Wednesday, April 26, 2006


           FAHRENHEIT 9/11



Le dernier opus de Michael Moore ’’Fahrenheit 9/11’’ réussira-il à changer la donne lors des prochaines élections US? Il est difficile de spéculer sur quelque chose d’aléatoire. L’Amérique des Bush n’est pas l’Espagne de Fedricio Garcia Lorca.Le lobbying est très actif dans ce fabuleux pays, qui est un des plus complexes de la planète. Si par miracle l’alternance a lieu, la ligne tracée par les ’’faucons’’ restera inchangée.
Autre question plus actuelle, qui concerne les Arabes de plus près: le retour des Démocrates au pouvoir peut-il aider l’Irak et la Palestine à retrouver leur indépendance? Rien n’est sûr, car les déclarations du challenger laissent penser à une continuité dans la rupture. C’est-à-dire que la problématique moyen-orientale restera entière.Donc le pessimisme reste de rigueur, même si le monde veut un changement urgent qui apaise et non un transfert de pouvoir aliénant et lénifiant.
Alors quelle est la marge de manœuvre de Micheal Moore, quelle incidence ’’Fahrenheit 9/11’’ peut-il avoir sur le cours des choses? La tactique a pour but d’empêcher le ré-intronisation de Bush. Le titre du film est une métaphore où les fameux numéros 9 et 11 renvoient plus au 11 septembre qu’aux valeurs thermiques. Rappelons que le degré Fahrenheit est une unité de mesure des températures, utilisée par les Anglo-Saxons et que 32 Fahrenheit correspondent au zéro Celsius. 9 et 11 Fahrenheit sont dans la zone froide.Or le réalisateur s’affiche comme un incendiaire, c’est-à-dire que pour que cette alternance se produise, il s’investit dans l’opposition en mettant le feu à la poudrière et ce à quelques mois du scrutin présidentiel. Ce fighting peut élever la température de la compétition et de l’adversité à des degrés extrêmes, mais pas au point de griller le thermomètre et exploser le mercure.
Moore a pu exprimer son raslebol en lançant une bombe ’’électoralogène’’. Il ne le fait pas en sympathisant pro-démocrate, mais en observateur désabusé par ce qui se passe devant ses yeux. Il a réussi à faire d’un documentaire une œuvre qui ne passe pas inaperçue (Palme d’Or au festival de Cannes-2004, bon score au box-office…).
Le brûlot est un réquisitoire contre la politique de Georges Bush, notamment au Moyen-Orient. Mais ceux qui connaissent le pays de l’Oncle Sam savent qu’il ya autant de variables que de constantes, que l’on soit en présence de Républicains ou de Démocrates.Les Palestiniens le savent très bien, mais comptetenu de la vie dramatique qu’ils mènent, ils n’ont rien à perdre. Rappelez-vous que même au temps où les Démocrates dirigeaient le pays, les Palestiniens avaient toujours souffert du veto américain.
Le mur de la honte vient d’être gratifié par un énième veto républicain, approuvant son érection, alors que la communauté internationale s’indigne. Certes, le film peut contraindre les idéologues de la ’’White House’’ de prendre conscience des conséquences de leur politique, mais espérer un changement radical, par les temps revanchards qui courent, cela paraîtrait improbable, même avec des pacifistes convaincus au sommet de l’Etat.
Michael Moore utilise, comme à l’accoutumée, la dérision, comme arme de persuasion. Il ya quelque chose de messianique dans cette attitude combative. L’ardeur du propos cinégraphique dépasse la limite du fair-play narratif.
Tout commence fin 2000 avec les élections présidentielles aux Etats Unis. Georges W. Bush gagne en Floride après le vote de la Cour Suprême alors qu’Algore comptabilisait plus de voix. On ne sut toujours pas par quel coup de dé, la balance à basculé du côté républicain. Faisons remarquer d’emblée, que les adjectifs qualificatifs ’’républicain’’ et ’’démocrate’’ sont galvaudés à outrance dans le contexte que nous analysons, car les spécificités relatives à chacun des deux clans, sont idéologiquement similaires. Ce n’est pas comme en Espagne où  Sénior Zapatero va dans la direction opposée de son prédécesseur, parce que le peuple espagnol l’a voulu.
Bref, la présence américaine en Irak aurait toujours des motifs avoués ou non avoués, pour son indispensabilité.Le joug risque de perdurer à l’infini. L’histoire du film commence par ce vote controversé. Moore a concocté un mélange détonnant fait d’images d’archives, intercalées de témoignages saisissants et anecdotiques. Tout est mis en branle, pour montrer le côté contestable de la politique de Georges W. Bush.
Du point de vue cinéphilique, le film a créé un précédant à Cannes.En effet, jamais cette ville n’a offert, via son prestigieux festival, sa plus haute distinction à un film documentaire. Les «fictionnistes» crient au scandale, tandis que leurs émules saluent le courage de ce cinéaste et font de lui un porte-étendard. N’oublions pas qu’en Amérique de ’’l’après-11-septembre’’, des lois liberticides ont été votées, pour contraindre l’opinion publique au silence forcé.Le film est sorti à une époque d’interrogations. Ces débats effrénés ont contribué au succès du film.Plus on en parle, même mauvaisement, plus on donne l’envie au public d’aller voir le film. Paradoxal !
La fièvre "docu-Moore" embrase l’Europe.Le film a rapporté à son réalisateur des sommes conséquentes que ce soit en Angleterre, en France ou au Benelux.Aux Etats Unis, le film a rapporté plus de 80,1 m en 17 jours d’exploitation et ce malgré les restrictions imposées par les grands distributeurs notamment la filiale Miramax.Bientôt, il dépassera la barre des 100 millions de dollars. Le film embrase la toile. Les downloads (téléchargements) sont, tenez-vous bien, autorisés par l’auteur. Le film est diffusé sur Internet via moult interfaces d’accès, mais Michel Moore s’en réjouit au lieu de crier au vol. Il a donné à lire dans le SundyHerard des choses étonnantes: "Je ne suis pas d’accord avec les lois sur les droits d’auteur" déclare-t-il "et cela ne me gène pas que des personnes téléchargent mon film" et d’ajouter "Plus il y a de personnes qui voient le film mieux c’est, et c'est pourquoi je suis content que cela se produise ".
Moore est un des rares cinéastes à se déclarer publiquement, pour cette forme de diffusion freeware. Il paraît qu'il ne cherche pas à faire du fric, mais passer un message à qui de droit.Mais le bon samaritain pourrait-il rester aussi magnanime, quand un producteur argenté, ne jurant que par sa sainteté le dollar, lui confierait une fiction hollywoodienne? Qui vivra verra.
Quoiqu'on dise ou médise ’’Fahrenheit 9/11’’reste un documentaire osé. En pamphlétaire impertinent, Michel Moore a déclaré "J’ai fait ce film parce que je veux que le monde change ". Sa médisance est née de la comptabilité des actes manqués de l’administration Bush et le tic fabulateur des ’’faucons’’ mis à son service.Résumons: Si après l’occupation de l’Irak, on a trouvé des preuves tangibles au mensonge d’Etat relatif aux armes de destruction massive, le pamphlet de Moore aurait été un travail de sape et de dénigrement.Ses bobines n’auraient aucun intérêt.Mais comme rien n'a été prouvé à ce jour, Moore monte au créneau.D’où la crédibilité de son travail.
La contagion a affecté le monde de la musique. La célèbre chanteuses Linda Ronstadt a vanté le mérite de ce réalisateur. Elle a présenté Moore comme un grand patriote américain qui répand la vérité. Elle lui dédia une chanson ’’Desperado’’. Mais elle fut contrainte de quitter le lieu où elle se produisit devant 4500 personnes.
 Enfin, les cinéphiles marocains qui s’impatientent de voir ce documentaire n'ont qu’à se convertir en internautes momentanément.Un simple clic les ferait introduire dans l’univers de ce que l’on pourrait appeler Emile Zola du 7eart. Son brûlot n’a-t-il pas eu le même retentissement que le "J’accuse" dreyfusard, de l’auteur de ’’L’Assommoir’’ ?
RAZAK
 


