Ciné-tournages nuisibles
Par RAZAK
Dans le film « Allan Qurtermain et la cité de l’or
perdu » de Gary Nelson, l’acteur marocain Larbi Doghmi porte de longues
cornes et se vêtit en homme de caverne. Il casse des pierres avec sa tête. Dans
« Body of lies » du revenant Ridley Scott, qui, durant le tournage à Rabat
et à Salé avait bénéficié de facilités exceptionnelles, on découvre une image
dégradante, tant du Maroc que des Marocains. Dans une séquence de ce film
d’espionnage anti-arabe, un des protagonistes principaux dit à son
compagnon : « nous voilà retournés à la civilisation ». Il parle
des États-Unis évidemment. Dans le film de Dick Richards « Il était une
fois …la légion » on décrit les berbères comme des Amérindiens,
c’est-à-dire des Apaches. Par bonheur ou par damnation, ces deux films tournés
au Maroc n’ont pas marché au box-office. Il sont passés inaperçus. Il n’en
reste que le geste de trahison. Il en est de même pour d’autres
superproductions américaines ayant reçu l’aval du CCM. On trouve les mêmes
clichés dévalorisants et les mêmes inepties. Les responsables qui se sont
succédés à la tête de ce centre de cinématographie, si décrié par la critique
intègre ne pensent qu’à l’argent. Après la fermeture tragique des salles de
cinéma et la réduction dramatique du nombre annuel d’entrées, (un déclin dont
le centre endosse la responsabilité), on focalise maintenant sur les tournages
étrangers où la concurrence est devenue très sévère. Ces tournages ne sont pas
tous « clean » et irréprochables. Il y en a de plus décevants et de
plus provoquants. Le cinéma de l’honneur tarde à apparaitre, puisque, malgré le
honteux traitement imagé que l’on réserve aux habitants de ce pays à la
civilisation millénaire, tous les tournages qui ont été refusés dans d’autres
pays trouvent bon accueil au Maroc, comme si on avait affaire à des apatrides,
sans passé et sans avenir. On oublie qu’avant l’art, il y a la dignité.
L’honneur et l’amour-propre passent avant toute chose. On est pour l’ouverture,
mais pas pour l’insulte. Ces seconds-rôles qui nuisent à la réputation du
Maroc, sont pires que les attentats terroristes commis par des originaires de
ce pays paradoxal, qui accueille bien les étrangers et néglige ceux qui y sont
nés. La puissance de l’image est indétournable. Préoccupée plus par les
festivals budgétivores et inutiles que par la bonne gestion des affaires
cinématographiques, cette institution publique n’a trouvé comme ultime
subterfuge pour sauver la face, que de consacrer une part du fonds d’aide
destiné initialement aux Marocains, aux tournages étrangers, comme si les
producteurs américains et autres en avaient besoin. Il y a de quoi se flinguer.
Les critiques intègres avaient beau signaler, à bon escient, les
dérapages et dysfonctionnements du centre de ’’masticage et de cérémonies’’
(titre d’une ancienne chronique humoristique), en vain. On les prenait pour des
rabat-joie invétérés, qui aboyaient sur une caravane immobile.
Les films étrangers tournés au Maroc et qui véhiculent une image
négative de ses habitants sont légion. Avec leurs titres on peut constituer un
annuaire. Les Mexicains, quant à eux, avaient fait preuve d’une vigilance
remarquable, en imposant aux gringos américains certaines restrictions
préalables, dans le but de préserver leur dignité. Pour le tournage du film ’’
Les Sept Mercenaires ’’, ( version western du film culte ’’Les Sept Samouraïs’’
de Kurosawa ) ils avaient dû rectifier de nombreuses pages du scénario initial.
Est-ce que le CCM pourrait imposer ce « droit de regard » aux faiseurs
d’image étrangers, dont on sait qu’une bonne partie est mal intentionnée ?
Il faut beaucoup de bravoure pour vaincre la cupidité. Cela risque de faire
fuir les « pris au piège ». Donc pas de sursaut salutaire à attendre de ce
branle-bas juridico-économique, incongru et bizarroïde.
Dans un pays où tout semble galvaudé à outrance, il faut
s’attendre à toutes les monstruosités imaginables, car malgré les décennies
écoulées, de tâtonnement et d’errance cinématographique, on n’a pas trouvé
« the right man for the right place ». Une de ces monstruosités qui
vexent l’œil et l’ouïe s’appelle (tenez-vous bien) « festival international du
film de femmes de Salé ». Nous sommes les seuls à inventer de tels sobriquets
langagiers. « Film de femmes de Salé », cette difformité sémantique
provoque le fou rire. Comme si les longs métrages que l’on projetait ne
comportaient, de A à Z, et exclusivement, que des femmes, du caméraman au chef
monteur, en passant par les autres collaborateurs de création cinématographique
(accessoiristes, ingénieur de son, perchman, …). Bref, un film où tout est 100
% féminin n’est pas cinématographique, il est soit pornographique, soit
ségrégationniste et un festival qui se base sur de tels simulacres
propagandistes ne sert ni le 7e art, ni la culture qu’il est sensé
animer.
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