Jardin Majorelle : un succès phénoménal
Par RAZAK
Dans
la gamme des bleus, il y en a deux à porter la signature de leur
concepteur : le bleu d’Yves Klein (référence IKB pour International
Klein Blue) et
le bleu Majorelle. La labellisation du produit
réside dans le dosage pigmentaire. Les peintres professionnels savent en
faire la nuance chromatique. Le premier peintre créa le body art, avec la
complicité bienfaitrice de Pierre Restany et s’était rendu célèbre par ses
rhapsodies du bleu. Le second avait découvert le Maroc à une époque où l’Europe
était embrasée par la 1ère guerre mondiale. Majorelle n’était pas le seul
peintre orientaliste à s’installer au Maroc pendant le protectorat français.
Jean Baldoui et bien d’autres avaient fait de même. On rappellerait que
Baldoui avait succédé à Prosper Ricard à la tête de ce qu’on appelait à
l’époque le Service des Arts Indigences
Les
profanes qui veulent voir le bleu Majorelle n’ont qu’à aller visiter son jardin
où naguère il peignait et jardinait. Son atelier-manoir est devenu
actuellement un petit musée berbère où l’on trouve des spécimens de
l’artisanat local
Enfin,
Marrakech pourrait compter sur cet enclos de verdure, pour asseoir davantage sa
renommée touristique. Le tourisme culturel dont nous avons regretté l’indigence
(lire notre chronique du vendredi 15
février) y trouverait l’acquis qui dérogerait à la règle. La botanique y serait
un ingrédient de culturation de masse, puisque l’on se bouscule aux guichets de
la verdoyante enceinte. Les touristes étrangers sont plus nombreux que les
locaux, mais une fois entré à l’intérieur, on oublie le calvaire de
l’accès éclaboussé. Une autre aire d’eau et verdure
s’est ajoutée à l’ancien jardin, au grand plaisir de ses visiteurs. Le succès
est indéniable.
Il a
fallu un peu de providence pour en arriver là, car à un moment précis de son
histoire, le jardin avait failli périr sous les mâchoires de bulldozers, pour
le raser et y ériger des immeubles. Ce sont Pierre Bergé (mécène) et Yves Saint
Laurent (couturier) qui l’ont sauvé de la décrépitude en l’achetant et en le
remettant au goût du jour, en y apportant diverses espèces végétales et
plantes exotiques. Après le décès d’Yves Saint Laurent, son copropriétaire en
fit don à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent (sise à Paris) et
qui aura (à partir de 2011) à Marrakech une institution auxiliaire
reconnue officiellement au Maroc , comme une entité d’utilité
publique. En effet, domiciliée à Marrakech, la Fondation
Jardin Majorelle assure actuellement le fonctionnement du jardin, en veillant à
son maintien en état d’accueil. Il est non seulement bien entretenu, mais
on remarque que les cactus sont intacts, alors que les cactées qui
donnent comme fruits les figues de barbarie sont totalement
ravagées par on ne sait quel insecte destructeur et provenant d'on ne
sait quelle contrée maléfique. Un paysage apocalyptique désole la région située
entre Casablanca et Marrakech.
Vu
les carences culturelles précitées dans la précédente chronique, l’on souhaite,
que joignant l’utile à l’agréable, l’on rajoute à cet espace de verdure
une autre dimension, en accueillant des manifestations artistiques et
culturelles, afin d’exaucer les vœux des intellectuels et assouvir les désirs
des passionnés d’art pictural, de poésie et d’insolite. Les signes
avant-coureurs d’une telle relance sont déjà apparus et augurent de jours
meilleurs. L’esprit d’ouverture ferait le reste. Après l’expo-hommage dédié à
la photographe franco-marocaine Leila Alaoui , décédée des suites des
blessures de l'attentat de Ouagadougou, la fondation Majorelle a tendu le bras
amical à la fondation du FIFM , dans son comeback , en offrant son espace aux
projections de films. Si Megarama s’est retiré de la programmation de ce
festival, (sans doute à cause de l’éloignement géographique par rapport
au QG du festival), le jardin Majorelle prend la relève, de manière
spectaculaire.
Pourquoi
le richissime ministère des Habous qui dispose à Marrakech de nombreux
espaces et infrastructures à créer des envieux brille-il par son manque
d’inventivité ? Si les affaires du culte préoccupent tellement le
personnel, il serait utile et judicieux de concéder ces espaces au
ministère de la culture ou à la municipalité afin de les mettre, par
institution interposée, à la disposition des créateurs marocains et des
associations culturelles qui peinent à trouver une galerie ou un hall
pour exposer leurs tableaux ou leurs sculptures.
On ne
le répéterait qu’assez : à Marrakech la programmation culturelle laisse à
désirer. Les artistes proposent leur projet, mais ils ne trouvent pas de
répondant. Le ministère de la culture est, lui aussi, interpellé.
Pourquoi laisse- t-il le Palais el Badiâ et la Bahia en état de
dormance culturelle ? Il y a assez d’espaces pour créer une foultitude
d’événements retentissants, mais où est l’esprit inventif où est la manager qui
sait s’y prendre ? Pour les étiquettes, c’est la course Ben Johnson
- Carl Lewis. L’heure des purges a-t-elle sonné, pour chasser les
paresseux, les bras cassés et les pistonnés ?
Enfin,
les bureaucrates haut perchés dans leur tour d'ivoire n'ont qu'à faire un petit
saut pour voir comment de rien on a fait des merveilles.
RAZAK