Saturday, June 23, 2012

Ciné-répliques à méditer: Les raisins de la colère


Réalisateur: John Ford
Scénario: Nunnally Johnson
D’après une nouvelle de John Steinbeck
Titre de la réplique: Je serai là où les gosses rient  quand ils ont faim
  
Recherché par la police, Tom Joad (Henri Fonda) est obligé de quitter le campement  avant l’aube. Dans sa tête les idées progressistes  de son ami Casy (John Carradine)  résonnent. Alors que la famille sommeille, sa mère madame Joad (Jane Darwell) est la seule à lui faire les adieux.

-Madame Joad: Assieds-toi une minute. 
-Tom: J’aimerais rester maman. J’aimerais être près de toi et voir ta tête quand papa et toi vous vous serez fixés dans un beau petit coin. J’aimerais bien vous voir alors, mais je crois que je n’aurais plus jamais cette chance maintenant.
-Madame Joad: Je pourrais te cacher Tommy. 
-Tom: Je sais que tu le feras, mais je ne te laisserai pas le faire, parce que si tu caches quelqu'un qui a tué un type, tu as de l’ennui aussi.   
-Madame Joad: Très bien Tommy et alors qu’est-ce que tu as l’intention de faire?
-Tom: Tu ne  sais pas à qui je viens de penser? A ce pauvre Casy, à tout ce qu’il a dit, ce qu’il a fait, comment il est mort et je me suis souvenu de tout.
-Madame Joad: C’était un brave homme!
-Tom: J’ai pensé à nous aussi et aux nôtres qui vivent comme des porcs et à cette bonne terre laissée en  friche, ou peut-être à un  type qui a un million d’arpents, alors que cent milles fermiers crèvent de faim et  je me suis dit que si tous les nôtres s’unissaient et gueulaient…
-Madame Joad: Oh tommy, ils te pourchasseraient et ils t’écraseraient tout comme ils ont fait à Casy.
-Tom: Ils me pourchasseraient de toute façon. Tôt ou tard, ils finiraient par m’avoir pour une chose ou pour une autre. D’ici-là …
-Madame Joad: Tommy tu n’as pas dans l’idée de tuer quelqu’un ? 
-Tom: Non maman, pas ça. Ce n’est pas ça, seulement, mais puisque je suis  hors-la-loi de toute façon, peut-être que je peux faire quelque chose. Peut-être que je pourrais trouver une réponse. En fouinant  partout, peut-être que je trouverais ce qui ne va pas et puis voir s’il y a quelques chose à faire pour ça. Je n’ai pas tiré ça au clair maman. Je ne peux pas. Ce n’est pas assez…  
-Madame Joad: Mais comment  j’aurais de tes nouvelles Tommy? Mais Ils pourraient te tuer. Je n’en saurais rien. Ils pourraient te faire  mal, comment je le saurais?
-Tom: C’est peut-être, comme Casy disait : «un homme n’a pas  une âme à lui tout seul, mais rien qu’un petit morceau d’une grande âme. La grande âme commune qui appartient à tout le monde », alors…
-Madame Joad: Alors quoi Tom ?
-Tom: Alors ça ne fait rien. Je serai partout, dans l’ombre. Je serai partout. Partout  où tu seras.  Partout  où il y aura une bagarre pour que les gens puissent bouffer je serai là. Partout où il y aura un flic qui frappera un gars, je serai là. Je serai là où les types  gueulent quand ils deviennent enragés et je serai  là où les gosses rient  quand ils ont faim et qui savent que la soupe est prête. Et quand les gens mangeront les choses qu’ils font  pousser et vivront dans les maisons qu’ils construisent , je serai là aussi.
-Madame Joad: Je ne comprends pas tout ça Tom.
-Tom: Moi non plus maman. Mais c’est une chose à laquelle j’ai réfléchi. Donne-moi ta main  maman. Adieu!
-Madame Joad: Adieu Tommy ! Plus tard  quand tout seras passé, tu reviendras?
-Tom: Bien sûr, maman.
-Madame Joad: Tom, nous ne sommes pas de ceux qui s’embrassent, mais… 
-Tom: Adieu maman!
-Madame Joad: Adieu Tommy!...Tommy

Un grand écrivain (John Steinbeck), un grand réalisateur (John Ford) et un grand acteur (Henri Fonda), voilà ce qui se dégage de ce film  néo-réaliste à l’américaine. Même les seconds-rôles sont excellents. La mère et le pasteur Casy qui a perdu la foi pour se dévouer à la cause des opprimés sont des personnages-clefs  de cette merveilleuse histoire. Juste après les adieux, le son de l’accordéon illustre la lourdeur de la tristesse que l’on a dans le cœur. Il gémit comme dans une oraison funèbre. Ces notes attristées résument les déceptions et  l’absurdité du sort de cette faille chassée de sa terre et puis condamnée au nomadisme routier. Un road-movie d’une poignante réalité. Un film à voir et à revoir.         

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