SCIENCE-FICTION-FACT



SCIENCE-FICTION-FACT



Robert Wise le co-réalisateur de ’’West Side Story’’(comédiemusicale pour laquelle il eut en 1961deux oscars, dont celui de la meilleure mise en scène) aimait employer le mot «science-fact» au lieu de «science-fiction» surtout lorsqu’il évoque son film ’’Le Mystère Andromède’’ (1971).Le mot «science-fiction» est connu par tous les cinéphiles du monde, parce qu’ils ont les yeux gavés par beaucoup de films du genre. Le terme «science-fact» a une connotation wisienne: «Le film est imprégné de faits d’éléments scientifiques qui existent ou dont la réalité est imminente» explique-t-il. La démarche de Robet Wise est on ne peut plus claire: «se ressourcer dans la science sans en être conditionné».
En bref, on peut dire sans risque d’être contrarié qu’il met en fiction des faits scientifiques, car après tout, un film de narration scientifique de quelque genre qu’il soit, reste une fiction. Autrement dit, ce serait un film documentaire et dans ce cas l’objectivité et la rigueur scientifique s’imposent d’elles mêmes. Le film de «science-fact» qu’il défendait n’avait rien à voir avec le cinéma scientifique dont le cinéma médical est un sous-genre.(Je signale en passant qu’à Rabat des années 80 un centre culturel européen consacrait un programme hebdomadaire au cinéma médical. Aussitôt, il devint un petit ciné-club scientifique où professeurs universitaires, docteurs et élèves en médecine viennent discuter des films projetés. L’auteur de ces paragraphes y participait par curiosité scientifique et cinéphilique, mais regrette sa disparition prématurée).
Revenons à Wise et à son «science-fact» pour dire que le genre aurait été mieux désigné si on avait inséré le mot fiction entre «science» et «fact» pour former le bloc sémantique «science-fiction-fact».Laissons à part ce jeu de sémiologie et examinons la thèse de RobetWise. Ce qui intrigue dans son raisonnement c’est cette allusion au (je cite) «retour hypothétique d’une fusée lancée dans l’espace et qui serait susceptible de ramener sur terre une bactérie qui anéantirait l’espèce humaine».
En y réfléchissant avec un peu de latence et de pesanteur, on trouve que l’idée ne manque ni de pertinence, ni de signes annonciateurs.En fin de compte, reconnaissons volontiers, que nul ne peut dire aujourd’hui, avec la multiplication de navettes spéciales et de sondes voyageuses, de plus en plus rapides et de plus en plus gourmandes du cosmos, que cette invasion bactérienne venue d’un autre monde serait impossible à admettre. Vu d’une part la petitesse de l’homme, par rapport à l’infinitude de l’univers et d’autre part, le fait que l’on n’a (malgré les progrès de l’astronomie de la cosmologie) qu’une connaissance imparfaite des galaxies qui nous environnent, toutes ces faiblesses humaines autorisent à croire en la probabilité de tels évènements tragiques. Le moindre indice de dysfonctionnement stellaire nous met en état de désarroi. Rappelez-vous la petite farce radiophonique qui a failli chavirer l’Amérique du behaviorisme, des lumières et de la haute technologie, dans la psychose. Il s’agit de ’’La Guerre des Mondes’’ qu’un jeune comédien inconnu appelé Orson Welles a diffusée le 30 octobre 1938 sur les ondes de la radio. Il aimait les canulars et  c’était pour cela  que le jeu de narration était tellement vraisemblable qu’on avait cru sérieusement à l’apocalypse. Ce diable d’homme fomentateur devint par la suite un des maîtres du septième art notamment après ’’Citizen Kane’’. Sa facétieuse prestation a été retenue par tous les historiens de cinéma, comme étant une des plus originales. Un canular qui secoua violemment la crédulité des Nord-Américains. Outre le spectre  zodiacal de l’horoscope, le sidéral et l’activité astrale semblent avoir une incidence sur le comportement humain. Cette désinvolture humaine prouve que l’assurance, le fair-play et surtout la gestion raisonnable de la peur collective, c’est ce qui fait défaut chez les humains, dès qu’un phénomène cosmique étrange apparaît dans la lithosphère. La chute des météorites en est un des plus inquiétants.
Le cinéma s’est déjà saisi du phénomène. Wise tout comme Welles aimaient le suspense engendré par le fantastique. Si cette réalité hypothétique devient factuelle (le mot fact en anglais signifie fait) ce serait une prémonition désagréable.
En poseurs d’énigmes, ces deux hommes voulaient nous dire qu’il ya menace en la demeure. Notre terre n’est pas suffisamment protégée. Au début, on prenait leurs idées pour du délire d’hommes dérangés, mais le temps leur a donné raison.Espérons qu’il n’en serait pas ainsi pour l’hypothétique invasion bactérienne mise en exergue par Robert Wise, car notre quiétude et notre survie en dépendraient.

