35 ans est un fabriquant de rêves. Puisant dans les souvenirs d’enfance, il fait aussi le reportage d’une Italie bouillonnante et extenuée par le train-train de la vie quotidienne .Obsession, nostalgie, mélancolie, tels sont les ingrédients de son alchimie. Le film se développe selon trois axes : social, documentaire et humaniste .Pas besoin d’aller visiter Rome, Torino et Napoli , Tornatore, dans son film , en a dévoilé les secrets et dédales .
Comblé d’honneur, ce jeune cinéaste sicilien étonne, fascine. Le néo-réalisme italien avec lui devient pointilleux .Rien n’est négligé dans son film (voir aussi Cinéma Paradisio, primé en 1998 à Cannes).Les figurants ne se contentent plus de figurer. Perfectionniste, il leur donne une autre dimension, une fantaisie et une manière d’être. Photographe avant d’être cinéaste, Tornatore est un virtuose du zoom et des prises de plans serrés. La camera suit des chemins presque hélicoïdaux. Les recoins sont scrutés avec délicatesse et les flash-back sont des leçons du cinéma suggestif. Quel réalisme imprégné de symbolisme. Bravo Marcello Mastroianni .Cet acteur italien que nous aimons au-delà de tous joue admirablement. Regorgeant de douceur, son génie d’acteur à de multiples facettes. Le tandem Tornatore-Mastroianni a fonctionné à merveille .Et pourtant, le jour de leur première rencontre, l’un n’avait que deux films à son actif , l’autre plus de 150. Jamais deux sans trois, devions-nous oublier Ennio Morricone et sa musique qui a ajouté sa couleur à cette palette chatoyante. Gageons que ce trio de beauté nous fasse voir d’autres merveilles. Tazi , le réalisateur du film Badis a été comme nous fasciné par ce chef-d’œuvre où un jeune donne la parole aux vieux. Ce genre de films pourrait servir d’exemple pour ceux qui ont un manque d’inspiration.
« Le néo-réalisme italien est pour moi la grande école », nous confie ce réalisateur « En ce qui me concerne, je me sens beaucoup plus proche du cinéma italien parce que les sujets sont proches de notre réalité. Ils peuvent se passer au Maroc également. Pour moi c’est une inspiration même si elle est de l’ordre du subconscient. Pour le spectateur, le film est abordable parce qu’il y’ a cette préoccupation d’abord du récit, de la narration et de raconter quelque chose sans que ce soit une thèse. Il y ‘ a aussi le côté gag .C’est merveilleux ».
RAZAK
Paru dans la presse écrite le 22 Octobre 1991
NOTE DE L’ AUTEUR: Mastroianni le très candide fou de cinéma est décédé à Paris le 19 décembre 1996 , Ennio Morricone quelque peu affaibli par le poids des ans n’a plus le dynamisme de l’époque des Westerns Spaghettis ( Le Bon, la brute et le truand , Il était une fois dans l'Ouest …) . Son nom se voit de moins en moins sur les génériques de films . Une de ses dernières bandes-son est dédiée à Kill Bill. Quand à Tornatore la cadence est au ralentie. On annonce qu’il prépare un film intitulé Leningrad. Dommage pour ce trio de choc que le destin a désarticulé prématurément.

Tuesday, May 16, 2006

Le cycle Sacha Guitry



LE CYCLE DE SACHA GUITRY
Que y’ a-t-il de commun entre Sacha Guitry et Marcel Pagnol? Ils étaient tous deux à la fois dramaturges et cinéastes .C’est à dire qu’ils avaient la même prédilection, pour l’art de la mise en scène et pour les mêmes têtes d’affiche .Pour entamer la saison culturelle, le Service Culturel, Scientifique et de Coopération de l'Ambassade de France consacre un cycle de projections en hommage à l’un des deux grands artistes précités a savoir Sacha Guitry .Initiative louable, pourvu que d’autres de même importance lui succèdent. Le grand Raimu est de nouveau sur nos écrans, ça fait des lustres qu’on ne l’a pas revu. Raimu, Si ressemblant physiologiquement à Guitry, est inégalable dans son style d’acteur . N’était-il pas aussi le chouchou de Pagnol puisqu’on l’a vu jouer dans des films inoubliables dont «César», «La Femme du Boulanger», «La Fille du Puisatier», «Fanny», «Marius» …On le reverra dans ce cycle d’images anciennement nouvelles .Dans «Faisons un rêve», film programmé dans cette rétrospective, il tient la vedette aux côtés de Guitry l’acteur.
Guitry fait partie de ce qu’on appelle «les classiques» comme Hugo l’est pour la littérature .Sa filmographie aussi riche que variée compte plus de 30 films et son théâtre est un des plus féconds avec 130 pièces. Ces performances relèvent de l’exploit .Voici par ailleurs quelques repères: «Ceux de chez nous», «Le blanc et le noir», «Pasteur», «Les Perles de la Couronne» ,«Remontons les Champs-Élysées» «Donne moi tes yeux», «Le Malibran», «Le diable boiteux», «Tu m’as sauvé la vie», «La Poison», «Les trois font la paire», «Napoléon», «Assassins et voleurs», «Mon père avait raison», «Le Roman d’un tricheur», «Si Paris nous était conté» …
Après l’hommage que le vétéran de la Comédie Française Jean Piat avait rendu à Rabat, il y a tout juste trois années, à Guitry le dramaturge, voici venu le tour du cinéaste. La rétrospective en cours voyagera de Rabat vers d’autres villes du Maroc. A quand le cycle Pagnol? On a envie de réécouter «Tu me fends le cœur» de la bouche de l’une des grandes figures du cinéma français.
RAZAK
(Paru dans la presse écrite le 14 octobre 1994)

