A
quoi ça sert de changer de ministre, si on ne change pas les directeurs
départementaux ? Il y en a qui ont moisi dans leur poste de directeur, en accumulant les erreurs
et les abus. Les ministres déguerpissent
eux restent. L’alternance politique, si
alternance y a, doit assurer non seulement
le renouvellement des cadres de gestion, mais aussi de l’efficacité escomptée. La
routine n’a rien de neuf. Elle donne le
désespoir à ceux qui espèrent et de la poisse
à ceux qui rêvent d’un salutaire changeant de gouvernance.
Dans
les centres cultuels et instituts européens rattachés aux ambassades
accréditées à Rabat, on constate, non
sans satisfaction, cette dynamique. Le renouvellement des directeurs est presque systématique. Ce qui permet une
diversité des approches et une fraiche
variabilité au niveau du processus managérial. Lorsqu’une
administration est figée, cela se répercute négativement sur les rouages
internes et externes.
Comme
chacun sait, le domaine culturel est en
perpétuel devenir, car les arts qui en fortifient l’ossature en en embellissant la devanture, ne tolèrent ni la stagnation, ni la vue nostalgique du rétroviseur. Le présent est plus pressant
que le futur. Mais des fois, c’est l’inverse que se produit, notamment avec cette spectaculaire révolution
cybernétique où le plus rapide parmi les rapides se croit lent et dépassé par les
événements.
N’est-il
pas temps de faire une purge en profondeur, jusqu’à la racine pourrie , comme cela a été
énoncé en haut lieu et dont les premiers débuts commencent, fort
heureusement, à apparaitre, dans le
ministère le plus difficile à gérer, celui de l’intérieur, que d’aucuns accusent, à bon
ou mauvais escient, d’immobilisme et d’autoritarisme exacerbé ? Qu’attendent les autres ministères pour faire de même ? Si on n’est pas à
la hauteur de la mission, le mieux serait de présenter sa démission, avant que l’on y soit forcé. Les
défis de l’beure imposent de tels
impératifs de redressement.
Le
nouveau ministre de la culture et de l’information a du pain sur la planche. Avec les nouvelles prorogatives,
le changement des directeurs défaillants est non seulement un vœu, mais aussi une
nécessité absolue. La gabegie et le clientélisme ne connaissent pas de répit.
La lutte contre ces fléaux dévastateurs a souffert du manque de punch et de
rigueur. Son prédécesseur a négligé de s’y impliquer avec la fermeté du
ministre qui se sait sûr de ce qu’il doit faire. Etait-ce par politicaillerie pantouflarde ou par laisser-aller proche de la
fainéantise ? On n’en sait rien. Ses proches
collaborateurs résument son action dans l’institutionnalisation des procédures d’octroi d’aide à la création,
dans diverses disciplines (arts visuels, musique, théâtre …), mais ce n’est pas une originalité. C’est du
copier-coller. Soyons clairs et francs, est-ce que l’art a besoin de charité
ou de liberté pour s’épanouir ? Voilà
un thème qui mérite un large débat plus tranchant et plus tranché.
Faisons
remarquer, non sans regret, que depuis
que ces procédures importées d’ailleurs, sont
entrées en application, la
qualité artistique et le goût raffiné ont déguerpi, pour céder la place au
dégoût et à la platitude. Le système « lajnocratique » ( du mot
’’lajna’’ signifiant comité ) est
derrière cette récession défaitiste. Les bureaucrates n’ayant pas le profil
adéquat et qui ne savent pas gérer leur institution se servent de ces
commissions-artifices, dont nous ignorons toujours les critères de sélection et
d’éligibilité, pour se disculper des erreurs commises. Le plus souvent, ils imputent les bides et flops aux membres externes qui ont statué. Comme ça, et de manière
machiavélique, on épargne les bras cassés du service interne. Beaucoup d’argent
se perd dans les futilités et ce sont ces célèbres inconnus (
fonctionnaires cherchant un complément
de salaire) qui en profitent, puisqu’ils
sont grassement payés , pour leur lourdaude présence au sein de ces
fallacieuses commissions. Quant aux artistes, ils n’en tirent que du brouillard.