Tuesday, April 25, 2006

Frida Kahlo ou l'art de collectionner les cicatrices


FRIDA OU L’ART DE COLLECTIONNER LES CICATRICES

Elle voulut être médecin, elle devient artiste peintre. Le sort en a décidé ainsi. Frida Kahlo l’artiste dont les tableaux sont parmi les plus prisés par les collectionneurs d’aujourd’hui a eu une vie tumultueuse pleine de tourments, de douleur et de vicissitudes .Le calvaire de Van Gogh et de Modigliani ne représente rien devant la souffrance modulaire que ce petit bout de femme a dû supporter suite au tragique accident qu’elle a eu à l’âge de 18 ans. Pourtant, sa résistance physique et sa détermination à toutes épreuves ont fait d’elle un personnage singulier. On feuillète les monographies qui lui sont consacrées avec compassion et admiration. A la voir à l’œuvre avec son enthousiasme débordant l’on dirait qu’elle n’avait jamais reçu le moindre coup de bistouri.Pourtant son corps semblait collectionner les points de suture. Elle n’a pas pu préserver sa chair avide de tendresse des morsures des déchirures et du poison de la vie. La fatalité l’a élue pour mener une vie de saltimbanque. André Breton le pape du surréalisme la définissait comme un « ruban autour d’une bombe ». Une métaphore qui en dit long sur le côté « satin » et le côté « airain » de ce personnage féminin hors du commun. Elle était courageuse, dynamique et tenace. Elle affrontait le destin avec une combativité d’une rare résignation. Au pays de la Tequila et du piment rouge l’espoir faisait vivre.Tout était possible même l’impossible, à condition de savoir se faufiler entre les épines. Le Mexique est le paradis du cactus. Frida a pu non seulement transcender sa condition physique mais donner un sens à sa vie. Elle voulut réellement être l’égale de l’homme dans la passion et dans le combat des idées.
Plusieurs ouvrages ont été publiés sur elle en langues anglaise, espagnole et française. Les Etats-Unis viennent d’imprimer un timbre commémoratif à son effigie.La consécration que l’Academy Awards a réservée au film « Frida » de Julie Taymor prouve que le sacrifice de cette artiste peintre a fini par être récompensé de plus belle manière.Le film vient enfin de sortir dans les salles de la capitale marocaine soit 9 mois après sa sortie mondiale. Je l’ai vu la semaine dernière. Sa vison en valait la peine.
Commençons par saluer le performance de Salma Hayek qui nous a permis de suivre les péripéties de ce drame picturo-romantique avec intérêt .Tout le film repose sur l’énergie de cette actrice mexicaine que les maquilleurs ont « fridalisée » avec finesse et sobriété. Le film débute par une séquence originale digne d’être signée par Luis Binuel : le déménagement d’un grand grabat mexicain auquel on a fixé un miroir . Une femme ayant des sourcils en arcade y’ est immobilisée. Un très gros plan sur le visage. Soudain , le récit s’amorce pour prendre sa ligne de narration. La suite du film nous expliquera qu’il s’agit d’un « lit-atelier-chevalier » ambulant et que la femme transportée est une artiste qui va inaugurer son exposition. Derrière cette pièce d’ébénisterie surréaliste il y’a une volonté farouche de surmonter les obstacles. On n’a qu à suivre les protagonistes qui sont évidemment plus beaux que les vrais. Ce n’est pas le premier film à s’inspirer de la vie des artistes peintres célèbres ou inconnus. Picasso en a eu droit à une kyrielle variant entre le film documentaire et le film de fiction.Le dernier en date est Surviving Picasso de James Ivory. Van Gogh , Modigliani et Hokusai n’ont pas été oubliés par les cinéastes. Certes, 120 minutes ne suffisent pas pour explorer l’univers onirique et libidinal de Frida Kahlo et surtout pour commenter son itinéraire politique et esthétique qui prirent une autre direction en croisant ceux du peintre muraliste Diego Riviera, du philosophe russe Léon Trotski et du père du surréalisme André Breton.Le film est d’une beauté plastique exquise. Les amateurs d’art plastique y trouvent de quoi étancher leur soif .L’image est impeccable .Les couleurs sont vives et éclatantes à l’image du Mexique .On peut dire sans risque de se tromper que « Frida » révèle Julie Taymor. Son précédent film « Tutus » est passé inaperçu. Elle a réussi à faire exploser le talent de la plantureuse latino-américaine Salma Hayek, qui , en voyant le film en avant-première, s’exclama : « Je n’avais jamais pu montrer ce dont j’étais capable ». Résultat final de cette fructueuse collaboration : six nominations aux oscars 2003 dont celui de la meilleure actrice et deux pour le meilleur maquillage et la meilleure musique. Un exploit pour une production à petit budget (12 millions de dollars seulement). Qui vous a dit que la réussite dépend exclusivement de l’argent.
RAZAK
(Parue dans la presse le 24 janvier 2004 )

