Ainsi parla Laâlej au sein du FIFM
Par RAZAK
Le FIFM, un des festivals de cinéma les plus budgétivores du
Maghreb est actuellement à l’arrêt. Provisoire ou définitif ? Seul le
futur nous le dira. Un prédicateur proche de la fondation qui le finance
continue à rêver d’une résurrection sous d’autres allures et parures, pour
perpétuer le profit. On est passé de l’euphorie du nouveau-né, à la désolation
de l’homme d’affaires ruiné. La chute était prévisible, car l’effusion des sommes
d’argent allouées à son organisation a atteint le seuil de l’inadmissible, sans
pour autant récolter les plus-values escomptées, exaucer les vœux et promesses.
Pourtant , on aurait pu rectifier le tir et réparer , en
temps opportun, pas mal de dysfonctionnements révélés par les critiques
intègres, dont les plus débonnaires préféraient dormir dans un hôtel modeste de
l’ancienne médina , la nuitée payée de leur poche, que de faire les
pique-assiettes bourgeois dans un grand palace de Marrakech , avec les festins
gargantuesques sous-jacents, payés par les organisateurs .
Si on avait la perméabilité enchanteresse d’écouter ce que disaient, à bon escient, ces diseurs de bonne vérité et dont personne ne voulait, on n’en serait pas arrivé là. ( lire nos articles intitulés respectivement : « Les FAFM du FIFM », « Les Eros, Pathos et Dionysos du FIFM », et « Le festival de Marrakech, l’être et le paraître ». )
C’étaient enfin cette ruée cabalistique dans une gestion
hasardeuse et bicéphale et puis cette fuite en avant qui avaient mené à
l’impasse. Maintenant, l’ère semble enfin venue de tout révéler et tout dire,
sans avoir froid aux yeux, puisque par bonheur, un esprit critique et
débonnaire anime le sommet de l’Etat. C’est bon signe. Mieux vaut tard que
jamais. Ce que l’on souhaiterait, ce serait d’aller jusqu’au bout dans cette
purge salutaire. Il y a beaucoup de bras cassés et de fainéants qui attendent
le coup de balai salvateur.
Ainsi, en rendant hommage à la méga-star indienne Amitabh Bachchan
( Mamounia 2003 ) nous voulions apporter notre pierre à l’édifice et surtout
insister qu’à Marrakech, ville hindiphile jusqu’à la moelle , un festival
international sans le cinéma indien, serait une myopie socioculturelle . On
avait compris le message : on avait invité toutes les stars indiennes que
l’on avait évoquées dans nos chroniques cinématographiques ( Chah Rukh Khan,
Hrithik Roshan, Aichwarya Rai, Madhurit Dixit , Priyanka Chopra , Farah Khan …
) , mais de manière absurde et irrévérencieuse , on nous avait empêché de les
rencontrer , pour leur offrir une copie de notre livre sur le cinéma indien
intitulé : « Le Cinéma indien entre Nirvana et Navarasas » et
dont des exemplaires sont déposés à la Bibliothèque Nationale . Où est la
galanterie que le festival était sensé mettre en partage et favoriser ?
Pour rapprocher davantage les acteurs et comédiens marocains de
leurs homologues indous , nous avions fait au sein du FIFM-2006 un travail
exceptionnel, bénévolement et dans l’enthousiasme le plus magnanime, moi en
tant que chroniqueur bloggeur et Essafi Khammar en tant que photographe. Un
autre cinéphile de la SNRT, se sentant marginalisé par sa direction, s’était
joint à notre duo. Parlant l’anglais, il avait participé à la rencontre amicale
avec la délégation indienne qui comprenait entre autres : le réalisateur Vishal Bhardwaj (Omhara ) et le scénariste Robin Bhatt. Nous avions interviewé
les comédiens marocains les plus en vue. Ils étaient presque tous des
hindiphiles, chose qui prouvait que l’on ne s’était pas trompé ni de vision ni
de pronostic. Essafi a immortalisé ces moments insolites avec des clichés d’une
rare préciosité. Hélas, bon nombre d’artistes interviewés sont morts.
(Hassan Skali, Tayeb Laâlej, Afifi et tout récemment Abdellah Chakroune… ).
Dans les archives conservées par ce photographe d’art , on trouve des traces
sonores où Afifi chante en hindi et où Tayeb Laâlej, Habiba Madkouri, Abdellah
Chakroune , Nabil Lahlou et Brahim Essaih (le père du doublage des films hindis
) disent ce qu’ils n’ont jamais confié à personne .
Nous leur rendons hommage tous, à travers cet extrait de la
causerie avec le défunt Tayeb Laâlej : « Si vous voulez que les gens vous
aiment et disent du bien de vous, alors mourrez, pour qu’ils vous célèbrent
cérémonieusement. Les gens adorent les morts et détestent les
nouveau-nés. »