Les journalistes « ménopausés » qui, par stérilité
intellectuelle, ne produisent que du vide autour d’eux sont faciles à manipuler
et à asservir. Normalement, ils devraient
être licenciés, si le respect de la déontologie était primordial. Mais d’autres
calculs pernicieux entrent en jeu, pour
compliquer l’équation. Financièrement parlant, le licenciement de ces vauriens
coûte plus cher que leur maintien dans la rédaction. On attend que l’âge fasse
le ménage, tout naturellement, sans remous et sans bruit. Arrivée à terme, la
rupture dans de telles circonstances parait salvatrice, car on arrive à se
débarrasser d’un bras cassé que les circonstances exténuantes ont rendu
indéboulonnable. Mais la problématique reste entière et barbante. Comment
assurer la relève avec des éléments compétents et honnêtes ? L’institut forme
des bureaucrates et les meilleurs journalistes que ce pays a enfantés n’ont pas
fait d’institut. C’est le militantisme de gauche qui les a révélés au public.
Le malheur, c’est que bon nombre de ces intellectuels ont soit quitté ce monde,
soit changé le fusil d’épaule. Il ne reste que
les frileux carriéristes, adeptes du « politiquement correct ». Ils
évitent les sujets hard et se laissent entraîner par le soft, où l’on ne risque
rien. Quitte à répéter les mêmes débilités et inepties, que l’agence officielle
pond à un rythme effroyable. Les crâneries viennent avec le hard.
En lisant cette chronique, on comprendrait pourquoi on a censuré les dernières parties de ce livre autobiographique où j’évoque mon
calvaire avec les gens qui m’entourent.
Mais le web est si vaste et si généreux.
Les pantouflards de la presse sont plus nombreux que les audacieux.
Mais ils ne sont pas confortablement casés. On en trouve de plus incorrigibles,
parmi ceux qui sont en phase de
préretraite. Deux ou trois ans avant de déguerpir. Leur inactivité porte
nuisance au journal qui les emploie. L’OJD Maroc en dévoile au quotidien les chiffres et
compte les décombres. Les chutes de vente
sont dramatiques. Passer de 90000 lecteurs quotidiens à 3000, il y a de
quoi s’arracher les cheveux. C’est l’Etat qui, après avoir donné le coup
d’estoc fatal à ses adversaires de la presse écrite, dont certains sont
considérés comme des opposants, aide ces journaux défaillants à survivre, via
son œuvre de bienfaisance. Sans sa « générosité calculée », ils feraient tous
Tilt, comme le Gottlieb d’antan, que
l’on connait sous le nom de billard électrique (flipper). On a copié ce plan de
secours de l’ex-pays colonisateur : la France. Mais le copier-coller n’a rien
de probant et de reluisant. Un monticule de paperasse, pour un rendement
presque nul. Il y a anguille sous roche. Ce cirque journalistique est fait pour épater le regard
des touristes étrangers. En effet, quand on voit le grand étalage de titres
dans les kiosques de Casablanca et des autres villes, l’on se croirait au cœur palpitant de l’Eden du journalisme et de la liberté
d’expression. Mais les locaux connaissent parfaitement la réalité de la presse
au Maroc. Ils savent pourquoi on a emprisonné tel journaliste et poussé à
l’exil tel autre. L’épée de Damoclès
demeure la pub, puisque désormais on ne
peut pas compter sur le lectorat pour survivre. Cette pub est débitée selon le degré d’obédience et de
docilité de l’organe de presse. Fermer
son robinet, c’est anticiper sa
faillite.
Un scribouillard arabophone
prétend, sans rougir, être le doyen de la presse écrite. Sans doute se prend-il
pour Haikal Hassanein.
Si on l’a laissé travailler, c’est parce que son hebdo ne dérange pas le
système, comme faisaient ’’Le Journal’’ de Boubker Jamai et ’’Demain’’ d’Ali Lemrabet.
Toutes les issues sont verrouillées. Même le réseau de distribution est hermétiquement contrôlé par
des gens du pouvoir. Liberticides, les
textes de loi viennent compliquer la donne.
Les vrais journalistes ont déguerpi, restent les journaleux.