Monday, April 24, 2006


LE CINEMA MENACE PAR LE COMPUTER
On n’est pas passéiste si on est amené à dire que le passé du cinéma est plus riche et plus intéressant que le présent. Aujourd’hui , avec le recours massif et effréné aux images de synthèse , une sorte de perversité s’empare du cinéma. La manipulation du « virtuel » a atteint son paroxysme. Le doute s’installe .L’overdose est largement dépassée dans Matrix-2 et Spider Man destinés aux adolescents .Or le doute en matière de cinéma mène au dégoût et à la désaffection. C’est inéluctable. Jadis, lorsqu’un cascadeur réalise une prouesse à couper le souffle, le spectateur applaudit, car il sait que cette performance est réelle, puisqu’elle est effectuée par un être humain qui lui ressemble . Même prêtée à un acteur , ce qui est très fréquent dans les films d’action , elle reste du domaine de l’insolite . En général les spectateurs se remémorent plus des scènes dangereuses que des titres de films .Dans Papillon par exemple ( film tiré d’un best-seller) c’est le saut final de l’évadé qui reste vivace dans les esprits. Papillon c’est ce plongeon du haut de la falaise et le grand bleu de la liberté gagnée au prix de milles sacrifices et sévices corporels . Aujourd’hui, avec la surabondance des techniques de clonage électronique, le spectateur perd ses repères de lecture de film. Le cinéma assisté par l’ordinateur est un cinéma du jetable après visionnage . L’épithète « classique » lui serait interdite car le genre , si l’on peut parler ainsi , est en fait une multitude de genres et chaque jour qui vient s’ajouter à l’éphéméride de nouvelles inventions viennent effacer celles de la veille .L’on assiste à un phénomène étrange qui va inévitablement anticiper la mort de cet art né au 19eme siècle et auquel on a attribué le chiffre 7. Il s’agit de l’extinction, à petit feu, de ce qu’on appelle « vedette de cinéma » puisque c’est l’ordinateur qui est devenu la véritable vedette. Cette chosification de l’art et cette mécanisation porteront un coup fatal au « star-system » qui est considéré par les professionnels comme l’élément de base dans la carrière d’un film. Les stars, têtes d’affiches, attirent du public, mais l’ordinateur ne peut pas en fabriquer . Cette stérilité le contraint d’être l’instrument de son maître . Ainsi, les dinosaures imaginés par Spielberg et qui ont connu une certaine aura à leur apparition ont été vite remplacés par des créatures facétieuses de Freddy , un film désagréable où la virtualité et la fantaisie l’emportent sur le réalisme . Elles n’ont rien d’émotionnel . Que de l’épouvante et d’agacement pour la retire à chaque tour de bobine , alors que (si l’on reste dans le même registre ) les créatures étranges mises en image aux années héroïques de Hollywood en avaient à revendre. Parce qu’elles sont l’oeuvre géniale de talentueux plasticiens et maquettistes. L’on est actuellement submergé par un grand déluge d’images insipides obtenues par digitalisation .Certes, cette dernière technique a apporté des améliorations appréciables au niveau du son ( Dolby Digital Sound) mais au niveau de l’image elle a créé une débauche déontologique , puisqu’il suffit d’une photo d’un personnage quelconque , pour en faire un acteur . Au début on en fit un usage modéré car le procédé venait d’être mis au point . Dans Forest Gump cela a apporté une touche de gaîté au scénario avec un Nixon ressuscité pour les besoins de narration , mais à partir de The Mask la diarrhée commence. A la longue , on a fini par s’en lasser , car ces images sont froides et sont d’une brillance métallique. Elles épuisent le regard et atténuent la mémoire. Faire l’éloge du technologique c’est bien mais garder le sens de la mesure c’est meilleur. L’entrée impétueuse de l’ordinateur dans le domaine onirique et iconologique a perverti les standards de réception et bouleversé les valeurs de perception . La dimension humaine a tendance à disparaître au détriment du « machinal ». Les acteurs ne comptent plus sur leur « gueule » photogénique et sur leur carrure physique comme de fut le cas pour Charles Bronson , Anthony Queen et Yul Bruner , mais sur les output du computer .L’acteur devient alors prétexte d’un personnage. Cette luxuriance anormale d’images informatisées a créé un sentiment de nostalgie chez les cinéphiles qui aiment la sobriété et la prestance. Au lieu du clownesque Jim Carey et ses semblables qui se font assister par les infographistes et plus qui se prennent pour Zeus de leur génération les cinéphiles ont envie des lumières et des gloires du passé. Parce qu’ils en ont marre des robots d’aujourd’hui .Ils veulent revoir du vrai cinéma celui des bosseurs qui n’ont été propulsés au firmament des superstars qu’après des années de labeur et de persévérance .On en citerait pour mémoire : John Wayne, Humphrey Bogart, Gary Cooper , Fred Astaire, Burt Lancaster , Gary Grant , Kirke Douglas, Sidney Poitiers, Marlon Brando , Charles Bronson, Lee Marvin , Gregory Peck, Paul Newman , Steve mc Queen , Robert Redfort, Clint Eastwood , James Coburn , Clark Gable, Charlie Chaplin , Elisabeth Taylor, Ingrid Bergman , Amitabh Bachchan, Omar Charif , Greta Garbo , Marlene Dietrich, Katherine Hepburn , Luren Bacall, Sophia Loren …