Sunday, May 14, 2006

Orson Welles le marocain



Orson Welles le marocain
Pourquoi Orson Welles avait- il présenté au 5eme festival de Cannes , son film Othello sous la nationalité marocaine , bien que la production soit franco-italienne ? Mieux renseigné que lui sur les enjeux d’une telle option , il ne fallait pas contrarier le grand maître .Une chose est presque sure l’auteur de Citizen Kane avait de la compassion pour le Maroc .A Essaouira, fief gnaoui, le célébrissime acteur-réalisateur avait trouvé la bonne inspiration pour son film (adapté du chef d’oeuvre shakespearien ) .Ainsi , en offrant au Maroc le Grand Prix de Cannes 1952 , Welles voulait témoigner d’un sentiment d’attachement à une terre qui ne l’a que trop ensorcelé. Plus qu’un geste symbolique, c’était un acte prémonitoire à l’indépendance du Maroc. N’oublions pas qu’on est en 1952 et que le pays est sous domination française et puis que les Arrêtés Résidentiels pleuvaient de toutes parts pour interdire aux marocains toutes activités cinématographiques .Le cinématographe était perçu par les colons comme une arme d’émancipation , d’où cette fébrile vigilance enveloppée de soupçons .L’artiste visionnaire ,en bon samaritain , faisait preuve d’une générosité inégalée en incarnant le rôle de porte-étendard.
Avec le recul , on s’aperçoit qu’on avait affaire à un chantre des peuples privés de leur liberté . Sinon, par quoi expliquer ce revirement "identitaire" qui, à l’origine, avait surpris plus d’un observateur ? Seuls , les plus subtiles en savaient le secret . Welles avait sa manière à lui d’exprimer son affection. Malheureusement ce geste noblement réfléchi n’a pas été apprécié à sa juste valeur par l’élite marocaine .Welles "le marocain" méritait d’être honoré de la plus belle manière qui soit, comme il avait honoré le Maroc. Pas la moindre rue ne porte son nom.Pas le moindre timbre postal n’est émis à son effigie .Pire, on se demande toujours si à la Cinémathèque Nationale on dispose d’une copie du film-document Othello . Une cinémathèque sans sans cette pièce maîtresse, on n’en verrait pas l’utilité publique. Rendons à Welles ce qui lui revient . Comment ne pas être pétri d’admiration pour ce géant qui aime la simplicité .N’était-il pas le cinéma en mouvement ?
RAZAK
(Paru dans la presse écrite le 22 mai 1999)

Saturday, May 13, 2006

Le cinéma , l’art de l’exigence collective


Le cinéma , l’art de l’exigence collective
La création cinématographique et la création picturale ont un point commun : la production des images . Cependant , ces image différent par le mode d’élaboration propre à chacune des deux disciplines. En effet, si le tableau (image iconographique) n’ a besoin que de l’inspiration du peintre , le film (image cinématographique à base de procédés mécano-photochimique) et à l’instar des autres produits industriels, résulte de la conjonction de plusieurs données dont la principale est la disponibilité des capitaux de production. Si l’image picturale est souvent l’œuvre d’un individu ,le film est une œuvre collective. Il nécessite en plus des ressources de financement , la participation d’un grand nombre de collaborateurs de création . L’œuvre cinématographique , naît de la conjonction de leurs efforts complémentaires . Le statut régissant la fonction des collaborateurs de création est celui qui régit le cinéma dans sa globalité . Ainsi du réalisateur au denier opérateur de plateau, ces « bâtisseurs » de films doivent se comporter en bons professionnels sinon le film ainsi « façonné » risque de s’écrouler à tout moment. Le réalisateur, le scénariste, le dialoguiste, le producteur , le régisseur , le directeur de la photographie , l’ingénieur du son , le cameraman, le chef-monteur , le créateur de costumes , les habilleuses , les maquilleuses et les coiffeurs-perruquiers , les acteurs, le script, les superviseurs des effets spéciaux … tout ce beau monde doit travailler en harmonie .Le succès du film dépend de leur degré d’habileté. Les images picturales et les images cinématographiques ne cherchent qu’une chose :séduire l’œil en suscitant de l’émotion. L’art pictural a aidé à l’émergence du 7eme art (dessin animé , théâtre optique..) et réciproquement , le cinéma a encouragé la peinture en focalisant ses images sur des peintres de renom et leurs oeuvres (pensez aux nombreux films consacrés à Picasso et à Van Gogh . Qui se ressemble s’assemble . Si la peinture est l’art de l’exigence individuelle, le cinéma est l’art de l’exigence collective .
RAZAK

