Retour aux chroniques socioculturelles dont ce blog militant se fait un canal de diffusion et d’argumentation. Vous vous souvenez, on a déjà évoqué prématurément (et cela avant qu’une chaine de propagande mercantile ne se saisisse du phénomène) le cas des musiciens marocains en état de corona-détresse. Livrés à eux-mêmes et pataugeant, à bras le corps, dans un infernal cercle pernicieux et misérabiliste, ils criaient dans le vide. Le ministère de tutelle n’a pas jugé bon de venir à leur rescousse, sachant que c’est par/pour ces artistes et leurs semblables que cette administration trouve la légitimité d’existence au sein de l’organigramme général du gouvernement marocain . Pire, on assiste à un paradoxe tragicomique au sein de ce département décrié depuis belle burelle : les responsables de ce ministère qui, appliquant ce qu’on y appelle vaguement « programme de soutien à la créativité artistique », mimé bêtement sur autrui, l’ont transformé (en le désirant ardemment et insidieusement) en agence bancaire distribuant des chèques à qui on veut, via des commissions dont les membres sont malicieusement sélectionnés. On a oublié l’essentiel : l’art est impartial, il a horreur de la corruption et des prébendes. Ces responsables surpayés pour rien (d’ailleurs comme ceux de la SNRT) se la coulent douce, alors que la tranche de population concernée végète et frôle la mort par famine. Leurs copieux salaires (le pluriel du pronom possessif n’est pas fortuit, car la présence dans les dites commissions d’octroi est rémunérée) n’ont pas été diminués d’un seul iota, ne serait-ce que par solidarité anti-covidienne.
Douze mois de chômage payé avec un rendement nul. A commencer par le théâtre national qui, considérant son importance au sein de la société marocaine, devait être confié à un manager hautement qualifié, ou le cas échéant à un vétéran des tréteaux, qu’on devrait laisser travailler librement. Une année toute entière où le calendrier des programmes brillait pas son obscure sommeil. Pas d’inventivité, pas de répondant, seulement du ronronnement à longueur de journée et des sommes colossales octroyées médiocrement aux fonctionnaires dont une bonne partie est recrutée non pas pour ses aptitudes mais par le système SVP. On est loin d’une méritocratie créative.
Si j’étais le patron de cet établissement public, bien que par principe, je répugne la bureaucratie sous toutes ses formes, j’aurais trouvé mille et une issues au trépas ambiant. J’aurais fait l’impossible pour réanimer l’expression artistique et contrecarrer la léthargie rampante et galopante. Un théâtre en agonie, c’est un miroir sociétal qui se laisse briser.
Toute ma vie, je me suis battu contre les dinosaures de l’ignorance et j’ai sacrifié mon énergie à l’art vrai. Défiant l’art bidon, je ne veux pas que des ignares sonnent le glas à cette noble discipline qui fait qu’un Etat n’est Etat que si la liberté artistique y respire et que si le théâtre y vit sans contrainte. Les médiocrates qui par lâcheté ou par couardise se cachent derrière la pandémie pour camoufler leurs déboires ne sont plus aptes à diriger de telles plateformes de créativités. Un balayage salutaire serait le bienvenu.
Concluons cette chronique par ce qui suit : depuis la nuit des temps, l’homme entreprenant a prouvé qu’il est né pour surmonter les obstacles et non pas pour se cloitrer dans des cavernes mal aérées où l’on pleurniche au lieu d’agir. Je suis sûr qu’avec ces paroles acérées mais véridiques, je n’aurais plus ma carte d’artiste, puisque dans ce drôle de pays ceux qui parlent vrai sont mal écoutés. Tant pis. La vérité vaut mille cartes.
RAZAK