RAZAK

DU CINEMA NEW AGE

DU CINEMA NEW AGE
Nous vivons l’ère du clonage . Même le cinéma que d’aucuns , récalcitrants , considéraient jusqu’à tout récemment comme une entité génétiquement et phénotypiquement « inclonable » commence à subir le scalpel des généticiens de l’image et des infographes. Plus besoins de doublures et de figurants physiologiquement coïncidants. Le computer se charge d’affaire. En multipliant les simulations et les hybridations d’êtres virtuellement identiques à l’homme, la question : « Qu’est-ce que le réel ? » est à l’ordre du jour .
Curieusement, la fièvre de la clonomania culmine en cette fin de millénaire, comme si l’on voulait entrer dans le nouveau siècle avec des auto-clones de secours en guise d’ombres. Tenez en Nouvelle Russie on nous parle d’aventuriers du clonage qui veulent reproduire Lénine, le père du bolchevisme alors que des cinéastes américains sur-informatisés comme Georges Lucas et John Whitney pensent qu’il est possible de ressusciter (s‘ils ne l’ont déjà fait ) Clark Gable et Rita Hayworth , deux figures mythiques du cinéma américain. Au cas où ces deux expériences réussiraient, notre planète serait celle des revenants de deux sortes : les uns organiques obtenus par une diabolique hybridation, les autres virtuels par numérisation. D’ailleurs depuis Jurassic Park (S. Spielberg ) film entré dans les annales du cinéma virtuel , jamais des trucages de cinéma n’auraient été aussi intrigants et les dinosaures plus vrais que le réel. De même, parmi le cinéphiles et les ciné-téléphiles qui ont vu Terminator-II de l’entreprenant James Cameron savent de quels spécimens d’humanoïdes il s’agit. Pour ce qui concerne le second genre de clones, les trucages par numérisation avec leur spectaculaire et ahurissante apogée risquent de porter l’art de la manipulation à des degrés telle que la réalité serait compromise. L’art et la représentation : deux notions qui , durant des siècles ont focalisé l’attention des philosophes (Hegel, Bachelard , Spinoza …) seraient remises en question de manière radicale. Moulage en silicone , mousse de caoutchouc, animation hydraulique, robotique, tous ces ingrédients digérés par l’ordinateur sont recrachés sous forme d’images iconiques maniables à souhait du fait de leur numérisation . Autrefois les cubistes disaient toucher la matière et non la voir , aujourd’hui ne dit-on pas ne croire qu à ce qu’on voit ? Entre toucher et voir il y a la vitesse de perception mentale .C’est pour cela que les « visualistes » l’emportent sur les « tactiliens » . Mais au delà de cette prolifération d’images, qu’adviendrait-il de notre imagination . Le téléspectateur comme le cinéphile tout comme l’amateur de jeux vidéos , qui font ravage actuellement dans toutes les salles de jeux de la plante , semblent vivre et penser par procuration .
« Quelle liberté les images modernes laissent- elles à leurs spectateurs ? » s’interroge Christian Godin auteur d’un brillant essai sur l’imaginaire et vide . « Le cinéma , la télévision et l’informatique (images de synthèse) ont fait surgir un troisième monde intermédiaire entre l’univers matériel et l’univers des idées, entre le sensible et l’intelligible, explique- il . Ces artifices qui arrêtent l’imaginaire au lieu de le stimuler doivent interpeller autant le philosophe que l’anthropologiste et le physiologiste . Certes, le marché des images est régi par la cruelle loi du box-office . Mais à force de se montrer intelligible ne risque t-on pas de devenir débile tout simplement . Godin nous met en garde contre cet asservissement de la liberté : « A vouloir tout monter on n’évoque plus rien ». Et pour conclure, il revient aux permisses : « L’imaginaire est liberté souveraine, mais l’arbitraire l’annihile » .