(Paru dans la presse écrite le 29 Mai 1999)

Thursday, May 11, 2006

Eisenstein et la magie du montage


Eisenstein et la magie du montage
« Le montage orthodoxe, écrivait le cinéaste et théoricien de cinéma Eisenstein est un montage selon des dominantes ; c'est à dire une combinaison de fragments entre eux, selon leur signe distinctif le plus marqué (principal). Un montage selon un temps, un montage selon une direction principale à l'intérieur d'un cadre, un montage selon les longueurs des fragments et un montage en fonction du premier plan ». L'auteur du "Le cuirassé Potemkine" ne fait jamais son travail à la hâte .Dans chaque fragment, il cherche à montrer les détails psychologiques des personnages en les insérant dans une harmonie visuelle. Les portions de bobines portent les nuances rythmiques et tonales de telle manière qu'elles créeraient d'autres lectures si on les intervertissait. Eisenstein parle souvent d' « extase créatrice » comme un art du métrage , c'est-à-dire du dosage métrique. Or selon lui raccourcir et couper n'exigent pas d'inspiration mais seulement de la technique et des connaissances .La touche artistique vient en agençant ces segments et en essayant de leur donner une direction où le visuel et le sonore épousent la même forme. Généralement un cinéphile moyen peut déceler les failles de montage quand celles-ci sont le résultat d’un chamboulement de fragments. Montage tonal, montage rythmique, montage métrique, montage harmonique , montage parallèle , tels sont les sortes de montages sur lesquels Eisenstein a insistés et qu'il a développés dans différents communications et écrits ayant valeur de document historique et scientifique pour le cinéma. Pour nos techniciens-monteurs et cinéastes en exercice on se demande s'ils en ont saisi la portée. On juxtapose n’importe comment et cette addition hétéroclite soustrait souvent à la fiction toute sa narrativité. Eisenstein avait raison de dire : « La juxtaposition de deux fragments de films ressemble plus à leur produit qu’à leur somme ».
RAZAK
(Paru dans la presse écrite le 2 janvier 1993)

NOTE DE LAUTEUR .Pour ceux qui ne connaissent pas ce grand expérimentateur de cinéma qu’on considère être à l’origine du montage parallèle (à ne pas confondre avec montage alterné) nous leur conseillerions vivement de voir : La grève (1924, 89 mn), Le cuirassé Potemkine (1925, 70 mn), Octobre (1927, 141 mn), Ivan le terrible (1946 , 190 mn) . Dans Octobre, par exemple Serguei Eisenstein parvient ,grâce à la magie du montage , à fabriquer artificiellement dans le récit filmique un tir à partir de deux séries de plans immobiles .

