Monday, February 24, 2020

Feuillet littéraire et philosophique : Quand la possession devient une hantise Par RAZAK


Feuillet littéraire et  philosophique :
Quand la possession  devient une hantise
Par RAZAK
        Si l’eau chaude devient tiède en se mélangeant avec de l’eau froide et si le sucré devient moins sucré avec les substances  neutres, la bravoure ne peut être diluée dans la lâcheté et la couardise. La probité ne peut être mêlée à la cupidité et à la vanité. Le juste milieu et la juste mesure que professaient les sages antiques semblent, de nous jours, une chimère, une utopie. C’est la loi des extrêmes qui prévaut. La loi du plus riche, du plus fort et du plus influent étend son spectre morbide. Tu es riche, dans ce cas  tu peux faire ce que tu veux dans l’impunité, puisque par les temps malsains qui courent, tu peux acheter ton innocence après l’énième  forfait commis. Les pédophiles notoires qui  échappent au filet de la justice le doivent  à la  complicité de ceux qui les soutiennent dans les coulisses et à la cupidité de ceux qui prétendent veiller sur cette misérable justice. Sous d’autres cieux le viol d’une mineure  conduit  à la chaise électrique. Ce qui complique les choses c’est de fourrer le sexe dans la diplomatie. Qu’une ambassade se porte garante envers un justiciable coupable d’avoir violé une mineure et qui n’est ni consul, ni vice-consul, c’est une première dans les annales diplomatiques. Une gourde qui ferait grincer les dents au philosophe contestataire Onfray qui a dit : « La diplomatie, c’est faire primer le cerveau sur les testicules ».  
L’argent des magouilles rend cette diplomatie pubienne plus merdique. Là, on revient constamment aux dilemmes de la fortune vis-à-vis de la loi. L’atermoiement dans le jugement de certaines affaires à gros scandale laisse planer beaucoup de doutes. Quant aux journalistes qui dérangent, ils sont jugés avant d’être déférés devant le tribunal. On ne leur accorde aucun sursis.
Si tu  es pauvre, ton cas sera pire. Tu devras subir les affres combinées de la pauvreté et de l’injustice. Si par delà le leurre tu te mets à rouspéter on te  tabassera. Si tu critiques l’establishment, on te fermera le bec et on te bouclera, pour un rien. Ce ne sont pas les motifs qui manquent pour une justice expéditive tirée par les cheveux.
Au luxe bourgeois des nantis s’oppose la misère criarde des laissés pour compte. Les frontières entre « être » et  « ne pas être » se sont éloignées dramatiquement. Rectifions ces préceptes shakespeariens, à la lumière de ce qu’on vit : « Être », c’est avoir des biens en surplus, « ne pas être », c’est n’avoir rien de tout ce qui fait la différence. Celui qui a le plus de titres fonciers est le véritable maître des lieux. S’il dit « mon pays », il a raison de le scander haut et fort car « mon pays » rime avec « la terre  que je possède ». Il en a le titre foncier  assermenté par le notaire. Quand l’immobilier atteint un certain volume, le « mon pays » devient « mon pays » au carré (au sens arithmétique). Car aux parcelles, s’ajoutent  les bâtiments  érigés.
Mais au-delà de « mon pays » au carré, il y a les  directives de la banque mondiale qui supplantent et conditionnent tout. Soucieuse de récupérer sa dette, elle impose ses recommandations et consignes aux pays endettés,  dont la privatisation est la pierre angulaire,  (pierre  d’achoppement pour les emprunteurs). Il faut privatiser les entités budgétivores. Conséquence: les services publics de santé et d’éducation se rétrécissement lamentablement, comme une peau de chagrin. Les malheurs de ceux qui n’ont rien sont décuplés. Aucun dieu ne répondra à leurs doléances, parce que  les demi-dieux de la terre les ont jetés hors des  périphéries. Les Zeus et Poséidon du nouveau millénaire, réunis en caste dominante et immunisée,  occupent le centre de commandement. Pour les pays du tiers-monde c’est la banque mondiale qui occupe ce poste. Ses simples insinuations  même les plus insignifiantes sont des désidératas et des ordres. Il faudrait un tsunami d’une autre nature pour reformuler les choses. Même travailler avec un  rythme inédit  ne suffit pas, car le chômage lui entrave la progression et le favoritisme en déprave le processus.  Dans les Etats qui se respectent, c’est la voie laborieuse qui aide les pauvres à changer de condition et à assurer une régulation sociétale sur la base de ce qu’on a comme talent, compétences et aptitudes. Dans les pays sous-développés où le  tribalisme est saillant, c’est l’appartenance ethnique qui régit les rouages. 