RAZAK

Thursday, April 20, 2006


CES INTRUS DE CINEMA QUI NOUS ENCHANTENT


«Le métier de cinéaste ne s’apprend ni à l’école ni à l’université pas plus que dans les livres », disait Henry Hathaway, le réalisateur californien qui est né en 1898, c’est-à-dire dans la même décennie qui a vu naître le cinématographe. Ce cinéaste fécond qui dirigea les acteurs les plus célèbres (John Wayne, Gary Cooper, Henri Fonda, Lee Marvin, James Stewart, Kirk Douglas, Robert Mitchum …) donne une définition toute particulière au 7ème art : « Le cinéma, c’est en soi qu’on le porte et on y réussit avec l’aide de la chance. C’est une force qui vient de la volonté intérieure, d’un talent qui naît de la persévérance et d’une puissance de résistance aux modes et aux goûts du jour. Lesquels n’arrivent qu’à vider les salles de projection les unes après les autres».
Ainsi, en feuilletant les biographies et autobiographies des grands cinéastes qui ont marqué l’histoire du cinéma, l’on constate notamment chez les «old-timers» (anciens) cette conjonction spectaculaire entre le hasard, la chance et la persévérance. Un encouragement en somme pour les nouveaux arrivants. Même sans formation préalable, l’espoir reste permis. Pourvu qu’ils aient de la bonne intuition et de la félicité, pour guider leurs pas et actes créatifs vers des horizons inédits.
Fritz Lang était un étudiant dans une école d’architecture de Vienne, avant de se consacrer à la peinture. Fuyant le nazisme, il alla construire son œuvre cinématographique ailleurs, loin du regard policier de Goebbels et des SS hitlériens qui ne voyaient dans sa créativité, que de l’art dégénéré. Il voyagea beaucoup avant de s’installer aux USA. La dégénérescence liberticide dont il était la cible se transforma, par le labeur et l’abnégation, en une éblouissante régénérescence de ses idées esthétiques et de ses recherches formelles. Les réalisations se succédèrent à un rythme soutenu, jusqu’à la consécration finale qui avait fait de lui le Fritz Lang qu’on connaît. L’expressionnisme allemand lui doit la perspicacité et l’originalité des sujets traités cinématographiquement. N’a-t-il pas créé avec Murnau, Bapts et Robert Wiene tout un mouvement expressif, entré dans les annales du 7e art par la grande porte?
Ces créateurs singuliers puisant dans la force qui vient de «la volonté intérieure» ne faisaient pas du cinéma pour passer le temps, parce que justement le temps était leur principal rival. Alfred Hitchcock, le maître du suspense, débuta sa carrière comme un simple dessinateur d’interlignes. Plus tard, ses graphismes deviennent les signes d’une narration à couper le souffle. George Gukor était introduit au cinéma en tant que dialoguiste amateur. A la fin de sa carrière, il devient un philosophe du 7eart: «Au cinéma la spontanéité relève de la science».
Sergei Eisenstein, lui aussi né en 1998, fut inscrit à l’Ecole des Travaux Publics, en vue de devenir un ingénieur en Génie Civil, pour satisfaire sa famille. Lors de la bolchévisation de la Russie, il s’enrôla dans l’Armée Rouge et mit ses dons de dessinateur-inné au service de la révolution prolétarienne. Plus tard, il fut salué par les critiques du monde entier, comme un novateur de cinéma, doublé d’un théoricien qui savait de quoi il parlait. ’’Le Cuirassé Potemkine’’ qu’il a réalisé après ’’La Grève’’, film d’avant-garde où le héros n’est autre que la masse, l’a hissé au rang convoité de sommité du 7e art. Il en fut de même pour ceux que l’on pourrait appeler les cinéastes en «Ov» à savoir : Vertov, Koulechov, Protazonov, Vladimir Petrov, MikhailKalatozov et Serge Guessimov … quoique ces derniers fussent moins percutants par comparaison au grand maitre qui fut admiré par l’Américain Orson Welles.Certaines rétrospectives, organisées par des centres culturels rattachés aux ambassades accréditées au Maroc, nous ont permis de situer le talent de chacun et d’apprécier leur apport respectif.
En France, ceux qui ont pris la relève après George Méliès, ce génie de cinéma qui créa aussi bien le premier studio de cinéma du monde, que l’art de la miseenscène cinématographique, ont eu des itinéraires aussi variés qu’incongrus. Abel Gance était un versificateur proche des poètes symbolistes. René Clair était lui aussi tenté par une carrière littéraire. Jean Renoir apprenait le métier de céramiste. Marcel Carné voulait être photographe. Jean Vigo et Marcel Pagnol obtinrent leur baccalauréat en philosophie. Delluc était un chroniqueur de cinéma. Quand il a pris le viseur, il créa l’impressionnisme de cinéma,un genre qui n’avait rien à voir avec l’impressionnisme de Renoir et Claude Monet et puis dont on trouve, par imitation, des survivances chromatiques même au Maroc. Un prix porte son nom, récompensant les meilleurs films français. Le ’’Prix Louis Delluc’’ se voudrait un lebel de qualité. Les jurys endosseront la responsabilité, si des navets s’insèrent dans les verdicts.
Revenons aux hollywoodiens qui engraissaient le box-office d’antan, Robert Siodmack fit des études à l’université avant de se lancer dans les affaires. L’échec l’a jeté dans les bras consolateurs du cinéma. En débarquant surla planète Hollywood, il vit sa carrière prendre un envol inespéré. Du simple travail de sous-titreur de films étrangers, il devient un cinéaste attitré qui voit dans les remakes ce que d’autres ne voient pas: «Le remake est tout à la fois une école de dextérité et une leçon d’humanité».