L’ACTOR’S STUDIO PERD UN DE SES FONDATEURS



L’ACTOR’S STUDIO PERD UN DE SES FONDATEURS
L’Actor’s Studio vient de perdre un de ses co-fondateurs les plus influents. Elia Kazanjoglous, connu plus sous le diminutif bi-syllabique Kazan que sous son nom grec . Ce cinéaste américain d’origine turque , avec des racines grecques , s’éteint à l’âge de 94 ans . Les autres co-fondateurs et animateurs de cet atelier d’art dramatique, devenu l’un des grands fournisseurs d’acteurs de cinéma , se sont , un à un , éclipsés , mais le fruit de leur collaboration demeure . C’est l’une des pépinières les plus luxuriantes où de jeunes premiers ont aiguisé leurs armes de séduction , avant de devenir des monstres sacrés du cinéma : Marlon Brando , James Dean, Al Pacino , Harvey Keitel , Elli Wallach , Robert de Niro , Grégory Peck , Paul Newman , Ben Gazzara , Meryl Streep, Montgomery, Faye Dunaway , Marilyne Monroe . On connaît Elia Kazan et son histoire rocambolesque ponctuée de sorties tonitruantes , de prises de position incongrues et de polémiques (Oscar spécial qui lui a été décerné en 1999…) On connaît les itinéraires des compagnons de route ( Cheryl Crawford , Robert Lewis ) et les motivations qui les avaient poussés à unir leurs efforts, mais Lee Strasberg reste un personnage discret .Un guerrier de l’ombre .Un bosseur et un façonneur de figures. C’est lui qui , en suivant les sillons du grand dramaturge russe Constantin Stanislavski , finit par imposer son style . L’Actor’s Studio était connu par la rigueur .L’entrée y était extrêmement difficile . Lee Strasberg y enseignait la « Méthode » , librement inspirée du système psychotechnique de Stanislavski , dont le but recherché est la vraisemblance dans le jeu interprétatif . Jusqu’à sa mort en 1982 , Lee Strasberg régnait en maître absolu sur ces ateliers où il a souvent répété à ses élèves, cette phrase attribuée à Goethe ; « La carrière de l’acteur s’accomplit publiquement , mais son art se développe dans son intimité ». L’intimité, voila le mot-clef . Pour ce faire, il mit l’accent sur l’abondance des exercices physiques , physionomiques et sur l’exploration psychologique. L’acteur doit d’abord combattre sa timidité et paraître moins vulnérable . Et comme disent ceux qui en ont appris le métier d’acteur , Strasberg mettait l’accent plus sur le processus que sur le résultat . Avec le temps , l’Actor’s Studio est devenu un vivier de créativité et une source d’inspiration intarissable. Un carrefour de sensibilités et une institution crédible.
« C’est la richesse du travail qui fait toute la valeur de l’Actor’s Studio » disait un des lauréats de cette école implantée à New York au 432 Ouest , 44eme rue . Elia Kazan , fustigeant la prolifération de cours privés concurrentiels , inspirés de son école pionnière , croyait que son institution allait être phagocytée et enterrée avec la disparition de Strasberg . « Il avait tort », réplique Ellen Burstyn , un ex-apprenant devenu un transmetteur de savoir à son tour. « Dès la disparition de Lee Strasberg , Al Pacino et moi-même avons pris le relais ; il nous a simplement fallu du temps pour découvrir ce que nous étions et ce que nous pouvions faire sans Strasberg . Nous avons investi du temps et de l’argent pour assurer la transition . Nous avons traversé des périodes difficiles , mais aujourd’hui, nous retrouvons la contact avec les acteurs de la nouvelle génération ».
Suivre un cours de Lee Strasberg , n’était pas donné au plus commun des aspirants . L’Actor’s Studio procédait par un dépouillement très poussé des dossiers de candidature . Jack Nicholson a tout fait pour y être admis , en vain. Mais en se fiant à ses propres ressources et en s’auto défiant, Nicholson a pu percer. Aujourd’hui , il évoque cet atelier sélectif avec un peu d’amertume :« Je fais souvent ce rêve formidable : je suis admis à l’Actor’ Studio ».
Les anciens apprentis sont devenus à leur tour des formateurs . Ils ont ouvert leur propre institution pédagogique , et pour prouver la solidité de leur formation, ils exhibent souvent leur ancienne carte délivrée par l’ « A.S » , qui n’est autre qu’un petit rectangle de papier garni , aux couleurs éteintes et aux bords effrités par la temps , et puis rehaussé par le dessin logographique de l’institution. En bas, à droite, on peut contempler sur ce document administratif , la belle signature de Lee Strasberg .
« La carrière de l’acteur s’accomplit publiquement , mais son art se développe dans son intimité » Goethe était-il psychologue ? Nous aimons répéter à satiété cette maxime à souligner en traits gras parce qu’elle vaut son pesant d’or . Dommage que nos moniteurs d’art dramatique aient omis de l’inculquer aux jeunes comédiens en apprentissage. Si j’étais directeur d’un institut d’art dramatique je la graverais à l’entrée principale de la bâtisse pour que l’on sache en faire un motif , un label et un leitmotiv perfectionnistes . Ainsi , quand on revoit les films où les ex –élèves « A.S » sont au générique, l’on comprend le vrai sens de cette assertion : Robert de Niro ; le flingueur-moralisateur de « Taxi Driver » et le boxeur défiguré de « Raging Bulls » était plus vrai que le personnage fictionnel , Al Pacino de « Scarface » crevait l’écran , Marlon Brando trônait dans « Apocalypse Now » et « Le Parrain » après avoir brillé de mille feux dans « A Streetcar Named Desir » ( Un Tramway Nommé Désir) , Paul Newman explosa son talent dans « Le Verdict » et « L’ Incroyable Evasion » Elli Wallach était épatant dans « Le Bon , la Brute et le Truand » , Grégory Peck se distingua brillamment dans « Quand siffle la dernière balle » , Meryl Streep, l’héroïne de « Sur la Route de Madison » était exquise , James Dean , la nouvelle coqueluche de « A l’Est d‘ Eden » se révéla l’idole de toute une « jeanération » (pensez au blue-jean délavé et à la chemise nouée au niveau de la ceinture ).Ils se sont fait remarquer de manière , si j’ose dire, « asséenne » .Ils étaient la matière vivante avec laquelle les réalisateurs les plus talentueux ont pétrifié et façonné leurs héros favoris .
En considérant la prestance et la malléabilité de ces acteurs-comédiens , véritables outils d’incarnation théâtrale et de narration cinématographique , l’on se dit : « Sacrée école , pourquoi n’a-t-on pas une filiale ou une annexe dans notre pays ? »
Kazan est mort , mais ses propos amers demeurent . Certaines confidences ont été publiées par Eric Leguèbe , critique cinématographique au Parisien , dans son livre intitulé « Confessions, Un siècle de cinéma américain, par ceux qui l’ont fait ». Il regroupait des interviews exclusives des plus grands noms du cinéma américain. Dans la causerie kazanienne , on apprend comment il envisageait son œuvre. Aussi , certains aveux pouvaient paraître contradictoires ou d’une intentionnalité provocatrice . Ce faiseur d’image avait dit à propos des critiques de son pays : « Les critiques américains sont surtout des amuseurs (entertainers) .Ils ne savent pas résister à la tentation de faire des « mots » ; ce sont des « vaudevillistes » .Pourtant, c’est un métier sérieux que celui de journaliste , de critique .Ils ont ainsi la manie de vouloir , à leur tour, « faire des films ». Ils me font penser à ces vielles femmes qui furent belles et qui continuent à s’exhiber . Ce sont des frustrés ». Interrogé sur le meilleur conseil à donner aux novices et débutants , il leur dit : « N’entrez pas dans mon sillage , ne subissez aucune influence . »
Et pourtant , en y regardant de plus près , l’Actor’s Studio n’était-il pas entré dans le sillage de Stanislavski avant de devenir une usine à fabriquer des acteurs selon un modèle préconçu ? Kazan , qui parlait ainsi, n’avait-il pas subi l’influence de S.M. Eisenstein ? Le réalisateur américain devenu écrivain (America America , L’Arrangement , Les Assassins, Le Monstre Sacré, parus respectivement en 1962, 1967, 1972 ,1974) affirmait, tout de même et sans détour, avoir été influencé par le grand maître du cinéma soviétique. « Parmi ceux qui m’ont certainement , à un moment influencé, il faut que je cite S.M. Eisenstein, surtout Le Cuirassé de Potemkine » disait-il dans cette confession rendue publique par Leguèbe . Décidément sa « kazanitude » n’avait pas de limite . Dors en paix Mister Kazanjoglous .
RAZAK
(Paru dans la presse écrite le 4 octobre 2003)
NOTE DE L’AUTEUR : La mort de ce grand réalisateur aurait été l’occasion de rouvrir le débat cinéphile autour des années parano du maccartisme . Une rétrospective de son œuvre cinématographique aurait suffi pour en déclencher l’étincelle . On enterre bien les cinéastes qui ont de la veine et quelque chose dans les tripes .

