Thursday, June 19, 2008

Les 1001 livres qui font un livre commercial


Le livre du professeur anglais Peter Boxall paru aux USA en 2006 ; sous le titre “1001 Books You Must Read Before You Die” crée une polémique transculturelle sans précédent dans les milieux littéraires. On s'y intersses parce qu'une partie de romans selectionnée a été adaptée à l'ecran . Disons d'emblée que malgré cette donnée on reste rangé du côté des refractaires . Ce sont d’une part le fameux chiffre «1001 » et d’autre part le « Must Read » qui dérangent les puristes. Pourquoi avoir choisi précisément ce nombre qui renvoie au conte arabe plus connu mondialement sous l’intitulé Mille et une nuits et sousestimer les auteurs arabophones tels les écrivains et romanciers Ihssan Abdelkoudouss et Mustapha Lotfi Manfalouti?
« Mille et un livres que vous devez lire avant de mourir » telle est la traduction en langue français de ce titre sentencieux. Flammarion l’a sorti sous un intitulé « aménagé » : « Les 1001 livres qu’il faut avoir lus dans sa vie ». Si on avait remplacé le chiffre 1001 par le déterminant « quelques » l’affaire aurait paru moins sujette à polémique. Certes on reconnaitrait volontiers qu’avec ce titre provocateur il y’a une brumeuse incitation à la lecture . Mais vue sous un autre angle , cette incitation paraîtrait un peu dirigiste et discriminatoire comme tactique bibliophilique. Les auteurs tiers-mondistes sont minoritaires et la langue anglaise est prédominante. Normal, l’auteur est anglais. Cet universitaire et ses collaborateurs se sont limités à une période historique bien définie (1900-1930) comme si les récits antérieurs ou postérieurs à ce segment n’avaient pas d’importance comme « lectures posthumes ». Cette limitation dans le temps et qui relate une carence lapidaire en matière d’objectivité jette du discrédit dans l’approche. Le Mahabharata qui me semble du point de vue anthropologique plus important qu’un roman à l’eau de rose ou sanguinaire imposé aux lecteurs par un éditeur influent ou par des critiques complaisants devrait figurer parmi les premiers de la liste , si on n’avait fait fi des préjugés réducteurs et étendu l’espace-temps. De tels titres me rappellent la titraille mercantiliste dont une certaine presse francophone en manque de lecteurs se sert pour attirer les publicistes : Les 100 machins …qui font bouger machin …Cela pue de mensonge.Je ne pense pas que l’éminent professeur Boxall ait consacré assez de temps pour décortiquer et décrypter les messages séculaires charriés par le récit épique Mahabharata . Dans le cas échéant, il serait instructif pour lui de prendre attache avec son compatriote Peter Brook pour se « mahabharatiser» la cervelle, comme cela s’est produit, non sans réjouissance intellectuelle, chez l’auteur de ces blog-lignes. A-t-on lu tous les bouquins édités dans le monde pour en sélectionner seulement 1001? N’y a-t-il pas un peu de prétention dans cette manière musclée de « conseiller » les lecteurs ? C’est comme si l’auteur et ses acolytes voulaient nous dire: « Moi Deus Lectorus et mes apotres tous connaisseurs assermentés en littérature comparée nous avons lu 1001 livres. Il faut que vous les lisiez vous aussi sinon vous mourrez bêtement.» Le caractère bourgeois dans cette incitation est évident. Boxall et ses collaborateurs s’imaginent que tous les peuples de la planète ont les mêmes chances qu’eux d’avoir à portée de la main tous les livres qu’on désire lire y compris ceux qu’ils nous recommandent? Je ne dis pas que leurs choix sont totalement mauvais (j'en ai lu un certain nombre) mais c’est le sarcasme du canevas, l’enveloppe publicitaire et leur sectarisme qui inquiètent. Beaucoup d’omissions et d’intrus.
Est-il nécessaire de lire “Interview With the Vampire” (Entretien avec un vampire) d’Anne Rice avant de mourir? Si aux yeux des éditeurs « boxallisés » à outrance le patrimoine littéraire universel se résumait aux écrits listés dans le bouquin, alors Euripide, Sophocle et Platon doivent se retourner dans leur tombe.
RAZAK

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