Feuillet littéraire et philosophique :
Quand la possession devient une
hantise
Par RAZAK
Si l’eau chaude devient tiède en se
mélangeant avec de l’eau froide et si le sucré devient moins sucré avec les substances
neutres, la bravoure ne peut être diluée
dans la lâcheté et la couardise. La probité ne peut être mêlée à la cupidité et
à la vanité. Le juste milieu et la juste mesure que professaient les sages antiques
semblent, de nous jours, une chimère, une utopie. C’est la loi des extrêmes qui
prévaut. La loi du plus riche, du plus fort et du plus influent étend son
spectre morbide. Tu es riche, dans ce cas tu peux faire ce que tu veux dans l’impunité,
puisque par les temps malsains qui courent, tu peux acheter ton innocence après
l’énième forfait commis. Les pédophiles notoires
qui échappent au filet de la justice le
doivent à la complicité de ceux qui les soutiennent dans
les coulisses et à la cupidité de ceux qui prétendent veiller sur cette
misérable justice. Sous d’autres cieux le viol d’une mineure conduit à la chaise électrique. Ce qui complique les
choses c’est de fourrer le sexe dans la diplomatie. Qu’une ambassade se porte
garante envers un justiciable coupable d’avoir violé une mineure et qui n’est
ni consul, ni vice-consul, c’est une première dans les annales diplomatiques.
Une gourde qui ferait grincer les dents au philosophe contestataire Onfray qui a dit : « La
diplomatie, c’est faire primer le cerveau sur les testicules ».
L’argent des magouilles rend cette diplomatie pubienne
plus merdique. Là, on revient constamment aux dilemmes de la fortune vis-à-vis de la loi.
L’atermoiement dans le jugement de certaines affaires à gros scandale laisse
planer beaucoup de doutes. Quant aux journalistes qui dérangent, ils sont jugés
avant d’être déférés devant le tribunal. On ne leur accorde aucun sursis.
Si tu es pauvre,
ton cas sera pire. Tu devras subir les affres combinées de la pauvreté et de l’injustice.
Si par delà le leurre tu te mets à rouspéter on te tabassera. Si tu critiques l’establishment, on
te fermera le bec et on te bouclera, pour un rien. Ce ne sont pas les motifs
qui manquent pour une justice expéditive tirée par les cheveux.
Au luxe bourgeois des nantis s’oppose la misère criarde
des laissés pour compte. Les frontières entre « être » et « ne pas être » se sont éloignées dramatiquement.
Rectifions ces préceptes shakespeariens, à la lumière de ce qu’on vit : « Être »,
c’est avoir des biens en surplus, « ne pas être », c’est n’avoir rien
de tout ce qui fait la différence. Celui qui a le plus de titres fonciers est
le véritable maître des lieux. S’il dit « mon pays », il a raison de
le scander haut et fort car « mon pays » rime avec « la
terre que je possède ». Il en a le titre foncier assermenté par le notaire. Quand l’immobilier
atteint un certain volume, le « mon pays » devient « mon
pays » au carré (au sens arithmétique). Car aux parcelles, s’ajoutent les bâtiments
érigés.
Mais au-delà de « mon pays » au carré, il
y a les directives de la banque mondiale
qui supplantent et conditionnent tout. Soucieuse de récupérer sa dette, elle impose
ses recommandations et consignes aux pays endettés, dont la privatisation est la pierre angulaire, (pierre
d’achoppement pour les emprunteurs). Il faut privatiser les entités
budgétivores. Conséquence: les services publics de santé et d’éducation se rétrécissement lamentablement,
comme une peau de chagrin. Les malheurs de ceux qui n’ont rien sont décuplés.
Aucun dieu ne répondra à leurs doléances, parce que les demi-dieux de la terre les ont jetés hors des périphéries. Les Zeus et Poséidon du nouveau
millénaire, réunis en caste dominante et immunisée, occupent le centre de commandement. Pour les pays
du tiers-monde c’est la banque mondiale qui occupe ce poste. Ses simples insinuations
même les plus insignifiantes sont des désidératas
et des ordres. Il faudrait un tsunami d’une autre nature pour reformuler les choses.
Même travailler avec un rythme
inédit ne suffit pas, car le chômage lui
entrave la progression et le favoritisme en déprave le processus. Dans les Etats qui se respectent, c’est la voie
laborieuse qui aide les pauvres à changer de condition et à assurer une régulation
sociétale sur la base de ce qu’on a comme talent, compétences et aptitudes. Dans
les pays sous-développés où le tribalisme est saillant, c’est l’appartenance
ethnique qui régit les rouages.
