Friday, March 08, 2019

De l’Art transcendantal aux Haïkus picturaux Regard sur un livre d’art Par RAZAK (30ème partie)

Nous avons écrit ci-avant que les femmes fonctionnaires marocaines sont relativement moins magouilleuses  que les hommes, mais elles ont un grand défaut : elles font recours à la sorcellerie pour se prémunir contre l’imprévu. La SNRT n’est pas la seule boite où la sorcellerie fleurit. Les échos qui viennent des autres offices,  agences et départements ministériels nous rappellent que l’on est devant un phénomène généralisé. De cette sorcellerie tentaculaire, on a énuméré  trois tendances: soussie (du Souss), meknassie (de Meknès) et juive. La sorcellerie israélite est relativement la plus puissante. Certains rabbins prétendent que si le Maroc est ce qu’il est, c’est grâce à leur magie.
Ayant enquêté sur ce phénomène dévastateur, en focalisant sur un office semi-public, autrefois levier du développement industriel, on a induit le constat dans la trame narrative du  roman, en phase d’édition  intitulé : « Le Vidéographe justicier ». Extrait :
« La pratique de la sorcellerie (S’hour) dans les  différentes subdivisions de cet office, par des agents superstitieux, constitue une entrave au bon fonctionnement des rouages internes. L'ampleur du phénomène, sa gravité et sa grande banalisation rendent l'exercice aléatoire. Aucun service n'est à l'abri. Qu'il soit technique ou administratif, le jeu obscène a fini par imposer ses règles sordides. On en parle sans sourciller, comme si c'était un jeu de société ou un rite communément admis. Cette «vaudouisation» de l'une des plus importantes boites d’ingénierie publique comporte des risques inévitables: d'abord les objectifs que l'on s'est fixés (généralisation du service, optimisation, certification…) ne seront jamais  atteints, quels que soient l'optimisme et la détermination des dirigeants, à supposer que ces derniers soient  aptes et  valides, pour mener la barque à bon port, sans encombre, parce que tout simplement, le personnel n'est pas celui qu'on pense. Et leur patron ne sait pas comment s’y prendre. Et rien nous dit qu’il n’est pas, lui aussi, pris par  les fils enchevêtrés de l’araignée ésotérique.
Gangrené par le fléau inhibiteur du charlatanisme et empoisonné par les affres castratrices de "Tachekamt" (mouchardage),  ce personnel  ne peut être qu'improductif. Un des premiers signes révélateurs de cette "S’houroumania" tentaculaire est la suspicion paralysante qui a enchevêtré toutes les connexions. Le rendement des travailleurs s'en trouve amoindri, pour ne pas dire réduit à néant. On ne compte plus les victimes. Les clients et partenaires externes de cette boite étatique en paient les frais. Tous se plaignent de l'atermoiement et des lenteurs de l'administration (notamment technico-financière) mais ils en ignorent les véritables causes. Ce ne sont pas les mots d'intention et les notes d'incitation placardées et punaisées à l'entrée des bureaux qui vont régler cette épineuse question. Aucun responsable, digne de ce nom, n'a pu décortiquer le phénomène. Peut-être manquait-on de lucidité et d'audace pour s'y pencher, tel un docteur ausculte son patient. L'entreprise n'est pas aisée, car on a affaire à une caste d'initiés. Verticalement, les plus visés sont les cadres supérieurs et horizontalement, les techniciens brillants. Ils sont une cible privilégiée. D'ailleurs, l'administration avec ses statuts et ses règlements intérieurs ne s'est pas protégée suffisamment contre ce genre de délit. Les effets pervers de cette mainmise diabolique sont visibles à l'œil nu. Les noms des adeptes se chevauchent. Certains  pratiquent leurs rituels sans la moindre gêne. Les anecdotes de la paranoïa ésotérique foisonnent: tel chef d'aménagement doute que le verre de thé, servi par sa secrétaire, contient un soluté ésotérique, tel autre ferme à clef son bureau et ses tiroirs de  peur que des agents malicieux y placent  des objets mystérieux. Les plus avertis procèdent à un nettoyage systématique du mobilier, en changeant constamment de bureau, de secrétaire et de serrures. D'autres se laissent faire. Bonjour les dégâts. L'arsenal ésotérique