Pire, ils servent d’alibi à cette horde de profiteurs. Dans les listes mises
’’online’’ par le ministère, à la
rubrique ’’arts visuels’’ on trouve deux
imprimeurs-éditeurs et qui ont tellement de ressources pour demander de
l’aide à l’Etat , s’accaparent la part du lion du budget alloué. L’un de ces deux
bénéficiaires privilégiés imprime en deux langues , un magazine cloné sur la
célèbre Historia, sans en avoir l’érudition. Ce qui suppose la possibilité de
bénéficier de deux fonds d’aide : celui réservé à la presse et celui des arts visuels via les
monographies. Il y a surement quelque chose qui cloche. La commission qui en a
décidé, est-elle myope ou soudoyée ?
Pourquoi
préfère-t-on les bureaucrates aux journalistes intègres, notamment ceux qui
ont passé plus de trente années dans la rubrique culturelle ? Ils connaissent tous les
noms d’artistes et d’autres choses que ces administratifs, régis par un statut
liberticide et antiartistique ne peuvent pas connaitre. La réponse est
simple : on ne veut pas que les secrets du « tagine » interne soient
divulgués. La presse fait peur. D’où le recours aux enseignants, aux intrus et aux gens qui savent conjuguer les deux verbes :
manger et se taire.
Enfin,
quel a été le meilleur ministre de culture que la Maroc a connu depuis
indépendance ? La France, par exemple, pourrait se vanter d’avoir un ministre de la
culture de la carrure de Malraux. Un talentueux
écrivain et un gestionnaire habile, qui était admiré même par ses adversaires
politiques. Les sexagénaires pourraient dire : Mohamed Fassi , d’autres moins
âgés , préféreraient Allal Sinacer ,
malgré la courte durée qu’il a passée
au ministère. Cultivé et modeste, on lui doit un brillant colloque
international de philosophie où Jacques
Berque fut gratifié de tous les
hommages. D’autres, notamment les
Nordiques, diraient Benaissa. C’est ce dernier
qui a créé l’ISADAC, en partant
de presque rien et en choisissant l’homme qu’il faut pour le diriger. Il s’agit
d’Ahmed Badri. Tout récemment, des ex-étudiants de cette institution ont rendu
hommage à leur ex-directeur, mais on s’est trompé de personne. Ce sont
Bebaissa et Badri qui en sont
prioritaires, car ils sont de véritables baliseurs du désert. Les pionniers
valent mieux que les continuateurs.
On a
pris l’habitude de dire des vérités qui fâchent. Celle-là s’ajoute aux plus
anciennes. Ainsi, pour prouver qu’on n’est pas de ceux qui jonglent avec les
louanges, au profit de quelqu’un ou quelqu’une, de quelque rang qu’il (ou elle ) soit , on la complète avec cet
aveu pour en avoir le cœur net : Benaissa n’est pas mon ministre de la culture préféré, je n’ai jamais été invité à son controversé festival et durant
son mandat , mes billets critiques lui désagrégeaient l’humeur. Mais sur ce
point, uniquement ce point-là, il mériterait qu’on lui rende justice. Ahmed
Badri a, lui aussi, fait un travail
remarquable. La critique intègre est ainsi faite. Pas de quartier pour les
médiocres et que le plus talentueux gagne. C’est notre devise.
Est-ce
par hasard si, partant de rien et sans l’aide matérielle de qui que ce soit, le
prix transculturel que nous supervisons depuis 2005, dans l’oubli de soi et la
clarté a atteint sa douzième édition ? Bientôt le lauréat 2017 ( après Plantu, Ennio Morricone et Peter Brook
) sera révélé à la multitude. C’est grâce à ces nobles principes et à cette
précieuse devise que le cortège bouzghibien
(de Bouzghiba–Awards ) traverse les ans
dans la probité, et l’honneur , sans
céder à la tentation mercantiliste, qui a frelaté pas mal de cénacles et
souillé ce qui est beau en l’être humain : l’art de partager les émotions
et les idées lumineuses.
No comments:
Post a Comment