Mais quand les écarts entre les plus riches et les
plus pauvres atteignent des proportions inouïes, il y a risque de faire chuter tout
le substrat sociétal de haut en bas, par déstabilisation statique. La RDM sur
laquelle les ingénieurs en béton armé misent pour consolider les structures ne
peut rien faire contre ce déficit de cohésion. Si de tels phénomènes impromptus
se produisent, les plus riches souffriront davantage, car leurs précieux biens
les accompagneront dans le mouvement de chute. Quant aux pauvres, ils se
réjouiront d’une égalité revancharde, imposée par les circonstances atténuantes
et exténuantes. On peut dire sans risque d’être
contrarié, que c’est le seul cas où
le principe de la « terre brûlée » provoque une satisfaction chez les
insatisfaits. Celui qu’utilisent les fous de guerre est d’une nature satanique
et démentielle.
A propos de terre
brûlée, savez- vous qu’il existe des oiseaux pyromanes plus dangereux
que les pyromanes marchant sur deux pattes chaussées . Le milan noir et le faucon de feu
sont les plus incendiaires des créatures
ailées. Un de leurs derniers maléfices est la mise en flammes de la grande forêt australienne qui a eu
comme conséquence désastreuse, la
calcination de milliers d’espèces animales et végétales. La faune et la flore
ont été carbonisées. Ces oiseaux maléfiques ramassent des brindilles enflammées et les
jettent là où ils espèrent
débusquer les proies en brûlant les branches
qui cachent le sol, vu du ciel. La forêt
amazonienne a connu le même phénomène dévastateur. Il faudrait peut être apprivoiser
ces oiseaux sauvages pour réduire les dégâts. Mais avant d’apprivoiser, il
faudrait les attraper, là le hic.
Revenons aux infatigables
coureurs derrière la fortune, pour
signaler que l’argent en grande quantité rend fou. Le manque rend malade. Comme
métal luisant, l’or a fait perdre la cervelle à plus d’un chercheur de pépites.
Le film de John Huston « Le Trésor de la Siera Madre », en relate le penchement pathologique. Ceux
qui ont tendance à fourrer le bizness dans la politique sont des types malins, mais
leur malice ne va pas trop loin, car expérimentalement
les affaires privées et les affaires publiques ne peuvent être
logées à la même enseigne. Ainsi, si on posait la question suivante au commun des mortels : « Si
vous aviez une grosse fortune, feriez-vous de la politique ? » Majoritairement les réponses seraient :
« non ». Par contre la minorité de ceux qui craignent de la perdre,
diraient : « oui » pour
sécuriser cette fortune et la décupler, quitte à employer des méthodes peu
orthodoxes. Quant au bonheur il ne s’achète pas.
Disons-le en toute véracité, il n’y a pas de vie
heureuse continûment et indéfiniment. Le mal et la douleur s’intercalent pour
troubler la quiétude. A un moment ou à
un autre, on voit le ciel s’obscurcir. Des nuages gris voilent la face rieuse de l’azur.
Ceux qui veulent artificiellement prolonger les moments
de bonheur, en comptant sur l’argent accumulé n’usent pas du bon raccourci, car le mal transcende
les richesses. Qu’est-ce qui va les aider à éviter les maladies et les dérèglements
intempestifs de la santé ? Y a-t-il
un malade heureux ?
Au chapitre des migraines, on peut sentir, par delà
le malaise causé par la maladie, un zeste de santé, une accalmie qui marque le
coup d’arrêt. La morbidité physiologique endogène peut être traversée par un
éclair de bien être exogène, afin d’édulcorer homogénéité sentimentale.
Enfin, si
l’âme est le principe de vie le plus communément admis, la psyché en est le
colorant révélateur. Entre le clair et
le gris bifurquent l’odyssée
humaine.
Si les gens fortunés savaient tout ce qu’on disait d’eux, ils seraient largués dans un deuil inconsolable.
Idem pour ceux qui s’approprient pouvoir et argent dans une simultanéité
perverse. Ainsi, poussant la caricature jusqu’à l’insolence les youtubeurs débridés,
en font leurs guignols. Certains nantis
auraient souhaité naître pauvres mais aimés, plutôt que de naître riches mais haïs
par la populace. Ils auraient souhaité être
des loosers plutôt que des gagneurs à tous les coups, tant que tous les atouts sont de leur côté. Ça fait
des envieux. Pourtant, le remède est si simple :
se débarrasser du magot en excès, en le distribuant aux nécessiteux ou
l’employer dans une bonne action. Cette démarche salutaire pourrait éteindre l’incendiaire
jalousie collective. Quiconque ne parvenant
pas à souscrire à cette vision reste
enchaîné à sa richesse. Il passe son temps à considérer les moyens de la
sauvegarder. S’il ne fait pas confiance aux banques, il passe chaque nuit à
compter ses sous dans l’angoisse, en faisant et refaisant le calcul. Il dort mal malgré le
confort et il mange mal malgré l’opulence. Même en l’exportant aux paradis fiscaux, cette richesse reste sa
hantise, car en fin de compte, la possession aurait pris le dessus sur le possesseur,
en faisant de lui un possédé. Socrate
disait que l’homme le plus riche du monde est celui qui n’a pas de besoins.
Diogène a appliqué ce précieux théorème pour résoudre l’équation de sa vie. Un
tonneau vaut mieux que mille châteaux.
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