Jacques Tournier, le plus hollywoodien des réalisateurs français, était un garçon de courses à la MGM (Métro Golden Mayer). John Huston abandonna ses études pour devenir un boxeur professionnel. Le cinéma l’avait reconverti de si bien drôle de manière: il lui ôta les gants sanglants de boxe et lui remit un viseur.
Fred Zinnemann voulut être violoniste, mais il devient l’instrument d’une caméra qui signait des partitions imagées. Elia Kazan, ce cinéaste d’origine turque, était un simple accessoiriste. Quand sa signature a pris la dimension du grand écran, il passa vite à la postérité en fondant avec Cheryl Crawford et Robert Lewis ’’l’Actor’s Studio’’ d’où sont sortis des acteurs devenus des célébrités d’interprétation: Marlon Brando, James Dean, Robert de Niro, Al Pacino …
William Whitney était un simple coursier lui aussi. Samuel Fuller fit ses études dans la presse tout comme Richard Brooks, Robert Mulligan, Fellini, Robert Altman et Robert Aldrich. Ray Bradbury était nouvelliste. Richard Fleischer a suivi des études de médecine. Orson Welles se révéla dans le dessin et la caricature. Roger Carmon voulut être un ingénieur en Génie Mécanique. Les études de la cinématique (étude scientifique des mouvements) l’ont mené tout droit à la cinémathèque.Giovanni Pastrone qui créa une de ses «pastronades» les plus apaisantes pour l’œil: le travelling, était autodidacte. Jerry Lewis était chanteur et fantaisiste de Music-Hall. A force de faire rire, il voulait que d’autres le fassent à sa place, devant sa caméra.Il trouve Eddy Murphy pour perpétuer le genre, revu et corrigé pas ses soins d’acteur devenu réalisateur. Mel Brooks était un batteur dans une formation de jazz .Woody Allen, cet humoriste de talent et excessivement intellectuel a fait du journalisme, lui aussi et à sa manière. Il se spécialisa dans les chroniques humoristiques. Il a de la chance de n’être pas né au Maghreb ou au Chili des années de braise; autrement, il serait mis à l’ombre ou mis dans une posture délicate. Charlie Chaplin, était un petit farceur errant.Il n’a acquis de l’expérience qu’en regardant les autres travailler. Mais dès qu’il s’est mis à faire son cinéma, il devient un mythe vivant. En créant le personnage hilarant du vagabond qui ne quitte jamais ses grosses chaussures trouées et sa canne tordue, il devient le roi du rire et conquiert les cœurs de tous les habitants de la planète.
Il ya d’autres «intrus» de cinéma qui se sont révélés des autodidactes , plus habiles que ceux qui ont suivi une formation de réalisateur, dans un institut de hautes études cinématographiques ou dans d’autres institutions académiques. Ils ont vu le jour soit dans des petits patelins en province ou dans des métropoles cosmopolites. Ils ont vécu dans des familles aristocratiques ou dans des demeures modestes, mais qui ont laissé l’intuition leur dicter ce qu’elle avait à dicter. Ils ont pour noms : Bergman, Visconti, Max Ophuls, Pasolini, Vim Wenders, Vittorio de  Sica, Luis Buñuel, Akira Kirozawa, Andezej Wajda, Yash Chopra, Roman Polanski, Salah Abou Saif, Satyajit Ray…Ils rejoignent le cortège des faiseurs d’images instinctifs. Leurs lanternes éclairaient nos nuits monotones. Ils voyaient le monde à travers une petite fente rectangulaire et ils le transposèrent sur une succession de photogrammes narratifs bien séquencés.
Les uns s’expriment, les autres adaptent. Les uns mettent en image des histoires épiques ou véridiques, d’autres se déploient dans la poésie lyrique, les uns aiment filmer dans des sites pittoresques, d’autres s’enferment dans des studios aux décors fastidieux, un monde enchanteur et onirique nous est offert. Il suffit de se laisser entraîner par ses effluves, ses senteurs exotiques et ses frissons. Bref, c’est l’odyssée humaine, l’empire des sens, l’aventure du regard jamais assouvi. C’est aussi l’instant interrogatif et intriguant d’un être en perpétuel devenir.
Ils nous ont fait rire ou pleurer. Ils nous ont instruit ou diverti et comble de sacrifice: ils ne se sentent fiers que d’une chose: signer une œuvre réussie. Certains sont entrés dans la mythologie du cinéma, d’autres cherchent toujours un raccourci, une passerelle. Si l’on s’amusait à mettre bout à bout toutes les bobines magiques ainsi réalisées dont le sésame tiendrait à deux mots: «Moteur» pour le filmage et «Coupez» pour son arrêt,  l’on aurait de quoi relier les côtes de l’Océan Atlantique à celle du Pacifique par une longue ceinture de cellophane chargée de tatouages multicolores, de visages qui nous sont familiers, de décors ahurissants et de message toujours vivaces.Ces bobines portent la trace indélébile du génie humain.
De Hollywood à Cinecittà et de Hollywood à Bollywood, les passassions de consignes technico-artistiques se sont faites en douceur, sans heurt ; des fois dans l’émulation, mais jamais dans la rancœur et l’adversité. Ce triptyque restera à jamais comme le laboratoire idéal où l’imagination et la quête existentielle arpentent le même cheminement transcendantal.C’est grâce à ce tri-pôle de créativité que le rêve humain a pris forme. Aux générations futures d’en créer d’autres de plus scintillants.
RAZAK




