On ne sait plus de quoi et de qui on parle. L'objet échappe à l'acuité du sujet . Fatuité rime avec vacuité. La ponctuation perd sa sémantique. La contextualisation se décontextualise . La pensée intègre se laisse apostropher grincheusement . La réalité se vêtit de fiction et la fiction s'abreuve du tout-venant caillouteux que la rumeur et le non-sens façonnent avec leur infatigable concasseur . Ce n'est pas un hasard si le blog Razakcinema s'est intéressé , dès son lancement , aux phénomènes de société . On y était précurseur de deux choses : primo, l'audio-visualision exacerbée de l'espace publique (caméras de surveillance...). Le roman ''Le Pyjama du pauvre'' en ébauche les prémisses. Deuzio , l'emboîtement progressif du réel avec le virtuel . Jadis , on parlait de divorce conceptuel et morphologique .
Ce n'est pas du flou artistique , comme peuvent l'imaginer les charpentiers de la polychromie sociétale, mais du flou amnésique. La perte de mémoire guette tout le monde , y compris ceux qu'on surnomme prétentieusement les intelligences supérieures. Les oublieux peuvent être amenés à dénigrer leur propre Histoire. Et qui n'a pas d'Histoire ne peut pas bien visualiser son avenir. L'imposture sera sa hantise. Les oligarchies sanguinaires rêvent de peuplades soumises, sans mémoire pour perpétuer le joug et la domination.
Les nouvelles technologies de communication favorisent cette amnésie générale, et cette légèreté vis-à-vis du passé ancestral . On dirait un jeu de/pour apatrides. Les clics accélérés chassent les bonnes idées, mijotées en mode décéléré où la frénétique précipitation n'est pas la bienvenue . Et puis , que vous le vouliez ou non , vous êtes pris dans le piège . Être un créateur de contenu, c'est accepter , sans le vouloir, d'être tâcheron-méteyer chez les grands magnats du web . Ces types sur-argentés dont la tâche essentielle est de faire du système Android et de ses concurrents un enclos de vaches à traire , en transformant les réseaux sociaux en souk journalier. Hélas, quelque soit leur degré d'indépendance , les créateurs de contenus sont acculés à faire les démarcheurs, comme des commerciaux au service des sociétés qui les emploient. Les publicistes tirent les ficelles du pantin hyper digitalisé que prosaïquement on appelle internaute. Ce dernier est devenu la cible de toutes les campagnes marketing . Les auto-proclamés Marketologues online mettent insidieusement plusieurs hameçons phraséologiques au bout de leur ficelle , pourvu que ça morde . Leurs webinaires bourdonnent d'astuces , d'appâts et de promesses à effets non garantis
L'ère du futile est déjà entamée, il y a belle lurette . Le web révèle de honteuses disparités et souvent la qualité n'est pas le critère de jaugeage de base . Si les chanteurs médiocres en profitent, les écrivains aguerris qui ont cru à la chose numérique en pâtissent. Il faut posséder en plus de la verve, les clefs du référencement SEO . Un vaurien qui n'arrive pas à rédiger une phrase correctement, mais qui sait gueuler devant le micro , peut avoir du succès en récoltant des millions de vues, alors que le crack des cracks de l'écriture n'en a que quelques pauvres dizaines, tombées accidentellement sur le site, comme des gouttelettes indésirables. Et aussi paradoxal que cela puisse étonner, la peinture n'est pas la niche à succès . La musique absorbe les esprits. Le cinoche suit une courbe en dents de scie . Le copyright s'érige en rabat-joie. Même pour la musique classique , passée au domaine publique ( 70 ans après la mort du compositeur) , on trouve des empêchements. On ne peut pas les utiliser dans un post analytique ou d'apologie, à cause de la maison du disque qui réclame des droits d'auteur pour l'orchestration. La critique cinématographique qui cherche à illustrer le propos avec des extraits de films se trouve hors-jeu. Des mots savants et pertinents gaspillés pour rien .
Des chansons sans aucun lyrisme, et des pseudo-mélodies tirées par les cheveux empestent le web. La littérature est le parent pauvre de cette digi-fourrière. Tout ''toucheur'' de console se dit auteur et tout mélangeur de couleurs se dit artiste-peintre. Pire, les auteurs sont plus nombreux que les lecteurs . Autrefois, c'était l'inverse. Un bricoleur du web se vante sans vergogne, d'avoir publié 100 e-books, en un temps records et cerise sur gâteau , il affirme qu'au sein de ce conglomérat de livrets virtuels il y a des best-sellers.
Les intrus de la chanson ont sali la toile . Les écoutes averties essaient de leur faire obstacle, pour limiter les dégâts . Les commentaires qui reviennent sans cesse: ''C'est dans les vieilles marmites qu'on fait la meilleure soupe'', ''Old is gold''...
Doit-on maudire Al Khawarizmi d'avoir servi de pont et de passerelle au zéro indien? S'il avait laissé ce fabuleux chiffre là où il était Boole n'aurait pas trouvé la deuxième base à sa fameuse algèbre. Tous les automatismes basés sur les octets en sont issus . La logique binaire nous mène vers l'illogique doctrinaire.
Doit-on maudire Idn Al Haytham pour avoir jeté les jalons de la science optique et de l'imagerie sous-jacente?
L'AI ( à ne pas confondre avec Adobe Illustrator) va encore densifier les fioritures et les perversions . Comme son nom l'indique , l'intelligence artificielle est pleine d'artifices. Mais si ces artifices prennent le dessus sur le réel en faisant du maître un esclave , ce serait un revers aux lourdes et incalculables conséquences. La mésaventure du docteur Frankenstein peut se répéter à l'infini , avec des dommages collatéraux et des virages chirurgicaux.
RAZAK
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