Saturday, May 06, 2006

Il n’y a pas que l’oscar a être refusé


Il n’y a pas que l’oscar a être refusé
Tous les genres de cinéma et de films ont eu leur festival spécifique (cinéma fantastique, film d’horreur, cinéma d’animation, film documentaire …) sauf un : le cinéma nul. Ne souriez pas, ce n’est ni un canular, ni un calembour. En France, une association de cinéphiles distraits s’est donnée comme nom et sigle : ACN, c’est à dire les Amis du Cinéma Nul. Le phonème trompe énormément, car au-delà du sourire narquois que de telle appellation pourraient provoquer à première ouie, le sigle cache des difficultés considérables quant à la manière de réaliser les objectifs. Contrairement à ce que certains pourraient croire, l’entreprise n’est pas aisée. Comment classer les films nuls et comment déceler le plus navet des navets ? Pour faire le tri , l’ACN adopte un système de notation allant de zéro à (-20) . On travaille en échelle négative. Cela va de soi. Généralement, les jurys des autres festivals notés en échelle positive réalisent leurs choix en se basant sur des critères objectifs auxquels s’ajoutent d’autres d’ordre subjectif comme l’émotion et l’émerveillement. Mais pour les films nuls ces deux derniers disparaissent totalement. Seul, l’esprit est appelé à travailler. Il doit repérer les failles, déceler les longueurs inutiles, les erreurs de montage, platitude de scénario ou défaillance technique. Un travail de corvée certes, mais constructif pour le cinéma dans sa globalité, car il permet à ce dernier de retrouver ses faux pas et ses trébuchements. S’il arrive à ce fameux ACN d’ouvrir une section locale au Maroc, nous conseillerons aux futurs amis du cinéma nul de commencer par les films égyptiens genre « Mouhandiss Addi Dounia Bahib Saousane » qu’on montre à profusion sur le petit rectangle à images avant d’aborder les casses têtes que nos cinéastes ont enfantés et qu’aucun critique digne de ce superlatif n’a pu démystifier. Même Toubiana le toubib du cinoche en reste perplexe. Créer un festival du cinéma nul est une idée qui vaut son pesant d’actualité, la seule négativité qu’elle engendre , c’est qu’à chaque délibération et présentation de palmarès, il faudrait s’attendre à un déluge d’insultes et des rafales de tomates moisies venant de cinéastes renfrognés , mécontents des prix qu’on leur attribuerait . Décidément, il n’y a pas que l’oscar a être refusé .