utilisé est tellement vaste et diversifié. Les ingrédients de cette alchimie dangereuse se trouvent dans les boutiques ésotériques (Attar) où la faune et la flore dans leur état mortuaire sont si présentes. Ainsi le "Fkih" ou le sorcier en prescrit les doses et le mode opératoire. Formules magiques, philtres, incantations, sachets, potions et infusions chimiopathiques, invocations… Il est très difficile d'énumérer tous  les éléments nocifs entrant en interaction. Dès le crépuscule, il y a bousculade chez les voyantes ayant pignon sur rue. Et détrempez-vous ce ne sont pas que les secrétaires  esseulées, veuves ou délaissées par les hommes qui  fréquentent les chamanes, mais il y a aussi des hommes moustachus qui se fient aux érudits des sciences occultes, pour avoir plus de "Kouboul" (acceptabilité). Mais le constat le plus affligeant est de voir des ingénieurs supposés avoir l'élan bâtisseur, pencher du côté destructeur, en fréquentant  assidûment les sorciers et les sorcières, pour les mêmes raisons évoquées précédemment. Les plus discrets se contentent de talismans et d'amulettes, sous forme de pierres précieuses sur lesquelles on a gravé des formules magiques. Le grimoire est supposé avoir des vertus protectrices pour celui qui le porte. Si un jour les voyantes et les charlatans passent aux aveux en  dévoilant leur clientèle, l'on sera étonné du nombre impressionnant d'adhérents à ces «clubs ésotériques».
Certes, la sorcellerie existe depuis la nuit des temps. Le désir de changer ou de transformer des choses par les forces invisibles, surtout la folle envie de dominer autrui à distance ont toujours exercé une fascination sur les humains. Ce recours aux forces surnaturelles maléfiques et hostiles à l'homme relève d'une carence libidinale que l'on veut combler.»(…)
Quand elle trouve le ferment propice, la sorcellerie accède au rang de culte. Les quelques agents lucides, assistent à un phénomène de désertion jamais constaté. L'absentéisme de certains responsables est plus qu'alarmant. Leurs fugues prolongées laissent le service dans un désordre indescriptible. Dans la division des expropriations, le responsable est incapable de se tenir dans son siège plus d'une demi-heure. Selon les rumeurs qui circulent, une veuve aux mœurs légères l’aurait possédé. Il en a fait sa secrétaire et sa concubine. Des citoyens venus de régions lointaines, pour régler leurs affaires en instance, retournent bredouilles, avec l'amère déception d'être mal reçus. Le plus urgent, c'est de s'attaquer à la racine du mal et non pas à ses manifestations extérieures.
Cette généalogie du mal se sert d'une autre généalogie: celle des victimes. Le sorcier exige des photos avec les noms complets de la lignée familiale. C'est pour cela que les dossiers personnels des agents sont tout le temps fouillés par ces maléfiques personnes, en liaison avec des sorciers. Le but de ces gourous est de faire croire que l'on peut non seulement perturber la vie d’autrui avec des plantes asséchées et des mots, mais aussi jeter un sort et lancer une malédiction. Les chamanes qui se servent de l’oral et  du ’’Samaoui’’ (force astrale) hypnotisent leurs victimes avant de les dépouiller. Doit-on laisser les choses pourrir ainsi?» (…)    
« Les scientifiques ont tenté d'analyser ce phénomène bizarre où démonologie et chimie ésotérique se mêlent étroitement aux traditions médicinales teintées de mysticisme. Leurs conclusions restent marquées du seau de l'élitisme. Les uns parlent de parapsychologie et de phénomènes paranormaux, d'autres n'y voient que canulars et supercheries; mais lorsqu'un phénomène étrange les surprend, ils perdent leurs convictions scientifiques. Les ethnologues structuralistes en ont épluché le substrat apparent. Mais malheureusement, leurs travaux ne sont pas largement diffusés, pour en tirer une quintessence utile. L'analphabétisme aidant, l'ésotérisme a encore de beaux jours devant lui. Rappelons que la chasse aux sorcières, menée avec fermeté au Moyen-âge, a réduit de sa propagation. Il fallait sauvegarder le fragile équilibre de la société, sinon il y aurait plus de morts que de vivants et plus d’êtres envoûtés que de lucides.
