Tuesday, September 21, 2010

Répliques magnifiques à méditer

Répliques magnifiques à méditer

Introduction

Les séquences dialoguées ne sont pas d’égale éloquence. On peut passer du lyrisme le plus sensible à la vulgarité langagière la plus irritante pour l’ouïe. Le cinéma est ainsi fait. Le film, tout comme le scénario qui lui a donné naissance, se revigore du contraste de langage, des paroles entrechoquées , des réactions imprévues et des rebondissements que renferme le récit filmique. Parfois le dialogue domine l’image. Un simple plan fixe sans grande inventivité, alors que tout un torrent d’idées déferle. Vice-versa, on peut trouver des séquences où l’image, se suffisant à elle-même, raconte ce qu’elle a à narrer, sans avoir besoin des autres ingrédients sonores. Les premiers films comiques de charlot en témoignent.
Le dialogue devient plus saillant et plus percutant, quand on injecte aux mots la puissance qui les fait mouvoir jusqu à l’ébullition et vibrer jusqu’à la résonance, pour émouvoir plus. Les protagonistes et les antagonistes en sont le diapason et l’amplificateur. Ainsi, entre «déguerpis sale fumier», formule ordurière qu’on trouve à profusion dans les films de gangstérisme et «que me vaut l’honneur de votre visite» formule alambiquée de gentilhommerie, le nerf auditif du spectateur se heurte à ces intonations dissemblables et dissonantes , dont l’impact varie d’une personne à l’autre. Dans le film de Fellini " Amarcord" le curé recevant l’adolescent dans son confessionnal, lui demande : «Tu commets des actes impurs ? Te touches-tu. Tu sais que Saint-Louis pleure quand tu te touches». Une formule pudique signifiant «Ce n’est bien de se masturber». Dans d’autres films on lance les mots en vrac dans leur crudité impudique. Entre «en es-tu capable?», «en as-tu les couilles?» on sait à quel types de personnages on a affaire et on devine aisément la situation où ils évoluent. Par ailleurs on ne va pas dire: «Oh quel joli scorpion m’a piqué au mollet » ou encore «une adorable vipère m’a mordu le pied». Ce serait un pléonasme pour écervelés, moitié déraison, moitié suicide.
Comment peut-on filtrer les mots cinématographiés pour ne conserver que les paroles les plus saines? Un tel tamisage est-il possible? Couper le son c’est charcuter le film. Dans les premiers films muets, la parole était enfouie dans la gestualité des personnages. Pour les films sonores (parlants, disent les ciné-historiographes) les dialogues renforcent la teneur sémantique et aiguisent la perception de l’interprétation générale. Ils donnent de la densité et de l’épaisseur aux personnages. La dramatisation progressive passe par les synapses de jonction. Eliminer cet adjuvant essentiel, c’est fragiliser la construction du film. Ceux qui ont peur des mots ne doivent pas voir de films. C’est simple comme bonjour. Sinon ils n’ont qu’à se soumettre à cet exercice d’adsorption cérébrale, consistant à voir le film en pointillé. Cela signifie faire le tamisage en transformant l’entendu qui dérange, en un «non-entendu» acoustiquement correct. Mais dans ce cas, on ne suit plus le film, car les propos provocateurs que l’on veut soustraire servent à identifier les caractères psychologiques de certains personnages. La monotonie risquerait d’affadir le substrat et de désarticuler la succession logique des images. N’oublions pas que nous faisons un cinéma à notre image. La vie elle même est faite de clivages et d’antagonismes. Le mal et le bien la font basculer, au gré des circonstances. Les plus virulents peuvent fatalement provoquer son anéantissement. Nos instincts sont ce qu’ils sont. Ils exigent de l’assouvissement. Qu’il soit total ou partiel, il importe d’en tirer la meilleure quintessence. Il n’y a pas que le courtois et le raffiné, il y a aussi la brute, le pervers et le non civilisé. Par ailleurs, dans le cinéma, les cris de haine et les vociférations se diluent tous dans la parodie, car après tout, le cinéma est une parodie, puisque tout y’est jeu et simulation. Le sang que l’on voit n’est qu’un colorant artificiel Et l’homme qui se jette de la falaise est attaché à un câble.
Comme dans une peinture qui choque, les cris colériques et les paroles indécentes ont le paradoxe de s’assourdir de leur fulgurance. On s’imagine mal comment en temps de crise et de contradictions sociétales, un film ferait l’économie de tels ingrédients de base ? D’ailleurs, c’est dans la confrontation des contraires que l’on dégage les bonnes synthèses. Ces sautes d’humeur servent à l’accentuation caractérielle des personnages. Leur piment sert aussi à valoriser leurs contraires. Une langue tenue en bride nuit à la clarté des mots qui la composent, car on y remplace les plus audacieux par leur doublure. Le cinéma qui les vocalise devient à son tour une fâcheuse parodie de ce à quoi il aspire. Si c’est la vérité, ce cinéma cultivera le mensonge. Sa finalité sera gâchée par la prédominance des tentatives infructueuses.
Les scénaristes aguerris, notamment ceux qui font des adaptations de «novels» une spécialité tiennent à ce que les meilleures idées du texte originel et les réflexions préalablement couchées noir sur blanc soient communiquées à des moments cruciaux du film. Il y a des films qu’on peut recommander aux gens, rien que pour une scène, ou une séquence, qui donne à la fois à jouir et à réfléchir. Le pouvoir des mots cinématographiés réside dans leur éloquence et dans les sous-entendus qu’ils génèrent. Léo Ferré quand il arrive au refrain: «La solitude, la solitude, la solitude, la solitude, la solituuude» sa voix effectue un saut vertigineux. C’est ce déchaînement vocal qui nous touche. Le cri enflammé jaillissant de l’intérieur comme d’un volcan retentit comme une détonation.
Il y a des séquences dialoguées qui ressemblent au refrain de Léo et où les mots explosent pour outrepasser le sens habituel qu’ils ont. D’autres moins impétueux nous irradie d’une intelligence suprême.
Ainsi, fidèle à sa ligne innovatrice, Razakcinema se propose d’en présenter une sélection sous l’intitulé: «Répliques magnifiques à méditer». On a déjà fait le test réussi avec Philadelphia (voir article posté antérieurement sous le titre: Quand la diva Maria Callas se mêle à la mélancolie d’un sidé. L’article, comme en témoigne la toile a été repris par de nombreux sites web et portails infos ). Ces répliques choisies représentent à notre humble avis le summum du film analysé. On voit et revoit le film plusieurs fois pour déceler ces répliques mémorables qui logent en notre tête comme des souvenirs tenaces. Elles résistant à l’usure du temps. Doublés, sous-titrés ou en V.O, les films anciens ou nouveaux, sélectionnés avec minutie, sont passés au crible. Une corvée admirable. Ce sera désormais la nouveauté de cette reprise.
RAZAK

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