RAZAK
(Paru le 20 février 1993)

Le cinéma indien élargit son public



Le cinéma indien élargit son public
Négligé pendant longtemps par l’Occident, le cinéma indien est maintenant en train de conquérir de nouveaux espaces cinéphiliques et d’élargir son public. Il change progressivement d’image aux yeux de l’Occident.
La presse occidentale, habituée à louer sans retenue le cinéma américain, et acculée à ne s’intéresser que sporadiquement au cinéma hindou, semble revenir sur ses préjugés pour en rectifier les plus hâtifs. Aussi, les critiques européens et anglo-saxons qui aimaient répéter les mêmes idées préconçues sur le cinéaste Satyajit Ray, sans étendre le champs d’analyse aux autres faiseurs d’images, anciens et nouveaux, commencent à prendre au sérieux les avancées de Bollywood (mot formé à partir de Bombay et de Hollywood, il désigne les studios de Bombay). Les stars des mélos « Masala » font ravir les foules. Là où elles vont, elles sont accueillies avec déférence, choyées et applaudies copieusement. Sahrukh Khan trône sur les cœurs de millions de teen-agers indiens. Ses admirateurs ne cessent de se multiplier et son aura a dépassé les frontières du sous-continent. Au Maroc, le phénomène « charokhane » est à décrypter sous différents angles : sociologique, ludique et culturel... Madhuri Dixit, au sommet de sa popularité, trouve des difficultés à se déplacer dans sa propre ville. Les fans rassemblés quotidiennement par centaines devant sa résidence, l’empêchent de vivre sa vie normalement. Le vétéran Amitabh Bachchan, déjà considéré comme un demi dieu dans son pays, ne sait plus comment répondre aux nombreuses sollicitations. A Marrakech, lors de sa visite au Maroc, il mobilisa une foule immense. Aishwarya Rai, l’héroïne du flamboyant Devdas, est devenue une vedette très demandée. Après le tournage de Bride and Prejudice, elle partagera très prochainement l’affiche avec la star hollywoodienne Meryl Streep dans un film intitulé Chaos et signé Coline Serreau. Le tournage est prévu pour mars 2004. Amisha Patel, une actrice photogénique, sera visible dans « The Rising » un film produit par Bobby Bedi, après le désistement de dernière minute de sa compatriote Aishwarya Rai, la Miss Monde 1994. D’autres sont en train de forger leur image sur du métal dur et luisant. Ils se nomment : Hrithik Roshan, Anil Kapoor, Vivek Oberoi, Ajay Devgan, Akshay Kumar, Bobby Deol, Sunil Shetty, Sunny Deol, Govinda, Rani Mukherjee, Kajol, Raveena Tandon, Kareena Kapoor, Karisma Kapoor, Juhi Chawla, Preity Zinta, Manisha Koirala, Philpa Shetty, Sushmita Sen... Des réalisateurs talentueux comme Yash et Aditya Chopra, Sanjay Leela Bhansali , Ashutosh Gowariker, Shekhar Kapur, Rakesh Omprakesh Mehra, Karan Johar, Aziz Mirza, Sudhir Mishra, commencent à faire parler d’eux en Occident. Bref, les films hindis, qu’ils soient en langue tamoule, en Malayan ou en « Hinglish » (mélange d’hindi et d’anglais, l’équivalent du « franglais ») présentent cette particularité séduisante : Le dépaysement. Certes, parmi les 800 films que le pays produit annuellement, il y a beaucoup de navets et de films de propagande (cachemirophobie oblige). Mais les plus réussis, comme ceux où l’on glorifie l’amour, l’amitié et la coexistence pacifique entre les peuples, ont réussi à être exportés. Certains films comme « Dil To Pagal Hai », « Dilwale Dulhania Le Jayenge » et « Mohabbatein » ont une valeur thérapeutique. On devrait les prescrire aux stressés.
Résumons, le cinéma indien commence à faire bonne presse. Tant mieux. Il a dépassé le stade de curiosité exotique, Il y a belle lurette . Les réfractaires qui reprochaient au film hindi sa langueur et sa longueur, finiront par succomber à la « masalamania » envahissante. Certains disent qu’il y a trop de chansons et que l’intrigue est absente. Or, un film indien ne peut se concevoir sans chansons et sans spectacle de danse. Le genre en dépend organiquement comme le Western dépend des ingrédients du Far Ouest : cheval, cow-boy armé, banque, saloon, shérif, hors la loi, diligence... Le film hindi a ses propres codes comme le Western a les siens. On aime ou on n’aime pas. Du point de vue évolutif, l’on peut dire que le cinéma made in India n’est pas celui qu’on croit. Des progrès appréciables ont été réalisés ces dernières années par cette cinématographie émergeante. Il faut être aveugle et anti-tiers-mondiste pour le nier. Dorénavant, Hollywood doit compter avec Bollywood comme émule incontournable. Après le fighting quantitatif dont les Hindous savourent les joies d’une domination absolue, c’est au niveau qualitatif que se dispute maintenant le challenge. Malgré la flagrante disparité des capitaux de production, les Indiens, utilisant les moyens du bord, arrivent à faire de belles choses. Cela mérite toute notre éloge. Est-ce un hasard si le très américanisé festival de Cannes a dérogé à la règle en programmant le très beau remake Devdas, ou si, outre-Atlantique, l’Academy Awards a sélectionné le film Lagaan où le jeune et talentueux acteur Aamir Khan tient le principal rôle ? L’année 2004 confirme la tendance déjà entamée avec une grande plus-value médiatique. L’événement de ce début d’année est sans conteste la retrospective du cinéma indien que le Centre Pompidou organise à Paris. Aussi, le festival de Berlin propose une sélection aussi riche que variée. Comme le cinéma indien est extrêmement prolifique, les aficionados auront l’embarras du choix.