En effet, lors de l'inquisition du XIIIe  siècle, on a tué plus d'un million de sorciers. Le châtiment du crime de sorcellerie était le bûcher. Parmi les brûlés vifs, il y en avait  des sataniques qui agissaient par plaisir sadique de nuire à autrui.
Vous arrive-il de rencontrer un responsable envoûté? Il ressemble à un individu sous hypnose. Il n'a pas perdu son agilité, mais ses pas sont comptés et ses actes sont téléguidés, sans en être consciemment responsable. Pris en otage par les jeteurs et jeteuses de sort, barricadés derrière le secret de leurs pratiques, ils sont manipulés comme on manipule une poupée. Il y en a qui ont le "Tkaf" (handicap génital) , mais ils ne peuvent pas le dire. C'est "Hchouma" (tabou). Leur énergie vitale leur a été spoliée. Ils se reconnaissent par l'instabilité de leur caractère lymphatique et par l'humeur changeante. Ils sont sous l'emprise vibratoire des forces cosmiques, vous dirait un astrologue. L'ensorcelé aura toujours cette duplicité comportementale, tant qu'il n'a pas entamé le processus inverse de dés-envoûtement. Il doit rechercher l'antidote de ce qui lui arrive et le possède. Il n'y a pas de juste milieu pour un "Mashour" (ensorcelé). Il est tout le temps tiraillé entre deux tendances, mais en présence de son ensorceleur (ou de son ensorceleuse) il devient si docile, si consentant et d'une totale soumission.
Le "S’hour" est perçu par certaines personnes comme le dernier recours, pour se protéger contre l'imprévu. On pratique la sorcellerie pour se venger d'un ennemi, ou tout simplement pour avoir une promotion rapide. Les lâches et les fainéants la pratiquent aussi pour forcer la sympathie du chef, afin d'éviter ses réprimandes en cas d’absences prolongées, ou de fautes graves. Les corrompus en usent pour faire durer l'impunité.
Curieusement, l'on remarque que  des incompétents notoires ont pu gagner  plusieurs échelles d’un seul coup. L'on se demande toujours si ce n'est pas par sorcellerie.
Il faut mettre un terme à la ’’vaudouisation’’  galopante au sein de cette institution, si l'on veut accroître son efficacité. L'avenir de la boite en dépend. Des rumeurs persistantes font état d'une probable concession de cet établissement semi-public au privé, mais il y a risque de ne pas trouver preneur. Qui va risquer d'investir dans une entreprise paralysée par le charlatanisme?  A moins que l'on ne  pense à une régénération approfondie du personnel. Or celle-ci passe par le dés-envoûtement collatéral. La cure de normalisation pourrait réveiller les compétences inhibées et relancer la machine vers des horizons meilleurs.
A l'opposé, les  gourous n'ont pas déposé les armes. Il faut avoir le flair d'un anthropologue capable de percer le mystère et la vigilance scientifique d'un psychiatre pour explorer le phénomène.
"Les esprits qui protègent sont aussi ceux qui frappent",  dit l'un des brillants ethnologues qui ont étudié ce phénomène. ’’En milieu urbain", explique-il, "les plus violents sont ceux qui rôdent dans les lieux publics, les carrefours et les ruelles obscures".

Par conséquent, il faudrait un guérisseur d’une scientificité inédite et d’une solidité caractérielle à toutes épreuves, pour réparer la machine en panne. Il doit œuvrer inlassablement, pour que le rationnel l'emporte sur l'irrationnel. Tout dépend de la vision qu'on a des choses. D'abord: Identifier et circonscrire l'étrangeté du phénomène, ensuite limiter les dégâts avant de l'éradiquer. Cela revient à dire tout démystifier. Il est intolérable que des fauteurs de troubles, incontrôlables, insaisissables et dangereux continuent de sévir dans l'impunité en manipulant les forces du mal. Leur grande capacité de diversion réside dans leur apparence inoffensive. Que l'on adhère ou non à ces croyances irrationnelles, que l'on croie ou non à leurs extravagances, leurs incidences sur la marche de cet établissement est réelle».

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