Tuesday, March 16, 2010

Les Oscars 2010 et la mise à l’écart d'Avatar

Les oscars américains ne manquent pas de paradoxes. Ce qui est (en amont du verdict final) rentable comme film n’est pas forcement oscarisable. Il n’y a pas d’homothétie. Par conte, en aval ( et tout le monde le sait) les films oscarisés peuvent ( malgré la conjoncture) renflouer les caisses, grâce à la puissante machine médiatique qui se met en branle dès le lendemain de la cérémonie de remise de prix. Avatar le blockbuster signé James Cameron et qui a réalisé un score exceptionnel au box-office n’a eu qu’un oscar pour la photo. Les jurys de l’Académie des oscars en ont décidé ainsi. Mais au delà des préférences subjectives, n’y a t-il pas un référant objectif dans ce clivage?
L’hétérogénéité acteurs réels /mascottes de synthèse numérique, testée par le réalisateur semble ne pas plaire aux adultes et à fortiori aux critiques de cinéma dont certains éprouvent de la nostalgie pour le cinéma classique fait avec des acteurs en chair et en os. Les gosses de 9 ans dont la mémoire est déjà formatée par l’avatarmania charriée torrentiellement par les jeux-vidéo ont vite adopté le type d’avatar proposé par James Cameron malgré la difformité repoussante de sa silhouette. Mais les cinéphiles âgés (j’en fais partie) n’ont trouvé dans ce film que de l’ennui. Le make-up du film et les prouesses techniques utilisées sont plus intéressants que le film lui-même.
Dans la chronique précédente (Mômes de cinéma) l’on avait souligné que les «child-movies» sont devenus de plus en plus omniprésents, car les entrées du box-office sont désormais dominées par l’adolescence. La pyramide des âges en matière de cinéphilie « de salle » a basculé du côté de cette dernière. James Cameron visait cette tranche d’âge pour ne pas gâcher son projet. Il a gagné le pari (pécuniairement cela s’entend) mais le film fait partie du déjà vu , car le cinéma assisté par l’ordinateur est vieux d’une éternité. Dans un autre article de synthèse intitulé « Le cinéma menacé par le computer » publié à l’époque où l’intrusion de ordinateur dans l’industrie cinématographique commençait à agacer. L’on avait signalé que le cinéma assisté par l’ordinateur contenait en son sein les graines de sa négation. On a abouti à une véritable débauche d’images de synthèse. Cameron voulut sans doute suivre le sillage de Georges Lucas avec une discrète envie de le dépasser. Mais un réalisateur talentueux comme lui gagnerait à être moins dépendant de l’ordinateur. Vu son acuité et son actualité, nous en reproduisons un extrait. Car il se pourrait qu’une bribe de réponse à ce paradoxe s’y trouve transcrite: ” On n’est pas passéiste si on est amené à dire que le passé du cinema est plus riche et plus intéressant que le présent. Aujourd’hui. Avec le recours massif et effréné aux images de synthèse, une sorte de perversité s’empare du cinéma. La manipulation du « virtuel » a atteint son paroxysme. Le doute s’installe .L’overdose est largement dépassée dans Matrix-2 et Spider Man destinés aux adolescents. Or le doute en matière de cinéma mène au dégoût et à la désaffection. C’est inéluctable. Jadis, lorsqu’un cascadeur réalise une prouesse à couper le souffle, le spectateur applaudit, car il sait que cette performance est réelle, puisqu’elle est effectuée par un être humain qui lui ressemble . Même prêtée à un acteur/doublure, ce qui est très fréquent dans les films d’action , elle reste du domaine de l’insolite . En général les spectateurs se remémorent plus des scènes dangereuses que des titres de films. Dans Papillon par exemple ( film tiré d’un best-seller) c’est le saut final de l’évadé qui reste vivace dans les esprits. Papillon c’est ce plongeon du haut de la falaise et le grand bleu de la liberté gagnée au prix de mille sacrifices et sévices corporels .
Aujourd’hui, avec la surabondance des techniques de clonage électronique, le spectateur perd ses repères de lecture de film. Le cinéma assisté par l’ordinateur est un cinéma du jetable après visionnage . L’épithète « classique » lui serait interdite car le genre, si l’on peut parler ainsi , est en fait une multitude de genres et chaque jour qui vient s’ajouter à l’éphéméride, de nouvelles inventions viennent effacer celles de la veille. L’on assiste à un phénomène étrange qui va inévitablement anticiper la mort de cet art né au 19eme siècle et auquel on a attribué le chiffre 7. Il s’agit de l’extinction, à petit feu, de ce qu’on appelle « vedette de cinéma » puisque c’est l’ordinateur qui est devenu la véritable vedette. Cette chosification de l’art et cette mécanisation porteront un coup fatal au « star-system » qui est considéré par les professionnels comme l’élément de base dans la carrière d’un film.”
RAZAK


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