RAZAK
(Parue le 31 janvier 2004)


NOTE DE L’AUTEUR : Bollywood affronte actuellement un problème inhérent au mariage des actrices les plus célèbres .Madhuri Dixit ,Kajol , Karisma Kapoor et bien d’autres ont préféré la vie de mère à la vie d’actrice . Kajol a pu retourner au plateau de tournage (Fanaa avec Aamir Khan).On annonce incessemment le comeback tant attendu de la sublimissime Madhuri Dixit. Concernant la "masalamania" envahissante , on remarque qu'elle a atteint la Russie après avoir enivré la Hollande et la Suisse. L'accueil chaleureux que Paris a réservé au King et à la Queen de Bollywood SRK et Rani à l'occasion de l'avant-premiere de Veer-Zaara montre que cette "masalmania" contagieuse est passée par là hexagonalement .

Friday, May 05, 2006

Zanussi ou le cinéma interrogatif


ZANUSSI OU LE CINEMA INTERROGATIF
« Le cinéma, lorsqu’il touche à l’abstrait est toujours ambigu ou alors il se dégrade . Entre le risque d’être ambigu et celui d’être simpliste, je préfère l’ambiguïté » . Tout le mystère du cinéma idéel se trouve élucidé dans le propos tenu par le cinéaste contemporain Kryzstof Zanussi . Mais ambiguïté ne veut pas dire déroute ou labyrinthe . C’est une sorte de dialectique basée sur le questionnement . Seule, l’absence d’interrogation est triste et dégradante . Zanussi procède par mise en équation de la réalité ambiante .Physicien avant d’être réalisateur , il théorise ce qu’il fait . « C’est une des surprises de l’art que de ne jamais rester lié aux intentions de l’auteur. Lorsque le film est prêt, le sujet révèle obligatoirement l’invisible comme certains miroirs » . Le cinéma un miroir ?! le mot est lâché. Les effets optiques passent avant toute chose . Le reste n’est que narration.
Zanussi est peu connu chez nous au Maroc , même chez les cinéphiles assidus . Son nom ne provoquerait qu’ étonnement à cause d’une mauvaise circulation de ses films dans nos salles de cinéma . Et pourtant , ce réalisateur polonais se considère comme l’ un des meilleurs de sa génération. Comme Wajda il a voyagé beaucoup . Il a tourné à l’étranger et a fait connaître le cinéma polonais surtout celui de l’Après–Guerre . Ses équivalents en France s’appellent Godart , Truffaut , Rivière, Tavernier .
Du 15 au 20 Février , Zanussi était l’invité d’honneur d’un centre culturel à Rabat . Les cinéphiles qui ont pu assister à cette semaine du film où 6 films, les meilleurs de sa filmographie , ont été programmés, ont pu apprécier le talent de ce réalisateur qui a connu dans sa jeunesse le calvaire des Nazis . Les films sélectionnés sont des longs métrages réalisés entre 1969 et 1982, période où l’on a noté une fougue qui l’a rendu « auteur le plus prolifique de l’époque » . Il a réalisé en moyenne 15 films en 10 ans. La rétrospective du Maroc contrairement à ce qu’elle aurait pu acquérir dans d’autres pays comme la France , l’Allemagne ou l‘Angleterre , est passée presque inaperçue . Est-ce dû au choix de la salle ou à celui des organisateurs ? Ce qui est sûr, c’est que , projetés sur l’ écran du cinéma Zahwa ou du « 7 eme Art » , ces films auraient drainé plus de monde qu’il n’en était imaginé. Les grands espaces attirent les grandes foules, pourvu qu’un « indispensable effort publicitaire » soit déployé . Hormis quelques annonces éparpillées ça et là , aucun commentaire, aucun signe critique n’a été publié dans les journaux .Dire qu’on est critique de cinéma ( pour les étiquette, c’est la course Karl Lewis- Ben Jonson ). Les thèmes des films de Zanussi sont imprégnés d’une forte dose de morale . C’est un regard d’analyste jeté sur une société repue de contradictions et où s’affrontent toutes sortes d’idéaux . L’éthique voudrait que chaque membre de la société, qu’il scrute et diagnostique avec l’œil d’un chirurgien , soit satisfait dans ses moindres besognes . Rien n’en était fait . Le mal est profond et l’ indignité intellectuelle a maillé les réseaux et souillé les tempéraments . Zanussi préfère laisser les réponses toutes faites à ceux qui en ont besoin et se lance à bras le corps dans des voies rocailleuses où il questionne l’essence du monde . Aussi hermétique que cela puisse paraître pour les fanatiques du film d’action, les films de Zanussi offrent tout un éventail de lectures. La cérébralité des protagonistes est le trait de caractère qui ressort de chaque analyse. Des idéalistes contre des matérialistes, la science contre le scientisme, le savoir contre l’ ignorance, déterminisme contre relativisme. Zanussi adore les face-à-face. Il en tire l’énergie première de son style . Sous son zoom et ses lentilles de grossissement défile tout un monde à la recherche d’un idéal perdu. Comprendre les films de ce polonais qui parle plus de sept langues, exige une lecture d’un itinéraire passé par bien de soubresauts .

