Web-Chronique de Razak
Triste époque ! On ne donne plus au temps le temps de mûrir les choses. Tellement pressé, l'homme veut toujours courir plus vite que son ombre. Il oublie que c'est le soleil qui en décide. Autrefois, on s'extasiait du cliché Polaroid et de son instantanéité photographique. C'était une prouesse qui surclassait le travail lent et patient du peintre-portraitiste. Les mains de ce dernier étaient tellement occupées, qu'il oubliait de se raser la figure. Son hobby l'absorbait. Barbe rimait avec peinture, comme bière rimait avec marin. Polaroid allait devenir le selfie qu'exhibent les M'as-tu-vu d'aujourd'hui avec vanité.
Les images fixes avaient déblayé le terrain au cinéma. Le parlant succédait au cinéma muet qui avait à cette époque, ses joyaux et ses joualliers. Chaplin en fut un des plus inventifs. La couleur ajoutait au noir et blanc une teinte réaliste. La quadrichromie paracheva la gamme. Elle devenait fantaisiste avec les faiseurs d'images ayant une inclination exacerbée pour la science-fiction.
Parallèlement, l'acoustique connut un essor considérable grâce à l'introduction de nouveaux instruments sonores. La musique synthé bousculait la musique traditionnelle , née du contact du violon avec l'archet. Progressivement, les instruments cordophones cèdaient la place aux puces électroniques, qui pour la première fois, se mettaient à chanter. Même dans les musiques où les quadruples-croches peuplaient la partition, comme la musique arabe et la musique indienne, en avaient accepté l'usage et le métissage. Leur orchestration s'était avérée fructueuse, malgré le refus des puristes. Ces puces électroniques allaient bouffer de nombreux instruments , comme le Kanoun (harpe orientale) , l'Oud ( le luth) et le Nay (flûte) . Un synthétiseur pouvait exécuter les tâches musicales de tout un orchestre , du percussionniste au trompettiste. C'était ainsi que la musique psychédélique était née. Si elle avait plu à la jeunesse en quête d'évasion, elle avait déplu aux parents , qui y voyaient une source de déviation, car la drogue s'accommodaient avec ce genre de musique. Des groupes mal ou bien constitués y avaient bâti leur célébrité trans-planétaire , en monopolisant pendant un certain temps, l'industrie discographique. C'était la première fois que la musique-pop commençait à répandre de l'odeur. Celle de l'herbe qui donnait le vertige. La classe moyenne était la plus visée. Quant au Reggae, la classe des paupérises voyait à travers l'apparition des Rastas , une secte de gourous à suivre même en enfer.
Le pionnier du genre est mort, mais ses adeptes s'en remémorent rituellement. Les tresses de chevelure Rasta font partie du paysage urbain. Il avait fallu du temps pour imposer ce style de musique.
L'art où la vitesse de création avait pu creuser son sillon sans encombres, c'était l'art sculptural. Parfois , c'était le hasard newtonien qui précédait la trouvaille , dans d'autres situations, c'était l'idée qui comptait plus que l'oeuvre. Ainsi, Marcel Duchamp le "renverseur d' urinoirs" et Cezar le "tasseur-compresseur" de livres croyaient jeter aux calendes grecques Rodin et ses disciples, mais leur manège n'avait pas fait long feu. Pourquoi ? Parce que le vite-dit et le vite-fait (ready-made) avaient et ont toujours, un défaut inguérissable: ils font partie du jetable après usage, comme les rasoirs après rasage. La carence du temps nécessaire à leur maturité les a condamnés à cette courte longévité. Tous ces sobriquets agencés furtivement portaient les stigmates de l'art éphémère. L'éclat de l'instant butait contre l'exigence de la durée.
Le présent nous apprend un tas de révélations et de constats. Nombreuses sont les initiatives tombées en désuétude. L'effort qui donne à l'art de la noblesse a horreur de la précipitation. Le tourbillon de la vitesse est de nature cyclonique . Seuls, les objets lourds y résistent.
Quand on se fatigue on fait recours aux machines. Mais la robotisation a le revers désagréable de favoriser la paresse. Entre l'euphorie physique et la passivité contre-productive, il fallait faire attention aux caprices de la machine et surtout se remémorer en toute circonstance , qu'un muscle qui ne travaille pas s'atrophie.
Aujourd'hui , il est désolant de constater que la vue l'emporte sur l'action. On est plus spectateur que joueur, plus oculaire que musculaire et plus passif que réactif. L'immobilité empoisonne le corps. Elle provoque l'obésité. Rester 10 heures devant la télé ou devant une console peut porter préjudice aux enfants en phase de croissance . Il y a deux risques majeurs : la dégradation prématurée des cellules visuelles par les megapixels et mauvaise circulation du sang . Ceux qui auront du surpoids auront des difficultés à dissiper les kilos excédentaires .
Un parent averti avait deux . Quant aux pressés de l'art , il est temps de régler la montre et laisser au temps le temps d'injecter son durable parfum.