Friday, January 13, 2012

CINEMA: de l’impudeur comme label de qualité ?!



Cinema: de l’impudeur comme label de qualité ?!

Le CCM n’a, semble-t-il, pas encore trouvé la voie salutaire, le style de gestion et de gouvernance probant. Chaque patron désigné à la tête de cet organisme semi-public ayant des prérogatives patrimoniales communes relevant des deux domaines de l’information et de la culture impose sa vision des choses, quitte à bousculer les us et coutume ancestraux sans pour autant élargir l’horizon esthético-culturel. La filmographie marocaine de la dernière décennie a été marquée par un clivage tout particulier qui a fait couler beaucoup d’encre noire, on a privilégié le sensuel érotisant au détriment du spirituel emblématique. Ainsi, comme par malédiction, un cinéma délétère plus libidinal que culturel a pris la relève. Heureusement ou (malheureusement pour les accrocs des Lolitas en tenue d’Eve) cette filmographie ne trouve ni acquéreurs, ni regardeurs intéressés. Pire, chaque film qui sort sous cette enseigne charrie avec lui un summum de poison et provoque un tollé de protestations proche du lynchage. Le chef du centre (qui depuis longtemps a dépassé l’âge de la retraite) endosse pleinement la responsabilité de ce choix thématique capricieux qui est loin de satisfaire le goût des Marocains y compris celui des cinéphiles les plus ouverts d’esprit et tolérants comme l’auteur de cette chronique. Le soi-disant film de Nejjar présenté lors de la soirée inaugurale du dernier FIFM constitue l’overdose de l’insipidité. Il n’y a pas un seul chroniqueur culturel marocain et respectable qui ait apprécié ce film. Cautionner cette préméditée «bordelisation» des bobines porte préjudice à la société marocaine toute entière, avec ses islamiques et ses laïcs. On veut monter au monde que contrairement aux autres peuplades de la planète les Marocains ont un problème avec la partie pubienne et les sphincters. Dans ce cas ça devient de la provocation. Ce cinéma de décadence encouragé par la complaisance et le laxisme complice des instances de contrôle cache une intentionnalité malveillante. Figurez-vous que cet organisme étatique qui ne survit que grâce aux ressources publiques et qui est censé guider le peuple contributeur vers des agoras imagées qui reposent son regard en cultivant son esprit prend la tangente dans une cabalistique fuite en avant qui n’a rien de glorieux. Au crépuscule de sa carrière son patron a assisté de visu à l’agonie de la cinéphilie de salle. Comme on ne lui a pas dit halte, maintenant il veut jouer au psychanalyste freudien sans en avoir le soubassement doctrinal. Il oublie l’essentiel: savoir se monter utile. Ainsi, délaissant les choses prioritaires comme la lutte contre le piratage on persiste et signe dans la même voie sinueuse avec une effronterie et une opiniâtreté jamais observées auparavant. L’atrophie symptomatique du nombre de salles qui passe de 270 unités à 40 n’est-elle pas la preuve tangible d’une gestion déficiente? A titre de comparaison et pour un pays moins peuplé que le Maroc les statistiques de l’UNESCO indiquaient que dans la Hongrie de 1972, il y avait 803 cinémas en 35 mm, 3 680 en 16 mm et 39 groupes mobiles. Le total des fauteuils de cinéma était de 285 000 pour les salles en 35 mm et de 438 000 pour celles en 16 mm, soit une moyenne de 7,2 sièges pour 100 habitants. Pourtant le dénombrement démographique établi en 1972 donnait comme chiffre: 10 259 000 habitants. Cela montre le gouffre culturel dans lequel on vit au Maroc. Autre lacune: l’envahissement des intrus. Aux États-Unis les gens passent plus de 14 ans à faire l’assistanat avant de tourner leur premier film. Au Maroc même les Farnatchi (fournier du hammam) se disent cinéastes. Il y’en a même qui disent «cineastres». Allez savoir d’où ces grosses têtes ont puisé ce charabia. L’effusion budgétaire (d’ailleurs attestée officiellement par la Cour des Comptes) s’ajoute à ces dérapages. La maison brûle mais le sapeur pompier croise les bras. Rien que pour la désignation d’un président de jury on a fait le voyage par avion jusqu’à sa demeure, alors qu’un fax aurait suffi. La gabegie semble bien installée dans son fauteuil. Au sein de ce centre on se targue d’avoir augmenté le nombre de films, et la tirelire comme si c’était une performance extraordinaire. Mais peut-on cacher les rayons du soleil avec un sas aux mailles espacées? La réalité est plutôt invivable. Elle suscite à la fois le dépit et la pitié. Les dysfonctionnements sont nombreux et criards. Car il ne s’agit nullement de privilégier le quantitatif mais le qualitatif, car le cinéma n’est pas un ustensile de cuisine ou un écrou qu’on fabrique à la chaîne. C’est un miroir de société. Il doit laisser transparaître la quintessence et non les difformités. Au lieu d’importuner les Marocains en les choquant par des créations hybrides, bâclées et insidieusement centrées sur les parties les moins nobles du corps humain, ne fallait-il pas revenir au riche patrimoine des aïeux et à l’œuvre romanesque de nos auteurs contemporains les plus imaginatifs et les plus prolixes? On ne serait pas passéiste si l’on disait que le cinéma d’autrefois était beaucoup plus pesé et plus attrayant que celui d’aujourd’hui malgré la modicité des capitaux de tournage de jadis. C’est une question de teneur et non de texture. Autrefois, on abordait les thèmes sociétaux les plus préoccupants comme l’exode rural et la précarité urbaine (films: Assarab, Weshma…), de nos jours ce sont les tares libidinales et les mœurs sexuelles qui prédominent. Pour être accepté par les apôtres du fonds d’aide dont on ignore toujours les critères de leur sélection et pourquoi on les paie, il faut mettre un peu de «hot» dans la hutte. C’est comme si l’impudeur était devenue un ingrédient de base et un label de qualité. Enfin, y en a marre des pseudos réalisateurs, des pseudos producteurs et des bureaucrates véreux qui les manipulent. L’heure d’une purge en profondeur a-t-elle sonné? Les deux nouveaux ministres de l’information et de la culture qui héritent d’une situation peu reluisante doivent nous montrer de quels déboires ils s’échauffent, sinon le désespoir, après leur échec, serait double.

RAZAK


No comments: