Tuesday, November 28, 2017

Chevaux de torture Par RAZAK. (article paru dans le journal L'Opinion )


Chevaux de torture
Par RAZAK

Quel est le quadrupède le plus torturé par les peintres marocains qui ne savent pas dessiner ? D’aucuns me diraient à la hâte: l’âne. Cette pauvre créature a toujours été prise pour ce qu’elle n’est pas. Comme un galérien, ce souffre-douleur encaisse les coups sans dire Ah. Pourtant, Enguidanos, le peintre espagnol qui s’inspirait de la réalité marocaine,  en avait immortalisé de jolis clichés for plaisants.
Le quadrupède en question n’est autre que le cheval. Cela pourrait paraître paradoxal, mais c’est la vérité. Hormis quelques  peintres qui maitrisent le dessin, et qui se comptent sur les doigts d’une seule main, les carences en matière de croquis anatomistes  sont criardes au Maroc. Charcuté, défiguré, amoindri,  le cheval arabe, autrefois si vénéré par les peintres orientalistes, comme Théodore Chassériau et Delacroix, est au plus bas niveau iconologique de son histoire. Les peintres pressés qui veulent gagner plus d’argent  en fournissant moins d’efforts, aidés par des  trafiquants  de tous acabits  et mis  sur le devant de la scène médiatique  par les criticaillons   n'écrivant que sur commande,  ont  perverti la scène artistique. Les séances  de vente aux enchères d’objets dits d’antiquité organisées  à Casablanca sont devenues le fief tout indiqué  d’un banditisme vorace. Tous les trafiquants d’œuvres truquées ou volés s’y retrouvent, avec l’envie déclarée de duper les gens. Ces ventes  organisées presque dans l’anonymat  nous  ont prouvé, dès leur lancement, qu’il y a anguille sous roche. Certes, il y a des amateurs d'art au delà de tout soupçon, qui viennent par curiosité voir ce qui se passe. Mais,  il y a beaucoup de vrais faux tableaux de  faussaires et de plagiaires pour qu'ils puissent séparer l'ivraie de la bonne graine. Mais nul n’ose dénoncer la mascarade. Ce qui étonne le plus, c’est le  silence complice du ministère de tutelle qui pourtant nous dit-on a pour tâche publique, de préserver le patrimoine culturel. Le patrimoine pictural marocain subit une campagne de falsification sans précédent, mais on laisse faire, comme si les pouvoirs publics étaient impuissants à redresser la situation. Les samsaras aidés par des courtiers incultes (on n’ose dire collectionneurs, car sous d’autres cieux  bénis par les muses de l’art, ces derniers ont  une certaine déontologie à faire valoir) ont tissé  des  réseaux maffieux vivant du trafic d’œuvres volées  et des gribouillis de pseudo-peintres. L’intervention du  fisc et de la perception est devenue une urgence d’une nécessité absolue, car cela permettrait de contrôler les transactions. Il est anormal que des smicards paient l’Impôt Général sur le Revenu (IGR), alors  que des gribouilleurs et des  trafiquants sans scrupule en soient exonérés. On ne compte plus les tentatives ratées de transposer correctement la "Beiaâ" (cérémonie d’allégeance) . N'est pas Léonard de Vinci qui veut.
Charcutés  désastreusement et caricaturés à l’extrême, ces  lavis d'une valeur artistique nulle  sont une honte pour la culture marocaine  et là on retrouve,  comme par malédiction,  le cheval dans ses figurations les plus repoussantes et les plus sordides.
Ainsi, si dans ’’Guernica’’, l’œuvre historique de Picasso, le cheval apparait dans un graphisme qui hurle de cruauté, c’est parce que la démarche historico-picturale a été dictée par les circonstances tragiques de la guerre civile. Mais en temps paix, ce quadrupède mérite d’être apprécié à sa juste valeur. Le cheval en plein galop est  d’une beauté extraordinaire, mais  on en a fait une monstruosité obscène, à force de peinturlurer à gauche et à droite. Dommage! Au pays du chevaleresque  Tarik ibn Zyad, le descendant d’Al Boraq devient rachitique. Il mérite mieux.
 


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