RAZAK
( Paru dans dans un hebdo la smeine du 5 au 11 Mars 1993)


NOTE DE L' AUTEUR : Depuis cette retrospective on n'a plus entendu parler de Zanussi au Maroc , bien qu'il ait réalisé plusieurs films durant cette derniere decennie . Le dernier en date est Persona Non Grata produit en 2006. Quand à la salle de cinéma Zahwa que l'on a evoquée dans l'article elle a fermé ses portes . C'était une des plus belles salles du Royaume. Dommage .

Thursday, May 04, 2006

LEOS CARAX, L ‘AUTRE CINEMA


LEOS CARAX, L ‘AUTRE CINEMA
Dans la filmographie de Leos Carax , Les Amants du Pont Neuf peut être considéré à juste titre comme une référence sérieuse. Le film est d’une rare générosité. Le zoom sur une réalité sordide montre une France d’underground. Celle des paumés, des SDF (Sans Domiciles Fixes) et de reclus de la société. Comparé à d’autres fabricants d’images hexagonaux, Carax semble se démarquer du tas d’abord par la manière de penser ses images, ensuite en mettant de l’humain dans ses bobines. Dans cette histoire d’amour peu ordinaire qu’il nous propose, on devine ses intentions. L’auteur se solidarise avec tous ces laissés pour compte que le destin maltraite. Le film est plein d’effets spéciaux mais on n’y voit que contrastes: ruines à côté d’édifices neufs, propreté et immondices, joie et peine, espoir et désespoir, lumière et obscurité. Dès les premières images, le son grave d’un violoncelle annonce le ton et le film « s’ouvre » sur un passage souterrain. Un tunnel dont nous ne voyons pas l’autre bout, comme si le réalisateur voulait nous dire : « Veillez entrer dans la grotte des curiosités humaines et SVP suivez le guide ». Le guide n’est autre que la caméra. Elle nous emmène sur un vieux pont et de là elle nous retransmet les péripéties d’un autre monde où des êtres humains se débattent pour survivre. Ils ne vivent ni de RMI (Revenu Minimum d’Insertion ) ni des resto du cœur mais d’un tout-venant de nourriture. Le film parle d’un couple de clochards : une fille plasticienne atteinte d’une maladie des yeux incurable et un cracheur de feu qui se rencontrent par hasard sur le pavé mais qui s’éprennent l’un de l’autre jusqu’à nous monter une Roméo et Juliette de la crasse.Le film aurait dû être primé haut la main à Cannes mais on devine l’empêchement. Montre-t-il trop de linge sale. Dérange-t-il les mœurs aristocratiques. En tout cas ce grand film a eu notre suffrage et cela n’est que justice rendue à un défenseur de l’art. La beauté est menacée par la laideur, tel pourrait être le message de ce film véridique jusqu’à la laideur.

RAZAK
(Paru dans la presse écrite le 6 Août 1994 )