Ceux qui ont accumulé la poisse, durant de longues années de
fainéantise font de la corruption un
gagne-pain. C’est une bouée de secours. Traitres à leur rôle, ils
s’offrent aux plus offrants. Et parmi les offrants, il y a des mafieux. Ils s’achètent à bas prix les colonnes de
propagande, pour y passer leur charabia,
histoire de broder le profil avec des mots payés au centimètre
dactylographié. Il y en a même qui ont
fait carrière dans ces égouts. Les rubriques sportives et cultuelles en sont
contaminées. J’en ai connu des taupes au dos courbé et que la cataracte a rendues invalides. Ils
ne voient rien et on ne sait pas comment ils arrivent à faire une page avec les
écrits des autres. Par complicité ou par lâcheté, les rédacteurs en chef les
laissent faire, car eux aussi ne sont pas au-delà de tout soupçon. Quand
le bateau chavire et coule comme
Titanic, c’est chacun pour soi et la mer pour tous. Les requins s’occupent du
reste. Même le capitaine cherche à sauver sa peau avant celles des autres.
C’est ce qui arrive à ces feuilles de choux, jaunies par le laisser aller et
l’irresponsabilité.
Pire naïveté que de
donner aujourd’hui un livre nouvellement paru à un journaleux, pour le
présenter au public. Les chargés des rubriques culturelles ne lisent pas, ou
plutôt lisent les livres de ceux qui les payent. Ils ont d’autres chats à
fouetter et d’autres panses à engraisser. Mais malgré la dépravation, l’on
trouve l’effarante audace de réclamer au ministre de truelle l’institution d’un
prix culturel. Ce sera, à coup sûr, une mascarade. C’est le rentier que l’on
vise, le culturel n’est en fait qu’une
façade. Ce n’est pas le ministère qui doit le faire, mais les journaux
eux-mêmes, comme ce qu’a fait France Football pour le trophée du ballon d’or. Le
journal canalise les votes des autres rédacteurs sportifs.
Les actualités
livresques ne sont pas aussi fluides qu’on le croirait. Ce que l’on cache est
plus important que ce que l’on montre.
Enfin, de mémoire d’un habitué (14 livres), ce sont mes communiqués que le plus
souvent l’on publie. Quand le grand manitou de la rubrique culturelle veuille
vouloir y faire écho, il faut souhaiter qu’on le publie sans fautes
d’orthographe, de grammaire ou de style. Ceux qui de temps en temps prennent la
plume pour décortiquer un roman ou un essai
ne sont pas des journalistes attitrés, mais des collaborateurs externes.
Ils le font bénévolement et sans contrepartie.
A la radio c’est la
loi du tout ou rien. Si le livre parle positivement du système, on se hâte de
le présenter. L’agence officielle de presse en fait tout un tapage. Et comme
par providence, les interviewes se mettent à pleuvoir, comme si l’auteur
était Emile Zola réincarné ou un tribun de high standing,
comme fut Benjamin Constant, homme politique
qui ne jonglait pas avec les mots et ne craignait pas les puissants de
son époque. Dans le cas contraire, si le livre comporte des analyses critiques
ou des chroniques reflétant le vécu macabre, on en fait fi. L’autocensure
engendre la censure.
Dire qu’il n’y a pas de discrimination au Maroc, c’est un mensonge d’Etat. Le
régionalisme n’est-il pas une discrimination ? La SNRT a un faible pour
les Meknassi parce que le patron est issu de cette ville. Les autres n’ont qu’à
aller boire la mer. Pour un mot on m’a censuré deux émissions radiophoniques : dans la première interview,
l’animateur m’avait demandé après une heure et quart d’enregistrement (Nagra)
ce que je pensais de son émission. Je
lui avais dit la vérité. Il en fut vexé. Il s’était énervé et avait juré de ne
rien diffuser de toute l’interview. Pour la seconde, on l’avait censurée pour
avoir affirmé l’existence de gens qui confondent surréalisme et « seroualisme » (du mot seroual qui signifie pantalon).
Enfin tout récemment,
j’ai donné de main propre à la directrice de la radio-SNRT de Marrakech une
copie de mon dernier livre sur le cinéma, dans l’espoir de le présenter aux
auditeurs. Elle avait promis de lui consacrer
une émission. Trois semaines se sont écoulées et mon
intuition me dit d’oublier cette aventure. Les livres font peur aux petits
hommes et aux petites femmes. Quant à la télé, c’est la censure de la radio
multipliée par dix.
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