Friday, May 05, 2006
Zanussi ou le cinéma interrogatif
ZANUSSI OU LE CINEMA INTERROGATIF
« Le cinéma, lorsqu’il touche à l’abstrait est toujours ambigu ou alors il se dégrade . Entre le risque d’être ambigu et celui d’être simpliste, je préfère l’ambiguïté » . Tout le mystère du cinéma idéel se trouve élucidé dans le propos tenu par le cinéaste contemporain Kryzstof Zanussi . Mais ambiguïté ne veut pas dire déroute ou labyrinthe . C’est une sorte de dialectique basée sur le questionnement . Seule, l’absence d’interrogation est triste et dégradante . Zanussi procède par mise en équation de la réalité ambiante .Physicien avant d’être réalisateur , il théorise ce qu’il fait . « C’est une des surprises de l’art que de ne jamais rester lié aux intentions de l’auteur. Lorsque le film est prêt, le sujet révèle obligatoirement l’invisible comme certains miroirs » . Le cinéma un miroir ?! le mot est lâché. Les effets optiques passent avant toute chose . Le reste n’est que narration.
Zanussi est peu connu chez nous au Maroc , même chez les cinéphiles assidus . Son nom ne provoquerait qu’ étonnement à cause d’une mauvaise circulation de ses films dans nos salles de cinéma . Et pourtant , ce réalisateur polonais se considère comme l’ un des meilleurs de sa génération. Comme Wajda il a voyagé beaucoup . Il a tourné à l’étranger et a fait connaître le cinéma polonais surtout celui de l’Après–Guerre . Ses équivalents en France s’appellent Godart , Truffaut , Rivière, Tavernier .
Du 15 au 20 Février , Zanussi était l’invité d’honneur d’un centre culturel à Rabat . Les cinéphiles qui ont pu assister à cette semaine du film où 6 films, les meilleurs de sa filmographie , ont été programmés, ont pu apprécier le talent de ce réalisateur qui a connu dans sa jeunesse le calvaire des Nazis . Les films sélectionnés sont des longs métrages réalisés entre 1969 et 1982, période où l’on a noté une fougue qui l’a rendu « auteur le plus prolifique de l’époque » . Il a réalisé en moyenne 15 films en 10 ans. La rétrospective du Maroc contrairement à ce qu’elle aurait pu acquérir dans d’autres pays comme la France , l’Allemagne ou l‘Angleterre , est passée presque inaperçue . Est-ce dû au choix de la salle ou à celui des organisateurs ? Ce qui est sûr, c’est que , projetés sur l’ écran du cinéma Zahwa ou du « 7 eme Art » , ces films auraient drainé plus de monde qu’il n’en était imaginé. Les grands espaces attirent les grandes foules, pourvu qu’un « indispensable effort publicitaire » soit déployé . Hormis quelques annonces éparpillées ça et là , aucun commentaire, aucun signe critique n’a été publié dans les journaux .Dire qu’on est critique de cinéma ( pour les étiquette, c’est la course Karl Lewis- Ben Jonson ). Les thèmes des films de Zanussi sont imprégnés d’une forte dose de morale . C’est un regard d’analyste jeté sur une société repue de contradictions et où s’affrontent toutes sortes d’idéaux . L’éthique voudrait que chaque membre de la société, qu’il scrute et diagnostique avec l’œil d’un chirurgien , soit satisfait dans ses moindres besognes . Rien n’en était fait . Le mal est profond et l’ indignité intellectuelle a maillé les réseaux et souillé les tempéraments . Zanussi préfère laisser les réponses toutes faites à ceux qui en ont besoin et se lance à bras le corps dans des voies rocailleuses où il questionne l’essence du monde . Aussi hermétique que cela puisse paraître pour les fanatiques du film d’action, les films de Zanussi offrent tout un éventail de lectures. La cérébralité des protagonistes est le trait de caractère qui ressort de chaque analyse. Des idéalistes contre des matérialistes, la science contre le scientisme, le savoir contre l’ ignorance, déterminisme contre relativisme. Zanussi adore les face-à-face. Il en tire l’énergie première de son style . Sous son zoom et ses lentilles de grossissement défile tout un monde à la recherche d’un idéal perdu. Comprendre les films de ce polonais qui parle plus de sept langues, exige une lecture d’un itinéraire passé par bien de soubresauts .
RAZAK
( Paru dans dans un hebdo la smeine du 5 au 11 Mars 1993)
NOTE DE L' AUTEUR : Depuis cette retrospective on n'a plus entendu parler de Zanussi au Maroc , bien qu'il ait réalisé plusieurs films durant cette derniere decennie . Le dernier en date est Persona Non Grata produit en 2006. Quand à la salle de cinéma Zahwa que l'on a evoquée dans l'article elle a fermé ses portes . C'était une des plus belles salles du Royaume. Dommage .
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