Friday, June 06, 2008

Le Centre de Masticage et de Cérémonies (article d'archive)



Toute ressemblance avec des personnes publiques existantes ou ayant existé, mais ne pensant qu’à leur panse et au profit personnel, n’est pas fortuite. Toute allusion faite à des entités administratives déviées de leur objectif primordial ou fonctionnant en pilotage automatique n’est pas hasardeuse. C’est prémédité. En effet, le Centre de Masticage et de Cérémonies (CMC ) qui est devenu si célèbre par ses gargantuesques ragoûts bien épicés et qui fait du navet épluché le légume de prédilection , a besoin d’un auditeur assermenté pour assainir sa cuisine interne. L’auditeur dont il est question n’est pas celui qui a l’ouïe intacte et l’oreille fine, mais celui qui a pour tâche délicate d’auditer les rouages internes des institutions publiques budgétivores .Sa tâche est de dresser un bilan critique de la gestion globale et faire le diagnostic des finances engagées. Cet auditeur qu’on attend incessamment est déjà perçu comme le père fouettard. Sa venue serait précédée d’une paranoïa indicible car les Arsen Lupin des deniers publics redoutent son regard inquisiteur. Mais quand la rumeur d’une visite impromptue devient insistante, les administrateurs sachant mal administrer procèdent à un véritable remue-ménage cinématographique. L’on s’affaire à remédier aux petites défaillances et gommer les chiffres compromettants des rapports d'activité établis à la fin de chaque exercice. Quelques retouches d’apparat aux structures da façade, gel momentanée de certaines activités ou festivités à caractère mondain et dispendieux. Ce CMC vous dis-je a besoin d’un traitement radiographique pour voir le squelette des choses. D’ailleurs celui qui préside actuellement à la destinée de ce fameux CMC, navéphile jusqu’à la moelle, aime le suspense et l’intrique. Il faudrait un Hitchcock d’une espèce nouvelle pour démêler l’ivraie du bon grain. Son prédécesseur a accumulé une fortune colossale en exerçant les pouvoirs qui lui sont conférés dans des affaires privées. Mais le nouveau dirigeant ne s’y est pas appesanti pour déceler là où ça cloche. Il cherche à éviter les pépins car chacun a ses vices. Lui aussi n’est pas un ange. N’a-t-il pas a un faible pour les descendantes d’Eve malgré son faciès macabre. Là où on le place, il fait appel à ses concubines et ses amis pour profiter ensemble de la manne. Pourquoi s’en priver, puisqu’il n’y pas de contrôle efficient et la venue hypothétique de ce contrôleur pourrait ne pas produire l’effet salvateur escompté. Car les renards de la bureaucratie ne sont pas faciles à attraper. Au fil des ans, ils se sont organisés en réseau de mafieux . Ils se soutiennent même dans le tort . Dès que le nouveau patron a atterri dans ce secteur, les honnêtes travailleurs ont cru que la gabégie allait connaître son dernier jour , et qu’il allait nettoyer l’administration des vermines en jetant un regard (usons du jargon cinoche ) en contre -plongée sur les biens personnels entassés par certains administrateurs toujours en activité alors qu’ils n'étaient à leur recrutement que de simples employés n’arrivant à joindre les deux bouts que difficilement. Aussi, le personnel honnête avait espéré que le nouveau patron effectuasse un travail de cascadeur en plongeant courageusement dans les archives où se trouvent les dossiers dégageant l’odeur nauséabonde de la dépravation.
En voix off, il a écouté les doléances de certains agents marginalisés mais ces plaignants n’eurent pas gain de cause. Ils sortirent de son bureau doublement déçus. La vindicte s’abat sur eux. Les représailles les ont rendus plus marginalisés et déprimés.
A côté du CMC on a édifié un gigantesque musée culinaire. On y 'a englouti un budget astronomique , malheureusement , on n’y a rassemblé que des casseroles usagées et des barbecues torsadées . Comme il n’ y’ avait pas de visiteurs, on verrouilla les portes de cette Akhnatonnienne bâtisse.
Cet auditeur qu’on attend depuis toujours comme les Pozzo et Lucky de Becket attendaient Godot n’a pas encore pointé son nez. Si par miracle ce Mister Colombo apparaissait il aurait tout à démystifier. Il devrait être assisté par des hommes expérimentés et intègres. Il faudrait qu’il sache la réalité macabre qui se cache derrière les apparences riantes en multipliant les angles d’attaque et les investigations . Il découvrirait d’énormes dysfonctionnements. Il devrait avoir un très grand degré de mobilité comme la camera de tournage. Un zoom par-ci , lui ferait voir ce qu’il n’avait jamais vu , un très gros-plan par là, lui dévoilerait des filatures non apparentes à l’œil nu . Il comprendrait que toutes ces tares handicapantes ont une source de prolifération unique: la corruption. L’impunité encourage le malfrat à récidiver. Un travelling-arrière lui permettrait d’examiner les situations antérieures, Le travelling-avant l’aiderait à extrapoler en projetant les actions futures. Quand au panoramique, cela lui permettrait d’avoir une vision d’ensemble sur les ressources humaines et les moyens mis à leur disposition pour assumer leur tache quotidienne. Le champ-contre-champ servirait à confronter les données .Le flash-back aurait certaines vertus épuratrices. On peut déceler aisément le moment où les choses ont commencé à déraper. Comme on est devant un centre de masticage, notre Colombo découvrirait que la plupart des salariés ont été sélectionnés non pas pour leur habileté mais pour la dureté de leur dentition. Leur seul souci, c’est de ne trouver rien à mettre sous les molaires. Un Colmobo dentiste et juriste à la fois ferait bien l’affaire. Mais où dénicher cet oiseau rare?
RAZAK



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