Mais quand les écarts entre les plus riches et les plus pauvres atteignent des proportions inouïes, il y a risque de faire chuter tout le substrat sociétal de haut en bas, par déstabilisation statique. La RDM sur laquelle les ingénieurs en béton armé misent pour consolider les structures ne peut rien faire contre ce déficit de cohésion. Si de tels phénomènes impromptus se produisent, les plus riches souffriront davantage, car leurs précieux biens les accompagneront dans le mouvement de chute. Quant aux pauvres, ils se réjouiront d’une égalité revancharde, imposée par les circonstances atténuantes et exténuantes. On peut dire sans risque d’être  contrarié, que  c’est le seul cas où le principe de la « terre brûlée » provoque une satisfaction chez les insatisfaits. Celui qu’utilisent les fous de guerre est d’une nature satanique et démentielle.
A propos de terre  brûlée, savez- vous qu’il existe des oiseaux pyromanes plus dangereux que les pyromanes marchant sur deux pattes chaussées . Le milan noir et le faucon de feu sont les  plus incendiaires des créatures ailées. Un de leurs derniers maléfices est la mise en flammes  de la grande forêt australienne qui a eu comme conséquence désastreuse,  la calcination de milliers d’espèces animales et végétales. La faune et la flore ont été carbonisées. Ces oiseaux maléfiques  ramassent des brindilles enflammées et les jettent là où  ils espèrent débusquer  les proies en brûlant les branches qui cachent  le sol, vu du ciel. La forêt amazonienne a connu le même phénomène dévastateur. Il faudrait peut être apprivoiser ces oiseaux sauvages pour réduire les dégâts. Mais avant d’apprivoiser, il faudrait les attraper, là le hic.   
Revenons aux infatigables coureurs derrière la fortune,  pour signaler que l’argent en grande quantité rend fou. Le manque rend malade. Comme métal luisant, l’or a fait perdre la cervelle à plus d’un chercheur de pépites. Le film de John Huston « Le Trésor de la Siera Madre »,  en relate le penchement pathologique. Ceux qui ont tendance à fourrer le bizness dans la politique sont des types malins, mais leur malice ne va pas trop loin,  car expérimentalement les affaires privées et les affaires publiques ne peuvent être logées à la même enseigne. Ainsi, si on posait la question  suivante au commun  des mortels : « Si vous aviez une grosse fortune, feriez-vous de la politique ? »  Majoritairement les réponses seraient : « non ». Par contre la minorité de ceux qui craignent de la perdre, diraient : « oui »  pour sécuriser cette fortune et la décupler, quitte à employer des méthodes peu orthodoxes. Quant au bonheur il ne s’achète pas.
Disons-le en toute véracité, il n’y a pas de vie heureuse continûment et indéfiniment. Le mal et la douleur s’intercalent pour troubler la quiétude. A un moment  ou à un autre, on voit le ciel s’obscurcir. Des nuages gris voilent la face rieuse de l’azur.
Ceux qui veulent artificiellement prolonger les moments de bonheur, en comptant sur l’argent accumulé  n’usent pas du bon raccourci, car le mal transcende les richesses. Qu’est-ce qui va les aider à éviter les maladies et les dérèglements intempestifs  de la santé ? Y a-t-il un malade heureux ?
Au chapitre des migraines, on peut sentir, par delà le malaise causé par la maladie, un zeste de santé, une accalmie qui marque le coup d’arrêt. La morbidité physiologique endogène peut être traversée par un éclair de bien être exogène, afin d’édulcorer homogénéité sentimentale.
 Enfin, si l’âme est le principe de vie le plus communément admis, la psyché en est le colorant révélateur. Entre le clair et  le gris bifurquent l’odyssée  humaine. 
Si les gens fortunés savaient tout ce  qu’on disait d’eux,  ils seraient largués dans un deuil inconsolable. Idem pour ceux qui s’approprient pouvoir et argent dans une simultanéité perverse. Ainsi, poussant la caricature jusqu’à l’insolence les youtubeurs débridés, en font leurs  guignols. Certains nantis auraient souhaité naître pauvres mais aimés, plutôt que de naître riches mais haïs par la populace. Ils auraient souhaité être  des loosers plutôt que des gagneurs à tous les coups, tant que  tous les atouts sont de leur côté. Ça fait des envieux.  Pourtant, le remède est si simple : se débarrasser du magot en excès, en le distribuant aux nécessiteux ou l’employer dans une bonne action. Cette démarche salutaire pourrait éteindre l’incendiaire jalousie collective. Quiconque ne  parvenant pas à souscrire  à cette vision reste enchaîné à sa richesse. Il passe son temps à considérer les moyens de la sauvegarder. S’il ne fait pas confiance aux banques, il passe chaque nuit à compter ses sous dans l’angoisse, en faisant et  refaisant le calcul. Il dort mal malgré le confort et il mange mal malgré l’opulence. Même en l’exportant  aux paradis fiscaux, cette richesse reste sa hantise, car en fin de compte, la possession aurait pris le dessus sur le possesseur, en faisant de lui  un possédé. Socrate disait que l’homme le plus riche du monde est celui qui n’a pas de besoins. Diogène a appliqué ce précieux théorème pour résoudre l’équation de sa vie. Un tonneau vaut mieux que mille châteaux.

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