Nous vivons une ère douteuse où culminent les paradoxes et où les numéros obscurs ont donné un coup fatal à la clarté de l’alphabet. Les chiffres fous ont volé la sémantique aux phrases bien construites. La pandémie en cours de propagation a imposé sa déroutante numérologie, comme l’astrologie ésotérique hallucine interminablement dans la sienne. Le zodiac du covid (la masculinisation de l’appellation est voulue. Le covid est plus percutant que la covid . C’est comme si on disait la spermatozoïde) appartient à une constellation bizarroïde. D’un côté, elle semble familière dans sa sinusoïdale courbe d’évolution, de l’autre, elle sombre dans l’énigmatique étrangeté, en cultivant la diversion et le faux-fuyant. Cette inconnue-connue a égaré plus d’un épidémiologiste. Les gens assistent au corona-circus, impuissants et déprimés. Dans ce spectacle morbide, les chiffres aventuriers se livrent à un exercice de voltigeur-trapéziste.
Le grand paradoxe dans cette affaire, c’est que, pour le moment, on connait le nom de famille du parasite, mais pas la nature exacte de l’hybride viral qui en émane. Le problème reste entier. Tous les autoproclamés covidologues pataugent dans le vide. Les plus aguerris gardent le silence et suivent instantanément la variabilité des mutations que le microorganisme donne à voir, via les lentilles de fort grossissement des microscopes. D’un génome à l’autre, le facétieux virus SDF joue à cache-cache. Hors des labos, il mène la vie dure aux humains. La peur est plus féroce que les atteintes. Les paranos que le psy-covid travaille de l’intérieur voient tout au surdimensionnement. Les pouvoirs sanitaro-sécuritaires, sur le pied de guerre, tentent l’impossible. Confinés ou dé-confinés, les gens constatent la frénésie des chiffres qui prennent la voie ascendante, malgré les mesures coercitives mises en application. Les sceptiques doutent de leur véracité. Les crédules appliquent les directives sans se poser trop de questions, puisque ce qui leur arrive, arrive à tout le monde.
«Sans les mass-médias le covid aurait passé pour une simple grippe», disent les réfractaires.
«Attendez voir», leur rétorquent les alarmistes. Ils pensent que ce n’est que le début et qu’il faut s’attendre au pire. Ils regrettent que les responsables n’aient pas bien réagi en amont, pour limiter les dégâts et qu’ils aient laissé traîner les choses en aval. Ils y ont accumulé trop de déboires et d’erreurs.
Les mathématiciens connaissent la différence entre l’ensemble ’’N’’ (nombres entiers naturels) et l’ensemble ’’D’’ (nombres décimaux), mais ils n’arrivent pas à déchiffrer l’arithmétique covidienne. Ses voies semblent impénétrables, à l’image des insaisissables fantômes qui l’ont béni. C’est un véritable casse-tête chinois où le corona-mètre se comporte comme une horloge dont, hélas, on ignore l’horloger. Elle sonne à chaque fois qu’un chiffre record est atteint. On en déduit le coefficient de létalité et on procède à sa comparaison avec ceux d’autrui. Quand ça culmine on re-confine, quitte à appliquer la force et malmener énergiquement les incrédules et ceux qui sont contre la doxa dominante et puis qui récusent la transformation du corona en arsenal répressif, mâtant les libertés individuelles et collectives, à tel point que dans les pays des droits de l’homme l’on assiste à un effacement progressif de la démocratie.
Même les obsèques et les rituels d’enterrement ont été affectés par le virus. Dans les cimetières brésiliens, on entasse les cadavres n’importe comment. Bientôt les fosses communes remplaceront les caveaux. En Inde les Hindous (secte majoritaire) brûlent leurs morts. On n’y verra, pendant et après la crémation, que la fumée, mais le corona-mètre n’arrête pas sa fatidique horlogerie.
Pour le moment, on ne connait pas le remède à cette épidémie transfrontalière et la disponibilité du vaccin demande du temps et beaucoup de garanties sanitaires. Il s’agit de la survie des humains.
Au pays de Pasteur et de Claude Bernard on voit flou. Un pessimisme intégral envahit les cénacles de la pensée médicale. On observe le même défaitisme dans les pays limitrophes complétant la structure hexagonale. Les chercheurs en virologie font profil bas. Celui ou celle qui trouvera la solution à l’énigme empotera le trophée de la reconnaissance unanime. Le prix Nobel ne sera qu’une récompense banale, par rapport aux acclamations populaires. La défaite face au coronavirus est avant tout une défaite de la médecine moderne. Il ne faut pas oublier le conflit d’intérêt né de l’enchevêtrement des fonctions et des prérogatives. De même, il ne faut pas compter sur les lobbys pharmaceutiques, car ce sont eux qui, alliés aux banques multinationales (par crédits lucratifs interposés) ont mis la santé publique entre les mains des spéculateurs capitalistes. La chasse au profit les rallie tous. L’omerta sur le sujet est on ne peut plus symptomatique.
« Les pauvres vont droit au mouroir », avions-écrit précédemment. Si une pépite médicale est trouvée, ces spéculateurs ne lâcheront le morceau de citron qu’après l’avoir vidé de son suc. L’homme-loup qui fourre son nez dans les affaires pharmaceutiques renifle la cupidité par tous les pores de son corps velu. Déjà, certains d’entre eux ont saisi la balle masquée en plein vol. Ils se sont enrichis dans la vente des masques et des stérilisants. Chacun peut faire le calcul en partant de cette donnée arithmétique : Chaque individu de la planète utilise 30 cache-becs par mois voire plus, si par maladresse il lui arrive d’abimer la muselière. Signalons que le lavage des masques les plus répandus les rend poreux et inefficaces. De même, les tests qui en principe devrait être généralisés et gratuits coutent les yeux de la tête. Et même si par générosité ou par devoir citoyen on décide la gratuité, qui accueillera les foules de cas positifs révélés par l’examen massif et avec quel outillage médical on les prendra en charge ? Même dans les pays riches l’infrastructure sanitaire destinée au commun des mortels laisse à désirer. Une tente caïdale ne peut pas répondre aux besoins de tous les demandeurs de lits respiratoires. En été, ce genre d’hôpitaux éphémères ne pose pas de problème, quand ils sont équipés du nécessaire. Mais en hiver, les malades qui s’y abriteront mourront plus de froid que du covid-19.
On est au premier tiers de l’automne et comme on s’y attendait le nombre de personnes à oxygéner grandit de jour en jour. Un re-confinement plus musclé se profile à horizon dans les pays les plus touchés. Mais la remise en cage familiale, avec les frustrations qu’elle entraine, sera-t-elle la solution idéale ?
RAZAK
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