La cigale ne chante plus. Le corona a mis un bémol à son enthousiasme ancestral. Ses derniers bruits ont été entendus sur la terrasse d’un immeuble, quand le confinement avait atteint le trop-plein, au point de se muer en ultimatum liberticide paralysant tout. Un chant de désespoir mêlé aux larmes versées sur les disparus. Ceux et celles que le fléau a épargnés, ne serait-ce que momentanément, n’auront qu’à imiter les fourmis hibernales, si on veut limiter les dégâts. La fourmi confinée a plus de chance de durer qu’une cigale prise au dépourvu et déboussolée.
La grande leçon
de Maître Corona, c’est de nous
contraindre à nous limiter à l’essentiel vital et existentiel. Les projets extravagants
et les initiatives dispendieuses doivent se faire attendre, rien n’urge. Le
luxe vient après le végétatif. L’ordre logique est à respecter.
L’autre leçon à inculquer aux gens concerne l’hygiène individuelle et collective. Le covid-19 est un
maniaque de la propreté. Un méticuleux qui n’aime pas l’insalubrité de nos villes et la saleté de nos
bustes anatomiques. On a beau décrier les pourritures mises en vente dans les débits
de boisson de Marrakech et de Kenitra, mais il semblait qu’on parlait aux fantômes.
Maintenant, la remise à l’ordre des récalcitrants et des trafiquants, c’est
chose faite. Elle n’est pas le signe d’un sursaut salutaire de l’administration
centrale, mais une obligation d’extrême urgence, puisque c’est Corona-Damoclès qui l’a décidé triomphalement,
en brandissant son intransigeante épée. On doit le remercier, pour cette prouesse.
Comme problème épineux à résoudre, la
pédophilie a besoin d’un corona d’une autre
génétique.
Disons-le en
toute franchise, l’apparition de ce virus n’a pas que du mauvais. Cette propreté
légendaire imposée au commun des mortels et aux particuliers est une de ses
vertus. Et vu son importance, le chlore est devenu l’atome-roi. De toute la
garniture chimique du tableau de Mendeleïev
l’élément «cl» est le plus apprécié actuellement, malgré la
nocivité du gaz à des doses trop concentrées. Découvert par le suédois Carl Wilhem
et baptisé « chlore » par le britannique Humphry Davy,
ce corps chimique pourvu de capacités bactéricides phénoménales
entre dans la composition de nombreux désinfectants à commencer par l’eau
de javel. Les distributeurs d’eau potable et les ménages ne peuvent pas se
passer de ce précieux désinfectant et de ce puissant stérilisant. Le médicament
dont Raout, le viking marseillais, ne tarit pas d’éloge exhibe du « chloro » dans son appellation
scientifique. En effet, la formule brute de la chloroquine contient en plus du chlore, du carbone,
de l’hydrogène et de l’azote.
Que dire maintenant à un stade où le cycle covidien a pris place dans l’orbite épidémiologique
aux côtés des autres corpuscules de la constellation bio-virale ? La
familiarisation est devenue une nécessité absolue, étant donné que la ligne en
pointillé du début est devenue, elle aussi,
du gras souligné qui crève l’œil. Le « serial killer » vit en nos murs.
Cette familiarisation
impose son jargon spécifique. On peut parler de corona-mètre et de corona-stat comme les électriciens et les hydrauliciens parlent de voltmètre et de pressostat. La
montée en flèche des chiffres enregistrés, depuis le déclenchement de la
pandémie et leur constante évolution justifient le recours à cet arsenal de métrologie épidémiologique. Et
tant que la médecine moderne n’arrive
pas à y mettre un terme, il sera
l’étalon de prédilection. Ainsi, si le
corona-mètre mesure l’ampleur de la propagation, le corona-stat évalue la pression exercée sur
les citoyens du plus notable au plus ignoré.
Les musiciens et
les animateurs de soirées font
partie de cette dernière catégorie que le
« Ko–vid » a jetée sur
le pavé. (Le Ko dont s’orne cette formule est emprunté au jargon de la boxe).
Au Maroc, les mesures mises en vigueur par les autorités sanitaires ont eu des
répercussions néfastes sur les artistes
bohémiens. Certains musiciens ont
dû vendre leur instrument pour
subsister. Et comme un malheur ne vient jamais
seul, le ministère de tutelle a mis le
feu à la poudrière, en rendant publique la liste des chanteurs bénéficiant de
l’aide de l’Etat. De grosses sommes ont été distribuées à une minorité de
privilégiés par une commission controversée, brillant tant par son sectarisme que par sa
frivolité.
L’ire des mécontents grandit au sein de cette population
qui mérite un sort bien meilleur. Les plus lésés élèvent la voix pour réclamer le partage
équitable du don publique et le jugement des membres de la dite commission. Ce
ministère se cache derrière ces commissions qu’il a créées de toutes pièces, en
les manipulant à sa guise, puisque c’est lui
qui tire les ficelles dans les
coulisses. Ce serait un miracle si l’humoriste et chanteur de théâtre comique Ahmed
Senoussi (alias Bziz) profitait de ses
largesses. Mai cet artiste militant a vite compris le jeu. Il a pris ses
distances, pour éviter l’humiliation .
Feu docteur
Mahdi Elmandjra avait dénoncé la perversité
de ce qu’il appelait
« lajno-cratie » (du mot arabe ’’lajna’’ signifiant commission
) . Avec cet imbroglio bureaucratique , on ne sait plus qui décide. Tout
jugement doit commencer par les
manipulateurs avant les manipulés.
Nous avons dit et répété que l’artiste n’a besoin que
de liberté pour prospérer. Cette acception concerne les temps normaux. Les prébendes
rentières (charité publique) diminuent de son aura et sa popularité. La servilité
tue l’art. Seulement cette fois on peut faire exception à cette acception. En temps
de crise et de pandémie paralysante, on peut recourir à l’aide publique. Ceux
qui ont suivi la cigale dans son insouciance sans mener en parallèle un rituel de fourmi laborieuse sachant garder le rial blanc
pour le jour noir, sont menacés de mendicité et de famine.
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