Après Zee Cine Awards Dubai accueille les IIFA-Awards

Dubai, la ville phare du Proche et Moyen Orient , a le vent en poupe en ce moment .Tout semble lui réussir . Le fighting entre Marrakech et Dubaï pour l’organisation des 7eme IIFA-Awards a penché en sa faveur . Logique . Après Londres, Sun City , Genting Highlands de Malaisie, Johannesburg, Singapour et Amsterdam, Dubaï s’apprête à prendre la relève . Les stars indiennes tous calibres confondus convergeront vers Dubaï en juin pour le verdict final de l'académie internationale du film indien.
La cité des Al Maktoum semble avoir les atouts que son émule tarde d’en avoir . D’aucuns me diraient : « C’était une bataille déséquilibrée car les Emirats Arabes Unis (E.A.U) profitent de la manne pétrolière alors que Marrakech n’a que le tourisme et son hospitalité légendaire . » Mais est-ce que tous les pays arabes qui pompent les hydrocarbures comme on pompe l’eau de mer ont initié des projets grandioses comme ceux qu’on voit actuellement à Dubai ? Beaucoup d’argent dort dans les banques occidentales , mais les Emiratis ont eu la clairvoyance de maintenir le leur en éveil c’est à dire en circulation productive . Le volontarisme des Al Maktoum (les nouveaux Médicis du Golfe ) est derrière cette dynamique métamorphose . Les rénovations d’ordre urbanistique , touristique et culturelle sont en fait la réalisation d’un défi . Du point de vue climatologique, la région est d’une aridité contraignante mais les promoteurs ont tenté d’y apporter la fraîcheur en joignant l’utile à l’agréable . L’Hôtel Bourj al-Arab , les Tours Emiraties , le Shangri-La-Hôtel, le port de plaisance, sont de véritables prouesses d’ingénierie maritime et des joyaux de l ’architecture moderne . Les Emiratis ont compris au moins une chose : Le pétrole est une ressource périssable donc mieux vaut investir dans quelque chose de durable . Ainsi, avant de se lancer dans les nouvelles technologies (Dubai Internet City , gouvernement électronique ) ils ont investi dans la promotion du sport hippique et du sport automobile (Salon aéronautique ) . La Dubai World Cup attire les plus grands jockeys du monde et les écuries les plus prestigieuses pour se disputer les prix les plus dotés de la planète. Dubai Media City , qui n’a vu le jours que durant ces derniers années, a déjà à son actif plusieurs événements internationaux dont les Zee Cine Awards qu’elle a abrités en 2004. Dubai Media City serait immanquablement impliqué dans l’organisation des IIFA-Awards de juin prochain . La trilogie des cérémonies de remise de prix en Inde est, depuis 2000 (date du lancement des premiers verdicts de l’académie internationale du film indien) : Zee Cine Awards- Filmfare- IIFA-Awards .
Dubai qui a opté pour le cosmopolitisme le plus audacieux est devenu une destination incontournable pour les gens qui aiment le dépaysement , l’insolite et la réussite des bonnes affaires . C’est une des rares zones économiques du Golfe d’ Arabie où l’investisseur étranger n’a pas à craindre la mastodonte des impôts et autres désagrément fiscaux .
Revenons aux IIFA-Awards et aux vertus qu’ils répandent (dialogue des cultures, brassage ethnique , échanges touristiques et commerciaux …) . Ils sont devenus le porte-avion de la culture indienne . La ville de Marrakech doit regretter de n’être pas encore prête pour ce grand rendez-vous transcontinental . L’on espère que ce ne sera que partie remise car des IIFA-Awards made in Morocco la feraient connaître à plus d’un milliard d’indiens . Dans notre dernière chronique consacrée à ce sujet (Marrakech , après la FIFA, bienvenue à l’IIFA ? ) nous avons signalé que la concurrence serait rude et que si la ville des Almoravides l’emportait ce serait presque par miracle car les initiateurs des IIFA-Awards sont devenus très exigeants .Ce n’est pas seulement l’infrastructure d’accueil et la logistique disponible qu’ils examinent avec les mairies concernées mais aussi le volet relatif aux retransmissions télévisuelles . Le parc marocain est d’une austérité écœurante . Les studios sont exigus et le personnel est mal préparé (linguistiquement et techniquement ) pour répondre à la demande des médias indiens . Il est à rappeler que plus de 350 chaînes TV retransmettent l’évènement en direct, et là où ils se tiennent, ces IIFA-Awards drainent en moyenne entre 12000 et 15000 personnes , du plus fortuné au plus accros . De plus, ces Oscars indiens ont un caractère festif et durent cinq jours .La cérémonie se déroule dans un décor féerique où chant et danse se mêlent aux verdicts des jurys . Les bollywoodphiles trouvent la possibilité de rencontrer leur idole fétiche pour un autographe ou une photo de souvenir qu’ils conserveront durant tout le reste de leur vie dans un album précieux . Les nombreux fans marocains de Shahrukh Khan , Amitabh Bachchan , Hrithik Rochan , Aamir Khan , Rani Mukherji, Aishwarya Rai, Kajol , Prety Zinta , Kareena Kapoor, auront le blues d’apprendre que les IIFA-2006 ont préféré le Machrek plutôt que le Maghreb . Notons que dorénavant la concurrence sera de plus en plus serrée et que seules les grandes cités disposant de tous les atouts nécessaires ( technologies de communication...) auront des chances d’abriter ces IIFA-Awards que même Paris et New York souhaiteraient voir sous leurs dômes . A peine a-t-on annoncé la tenue des IIFA-2006 à Dubai voilà que la ville anglaise Yorkshire qui se mette à courtiser les indiens pour la prochaine édition . Sans oublier Amsterdam qui voulait récidiver . Et Marrakech qui a tout fait pour en avoir la primeur ? Va-t-elle regarder les autres marquer des points et se contenter de ses carrioles et riads réaménagés à l’occidentale ? Ou va –t-elle retrousser ses manches et se mettre au travail pour colmater les brèches existantes ? Si on désire que ces Bollywood Oscars soient distribués au Maroc on doit renforcer les réseaux de diffusion et faire appel à des gens qui connaissent la culture indienne et non des néophytes . La langue anglaise est primordiale . Lors du dernier FIFM nous avons vu les carences télévisuelles et les errements radiophoniques frôlant le comique . Yash Chopra et Saif Ali khan ont senti le confort plus chez le petit peuple qui fréquentait la place Jamâa Elfana que chez les BCBG qui ne quittaient pas le Palais des Congrès où des navets bien poilus ont été projetés . Le film Black de Sanjay Leela Bhansali est passé inaperçu alors qu’il était en mesure de gagner le trophée . On l’a présenté ( hors-compétition ) dans un cinéma de seconde zone . Nous étions seulement une poignée de personnes à voir ce film intéressant . Les Zee Cine Awards 2006 ont confirmé nos prédictions. Il a glané presque la majorité des prix et récompenses . Il y’a de fortes probabilités de répéter l’exploit en juin prochain , car PAHELI qui a représenté l’Inde aux oscars américains n’a pas été à la hauteur des attentes . Si 2005 a été désignée comme l’année Veer-Zaara , 2006 est sans conteste l’année Black . Le réalisateur Sanjay Bhansali , qui est aussi l’ auteur du beau remake Devdas, n’a pas montré toute l’étendue de son talent .
Une nouveauté pour cette année : il est probable que l'académie internationale du film indien va annoncer qui accueillera les prochains IIFA-Awards . Cela permettrait aux heureuses villes élues de ne pas préparer l’évènementiel à la hâte et avec empressement.
Le choix de Dubaï a été favorisé par l’approbation du vétéran du cinéma indien Amitabh Bachchan qui jouit au sein de cette institution d’un respect unanime . Bachchan est le véritable prospecteur de l’IIFA . Il a soutenu Marrakech mais Dubai était dans son collimateur depuis 2003.
« Plus de 80 pour cent des 1,5 millions de personnes étrangers sont des Indiens, Bangladeshi ou des Pakistanais » indique–il . Concernant son éventuel déplacement à Dubaï , Bachchan avait dit que cela dépendrait de son état de santé car il vient de subir une opération chirurgicale. Parmi les jeunes actrices dont on attend la consécration il y’ a la pétillante SNEHA Ullal . Elle a tenu tête à l’inamovible Salman Khan dans le film « Lucky , Not Time For Love » . Mais le Sylvestre Stalone du cinéma indien n’ira pas à Dubaï puisqu’il vient d’être déclaré coupable d’avoir tué un cerf faisant partie des espèces protégées par l’Etat.

RAZAK